1941-2021 : BON ANNIVERSAIRE WONDER WOMAN !

Bon, ça va.
Et puis, ça fait quinze minutes, alors je vous reparle.
(Purée, pourquoi je me lance dans des défis intenables comme ça ?)

Jim

La série World’s Finest Comics, consacrée en grande partie aux aventures que Batman et Superman mènent en commun, change de formule au numéro 244. Jusqu’au numéro précédent, le sommaire ne contenait que l’aventure citée plus haut. Mais à partir du 244, il accueille les péripéties du tandem, ainsi que plusieurs autres récits, parmi lesquels des chapitres consacrés à Black Canary, à Green Arrow, au Vigilante et à Wonder Woman.

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Les aventures de Wonder Woman, dès le premier chapitre écrit par Denny O’Neil, se situent durant la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est pas toujours précisé, mais les lecteurs de l’époque comprennent qu’il s’agit de l’Amazone de Terre-2, celle de Terre-1 n’étant pas en activité à cette période. Bien évidemment, l’insistance de DC à raconter des histoires dans les années quarante est liée au succès de la série Wonder Woman, dont la première saison se déroule à cette période. L’ironie voudra que la première saison se conclue en février 1977, date à laquelle l’éditeur décide de déplacer son héroïne dans le temps, afin de se caler sur la version télévisée… mais le passage de la chaîne ABC à la chaîne CBS conduira la production à placer les deuxième et troisième saison dans un univers contemporain. L’éditeur se trouvera donc en complet décalage par rapport à la version sur petit écran, et on pourra s’étonner du manque de réactivité de la rédaction.

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Toujours est-il que, dans World’s Finest Comics, Gerry Conway, en charge de la plupart des épisodes, propose des aventures musclées, aidé en cela par des dessinateurs sympathiques. C’est le cas pour les numéros 248 et 249, illustrés par Mike Vosburg. Et puisque l’action se déroule durant la Seconde Guerre mondiale, il fallait bien que, tôt ou tard, l’Amazone rencontre le Sergent Rock. C’est le cas ici, dans un diptyque assez enlevé.

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Tout commence à Londres, alors que Rock et ses hommes de la Easy Company assistent à une intervention de Wonder Woman qui, perchée sur son avion invisible, détruit deux missiles d’un genre nouveau, envoyés par l’Allemagne nazie. On comprend assez vite que ces armes terrifiantes sont issues d’une technologie nouvelle, ce que confirme la scène de briefing qui suit, durant laquelle Steve Trevor recrute Rock et son groupe afin de mener une opération de commando sur une usine nazie.

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Si Vosburg, ici encré par Bob Smith (dans un style sec et anguleux qui me fait penser à celui de Steve Mitchell), fait tout son possible pour s’inscrire dans l’ambiance graphique développée par Joe Kubert, Russ Heath et les autres (un Rock crispé où les ombres s’accrochent à son visage taillé à la serpe), il met également bien en scène la roideur de Trevor, son caractère hautain, et l’attitude volontairement effacée de Diana Prince. Mais Conway avance avec de gros sabots et le côté autoritaire de Trevor frôle à plusieurs reprises la goujaterie (les dialogues montrent que c’est volontaire, que le scénariste n’en est pas dupe, mais ce n’est guère léger).

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Les deux épisodes précédents présentaient le Baron Blitzkrieg, nouvel adversaire de Wonder Woman qui tiendra la vedette dans le Superman vs Wonder Woman du même Conway. Il est possible, d’un point de vue narratif, de raccrocher cette mission avec Rock aux découvertes accomplies par Trevor dans World’s Finest Comics #245, illustré par Jim Sherman. Dans l’esprit de Conway, il est fort possible que les deux péripéties soient liées, induisant une continuité bienvenue, même si aucune note de bas de case ne vient l’affirmer.

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Mené à bon train, le récit envoie très vite les héros de l’autre côté des lignes. Sur le terrain, Wonder Woman découvre un agent nazi utilisant un matériel qui ne semble pas provenir de la Terre. Cependant, elle se retrouve séparée des soldats. Ceux-ci sont conduits au chef de l’opération, en qui l’on reconnaît le Doctor Psycho, un vieil ennemi de l’Amazone, puisqu’il est apparu dans Wonder Woman #5, daté d’août 1943.

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Observant de loin la scène, l’héroïne comprend que son adversaire s’est allié à des extraterrestres, ces derniers fournissant aux Nazis des armes destinées à leur conférer une supériorité évidente. Si les motivations des visiteurs sont floues, il demeure évident que Psycho les a manipulés.

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L’intervention de l’Amazone permet de renverser la vapeur. Elle sème le désordre dans les rangs ennemis, rencontre les extraterrestres, tente de parlementer même si ses interlocuteurs semblent en proie à la panique, puis à détruire la base et à capturer un extraterrestre.

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Mais dans le feu de l’action, Rock a été soumis à un traitement mental radical de la part du Doctor Psycho. Si bien que l’épisode se conclut en plein suspense, au moment où un Rock aux idées visiblement obscurcies menace Wonder Woman de son arme.

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Personnellement, j’aime beaucoup le trait de Vosburg, qui parvient à se fondre dans différentes ambiances, qui livre souvent une narration claire, et qui affiche une personnalité visuelle plutôt affirmée à une époque où la partie graphique, chez DC, se distingue par une volonté de ne pas faire trop de vague (surtout quand un Vince Colletta ou un Dave Hunt sont chargés de conférer aux planches un « style maison »).

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En plus, je trouve à Vosburg une capacité évidente à dessiner des protagonistes féminins séduisants, attachants, pas lisses : ses femmes ont toujours des petits défauts, des attitudes tordues, tout cela donnant l’impression qu’on regarde de vraies personnes, pas toujours des héroïnes lorgnant vers la gravure de mode. Par la suite, il dessinera la série She-Hulk chez Marvel, qui contient de très belles planches. Ici, c’est un peu pareil : Wonder Woman y est très naturelle, très vivante, c’est assez agréable.

Suite du précédent numéro, World’s Finest Comics #249 propose une aventure de Wonder Woman à l’occasion de laquelle nous retrouvons l’héroïne braquée par un Sergent Rock visiblement pas au milieu de sa forme.

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Ayant sauvé les extraterrestres manipulés par le Doctor Psycho, Wonder Woman s’interroge sur la manière de désarmer son allié. Belle entrée en matière.

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La femme qui repousse les balles confrontée à un surdoué de la gâchette : bien vu.

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Rock ayant repris ses esprits, le soldat et l’Amazone, détenant un extraterrestre, s’éloignent de l’usine en flammes afin de préparer leur contre-attaque envers Psycho. Ce dernier s’amuse à manipuler les soldats encore retenus prisonnier, occasion pour Conway de revenir un peu sur les origines de ce super-vilain, et de le connecter au Necronomicon et à l’univers de Lovecraft.

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Tandis que Rock (et les lecteurs) prennent conscience que les héros sont seuls, Wonder Woman en apprend davantage sur les visiteurs, des Krell, des explorateurs cosmiques qui « boldly go where no Krell has gone before » (je ne plaisante pas : Conway multiplie les références, visiblement il s’amuse). Mais très vite, les soldats hypnotisés, qui se prennent pour des hommes des cavernes, les attaquent.

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À l’aide de pans biaisés dynamisant ses planches, Vosburg met en scène le vaste pugilat qui s’ensuit. Wonder Woman utilise son lasso afin de permettre aux soldats de retrouver leurs esprits. Une fois écarté cet obstacle musclé, Wonder Woman parvient sans mal à régler son compte à Psycho et à démontrer à Oragon, le chef des explorateurs spatiaux, qu’ils ont été trompés.

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L’affaire est rondement menée et Rock et Wonder Woman peuvent repartir vers de nouvelles missions. Conway et Vosburg auront livré un diptyque bien sympathique, riche, dense, mêlant guerre et science-fiction. Les raccourcis sont nombreux, les voix off (de Rock qui « fait son rapport ») un peu envahissante, mais la lecture est très agréable, en grande partie grâce au style du dessinateur.

Jim

Les Wonder Women alternatives, chapitre 5 : Lady Wonder Woman (des Justice Lords)

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Les Justice Lords font leur apparition en 2003 dans le double épisode « A Better World », écrit par Stan Berkowitz et réalisé par Dan Riba, de la deuxième saison de la série animée Justice League. Le groupe forme un double dégradé de la Ligue de Justice dans un univers parallèle, dans lequel Lex Luthor, président des États-Unis, a fait tuer Flash. En représailles, les super-héros ont pris d’assaut la Maison Blanche, tué Luthor, et instauré, durant les années suivantes, une emprise qu’on dira poliment « autoritariste » ou « illibérale » aussi bien sur les super-vilains que sur les simples mortels.

De l’Escadron Suprême de Marvel à l’Authority de WildStorm, en passant par l’arc « Destiny’s Hand » de la Ligue de Justice elle-même période Jurgens ou encore l’Elseworld Kingdom Come, l’idée de super-héros s’emparant de la gouvernance mondiale pour bâtir une « utopie » proactive musclée, quitte à se transformer de sauveurs en oppresseurs, n’est évidemment pas neuve, et n’en est pas non plus à sa dernière déclinaison : difficile, notamment, de ne pas penser à Injustice: Gods Among Us parmi les productions récentes.

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Dans la série animée, les Justice Lords, découvrant l’existence de l’univers principal de la série et les méthodes plus « faibles » de leurs contreparties, décident d’y exporter leur tyrannie, en prenant la place de la Ligue : leur première action d’éclat une fois sur place, sous cette fausse identité, est de lobotomiser Doomsday ! Mais grâce au retournement de Lord Batman contre son propre groupe, et à l’aide de Luthor en échange d’une procédure de pardon, ils sont finalement vaincus, privés de leurs pouvoirs, et renvoyés dans leur monde d’origine.

Cette aventure aura des conséquences à long terme, développées notamment au fil de la série Justice League Unlimited (parfois traduite La Nouvelle Ligue des Justiciers en VF), qui fait suite directement à celle-ci. Luthor, inspiré par l’histoire de son double, se lance dans une carrière politique et ne passe pas loin d’être élu président (…et de se faire assassiner par la Question). L’incursion des Justice Lords motive également Amanda Waller à développer le Projet Cadmus. Plus généralement, l’ombre portée de la tentation vengeresse et autoritariste représentée par cet autre groupe pèse lourdement sur la destinée de la Ligue. C’est justement pour y échapper que Green Arrow introduit l’idée d’une Ligue désormais largement ouverte à une pluralité de membres et de profils, au-delà du « noyau dur » original.

Cette importance au-delà de leur apparition initiale contribue peut-être à expliquer la popularité que le groupe a conservé auprès des fans, concrétisée notamment par leur déclinaison en 2006 sous forme de jouets de la collection « DC Universe: Justice League Unlimited ».

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Mais l’histoire ne s’arrête pas là. La série animée Justice League Unlimited ayant établi sa continuité avec la série animée Batman Beyond (par le biais du Projet Cadmus), c’est du côté des aventures de Terry McGinnis que l’on en apprend plus, une dizaine d’années plus tard, sur le sort ultérieur des Justice Lords, et notamment de Lady Diana de Themyscira (mais aussi de la Wonder Woman de la continuité « principale » des séries concernées), après les évènements de « A Better World ». En 2014, dans les #9 à 12 de la publication numérique Batman Beyond 2.0 (retitrée, dans un premier temps, Batman Beyond Universe en format papier, avant de reprendre son titre d’origine pour les TPB), Kyle Higgins et Christos Gage y consacrent l’arc « Justice Lords Beyond », avec Thony Silas, Dexter Soy et Mateo Guerrero au dessin.

On y apprend que la privation des pouvoirs des Justice Lords n’était que temporaire. Le découvrant, les membres de la Ligue se sont précipités dans l’autre univers pour y découvrir, atterrés, un monde en guerre entre les super-humains partisans de Lord Batman, d’une part, et du couple Lord Superman / Lady Wonder Woman, d’autre part. Prise par ses obligations envers son propre monde, la Ligue n’a pu rester longtemps pour s’impliquer, à l’exception de Wonder Woman qui, tombée amoureuse de Lord Batman, a choisi de rester dans l’univers parallèle et d’en barrer l’accès pour éviter la propagation du conflit.

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La réapparition, bien plus tard, d’une Wonder Woman désormais âgée, et assez nettement porteuse de lourds secrets, conduit Terry et les autres super-héros de son univers à s’interroger : laquelle, exactement, est revenue ? D’autant qu’une force d’invasion ne tarde pas à faire son apparition à la Tour de Garde, menée par un Lord Superman qui appelle Diana son épouse.

La suite révèle petit à petit la sombre tournure qu’ont pris les évènements sur la Terre parallèle. Lors d’une grande bataille finale, Lord Batman a été tué par Lady Wonder Woman, avant que celle-ci ne soit tuée à son tour par la Wonder Woman « originale ». Son Lasso de Vérité, dont elle n’était plus « digne » après un tel acte, est tombé en poussière. Ayant tout deux perdu leur moitié dans cet affrontement, Lord Superman et une Wonder Woman physiquement victorieuse mais moralement défaite ont alors choisi de mettre fin aux hostilités par un mariage politique, malgré la haine et le mépris qu’ils éprouvent l’un pour l’autre. Comme elle le dit, elle n’était pas « la première princesse à sacrifier son bonheur personnel au bien commun ». Cette union royale devait être cimentée par la naissance d’un héritier, Zod… mais le bébé a été enlevé et élevé par Brainiac, évènement qui est à l’origine de ceux auxquels on assiste dans la série.

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« Justice Lords Beyond » est une lecture tout à fait recommandable qui brode assez intelligemment et subtilement sur une thématique a priori un peu rebattue. Faisant à Terry le résumé, au début de l’arc, du double épisode de Justice League Unlimited, Kal-El précise bien que les Justice Lords ne sont pas tant des doubles « maléfiques » de la Ligue que des versions « corrompues ». Chaque « ligne rouge » qu’ils ont franchi a rendu la transgression suivante plus facile, jusqu’à ce que la quête de justice se transforme en emprise tyrannique. Et si Wonder Woman n’est pas pleinement devenue une nouvelle Lady Wonder Woman, le choix de tuer son double l’a amenée à pactiser, au sens littéral (par le mariage) mais aussi au sens figuré. Son union avec Lord Superman relève du compromis, mais aussi de la compromission (elle assume ainsi avoir tué, après son union, d’autres super-menaces comme Kobra, Starro ou Darkseid). Son attitude éveille — à juste titre — les soupçons de ses coéquipiers historiques et les secrets qu’elle leur cache les mettent effectivement en danger — même si, qu’on se rassure, les choses finiront tout de même au mieux. Higgins et Gage enrichissent également cette trajectoire de jeux d’échos, par exemple en confrontant Mr Miracle à une Big Barda qui a épousé Orion.

L’année suivante, Grant Morrison, dans le « Guidebook » de son Multiversity, attribuait à la Terre parallèle des Justice Lords le numéro Terre-50, les incluant ainsi officiellement dans la continuité principale de DC (la Terre de la Justice League Unlimited et de Batman Beyond étant quant à elle la Terre-12). Depuis, les lecteurs du Dark Nights: Death Metal Multiverse’s End (rhalala ce sens du titre… :roll_eyes: ) de Scott Snyder ont pu croiser Lord Superman, Lady Wonder Woman et, peut-être plus étonnamment, Lord Batman (oui bon, Snyder et la continuité, quoi…) parmi les recrues de l’hyper-vilaine Perpetua.

Bonus ! Lady Wonder Woman par John Byrne :

Lady Wonder Woman of the Justice Lords by John Byrne (commission, 2008)

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Le formidable scannblog Diversions of the Groovy Kind a récemment posté le contenu d’un numéro des Superhero Catalogues, précisément daté du printemps 1978. Les illustrations sont réalisées par Joe Kubert et ses étudiants.
Et Wonder Woman y figure en bonne place, presque sur toutes les pages. En voici un exemple :

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Et ceux qui voudraient voir l’ensemble des scanns peuvent aller ici, puis faire un détour pour d’autres images et commentaires.

Jim

Wonder Woman par Gérald Parel :

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Jim

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Jim

Tori.

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Jim

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Erró, Wonder Woman Saga, 1999, Huile sur toile, 220 x 500 cm

Jim

Tori.

1 « J'aime »

Reflections on Wonder Woman, Roy Lichtenstein, 1989

Reflections on Minerva, Roy Lichtenstein, 1990

Jim

Magnifique.

Jim

Très chouette. Et c’est cool d’avoir une idée de la taille du truc.

Jim

Darwyn Cooke :

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L’efficacité alliée à la beauté et le talent. Superbe.

Ce qui est chouette dans sa version, c’est qu’il ne joue pas la carte de la nana aux courbes outrées à la Frank Cho (pour faire court) ni celle de la culturiste à la Adam Hughes (pour faire court là aussi) : sa version est finalement assez potelée, ce qui ne l’empêche pas de véhiculer une certaine idée de puissance.

Jim

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Si tu le dis.

(Soyouz qui emploie des mots anglais : l’apocalypse est sur nous).

Jim