VAUDOU (Jacques Tourneur)

REALISATEUR

Jacques Tourneur

SCENARISTES

Curt Siodmak et Ardel Wray

DISTRIBUTION

Frances Dee, Tom Conway, James Ellison, James Bell, Darby Jones…

INFOS

Long métrage américain
Genre : fantastique
Titre original : I walked with a zombie
Année de production : 1943

En créole haïtien, Zonbi veut dire esprit/revenant…dans les croyances de cette culture, le zombie est la victime de sortilèges vaudou, un mort ramené à la vie ou une personne dont la conscience est détruite pour pouvoir le soumettre à volonté. Le vaudou haïtien est au centre des histoires des premiers films de zombie du cinéma et ce depuis le White Zombie de Victor Halperin en 1932. C’est un sujet qui fascina le grand public de l’époque et qui fut l’objet de nombreux articles, plus ou moins sensationnalistes paraît-il.

Deuxième long métrage de la mythique collaboration entre le réalisateur français Jacques Tourneur et le producteur Val Lewton, sorti entre La Féline (1942) et L’Homme-Léopard (1943), Vaudou (I walked with a zombie en version originale…un titre imposé par le studio et que Val Lewton détestait) a été inspiré par un de ces articles, paru à l’origine dans American Weekly Magazine.
Cet article, Val Lewton ne l’a pas vraiment apprécié…et parce qu’il l’a trouvé beaucoup trop cliché, le producteur a poussé ses scénaristes à faire des recherches sur les pratiques du vaudou haïtien et à utiliser la trame du Jane Eyre de Charlotte Brontë pour étoffer la structure narrative de Vaudou et nourrir les relations entre les personnages.

L’héroïne principale de Vaudou est Betsy Connell, une infirmière envoyée sur une île des Caraïbes pour y soigner la femme catatonique de Paul Hollans, un propriétaire terrien. Poussée par ses sentiments grandissants pour cet homme, Betsy veut tout faire pour guérir sa patiente…ses actions vont alors exacerber les tensions familiales et la faire pénétrer dans un univers où les croyances surnaturelles font partie du quotidien…

Cette opposition entre légende et rationalisme était déjà au centre de La Féline. Dans Vaudou, Jacques Tourneur cultive encore plus le doute. Le doute sur le mal dont souffre l’épouse de Paul Holland, le doute sur le drame familial qui se joue et dont les détails nous sont révélés au fur et mesure par l’intermédiaire du personnage de Betsy, le doute sur la nature des forces à l’oeuvre et dont une tentative d’explication finale amènera encore plus de questions que de certitudes…
L’ambiguïté du récit est soulignée par la mise en scène de Tourneur, entièrement tournée vers la suggestion, cette utilisation des ombres telle une réflexion de l’état d’esprit des acteurs de l’histoire…cette atmosphère étrange et presque hors du temps, hypnotique, comme une transe créée par le rythme des tambours…

La scène la plus célèbre de Vaudou est l’une des expressions les plus brillantes du cinéma de Jacques Tourneur…la déambulation nocturne de Betsy et de sa patiente dans les champs de canne. Onirique, envoûtante, perfection formelle, tension appuyée par le silence presque assourdissant dans les premiers instants et le placement graduel de l’illustration musicale. Et à la croisée des chemins, une présence troublante, gardienne d’un passage entre deux mondes…

Juste magnifique…et furieusement romanesque, aussi…

Rien n’est beau ici. Tout n’est que mort et putréfaction.

William Rose :

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