1962-2022 : BON ANNIVERSAIRE SPIDER-MAN !

SPECTACULAR SPIDER-MAN #107-110 (1985) :

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Lorsque le jeune Jim Owsley (plus connu dorénavant sous le nom de Christopher Priest) est devenu le responsable éditorial des titres du monte-en-l’air (de la fin 84 à la fin 86, après le run de Stern et avant les années McFarlane), un de ses principaux apports fut d’accentuer l’identité spécifique de chaque titre.

Une démarche qui s’est donc appliqué à la fois à Spectacular Spider-Man (retiré des mains d’un Milgrom mécontent), Web of Spider-Man (repris par le trio Michelinie/Silvestri/Baker) et le navire amiral Amazing Spider-Man, toujours piloté par DeFalco/Frenz (un duo qui a vite clashé avec Owsley au point d’aboutir au déraillement de la saga du Super-Bouffon avec le zigouaillage de Ned Leeds, sacrifié par Owsley dans le principal but d’enquiquiner DeFalco).

« Owsley/Priest : And I realized, this was me. This was my life at Marvel, and this was the miasma I’d fallen into when, at age 22, I became the first African American editor in comics, the youngest editor in comics, and the youngest and least experienced guy to take the reins of Marvel’s signature franchise. »

Ce n’était pas la première fois que quelqu’un d’aussi jeune que lui se retrouvait avec de telles responsabilités arachnéennes. Après tout, une dizaine d’années auparavant, le scénariste Gerry Conway était âgé de seulement 19-22 ans (!) au moment de son run sur Amazing Spider-Man. Conway et Owsley, deux créatifs qui ont d’ailleurs eu en commun d’amener le personnage dans des directions plus sombres (cette tonalité morose allant de la mort de Gwen Stacy jusqu’à la 1ère saga du clone, l’atmosphère tendue de son run sur Spectacular avec Tombstone & les Lobo Brothers) et violentes (la mort de Jean DeWolff, Spider-Man vs. Wolverine ou encore le fameux « Fearful Symmetry/Kraven’s Last Hunt », projet finalisé après le renvoi d’Owsley, au début de la période Salicrup).

Cette approche plus sombre est particulièrement notable dans le cas de Spectacular (déjà sous influence Millerienne depuis le second run de Mantlo), qui adopte alors un parfum résolument « street-level » (Firelord & Méphisto ne risquent donc pas d’y pointer leur nez). PAD mentionne même Hill Street Blues comme forte influence de son run, un cop show emblématique de cette période de « quality tv ».

« PAD : The intention, during my first run, was to write Spider-Man in a tone and style that hadn’t been done before: To give it a sort of “Hill Street Blues” feel. In fact, that’s why Owsley put the credits at the end as simple white against a black background. »

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Une des points-clés de cette période (outre la mise en chantier de « Kraven’s Last Hunt » ou le placement de Michelinie sur Amazing, deux éléments importants dont Salicrup a récolté les lauriers) a été le fait qu’Owsley a été un des rares à donner sa chance à Peter David, nouveau venu ayant alors du mal à percer en tant que scénariste (guère apprécié par Shooter et sa bande en raison de son lien avec sa boss/mentor Carol Kalish).

« PAD : I tried to push Spider-Man to limits he had never reached before. To see if I could get him into a situation where he was so angry that he just completely lost control. Anyone who’s ever been in a real fight will tell you that the adrenaline doesn’t get turned on and off like a light switch. So it’s fundamentally unrealistic to have heroes be in knock down, drag out fights and then just stop. Since Owsley wanted me taking a more grim and gritty street-level approach to the series, I felt the first thing I had to do was put Spider-Man into a battle situation where what would happen in real life would happen. I tried to maintain that tone for the rest of my run. »

Après un premier coup d’éclat humoristique avec Amazing Spider-Man #267 (« The Commuter Cometh », où les mésaventures d’un Spidey déboussolé dans une banlieue pavillonnaire, un numéro qui aura pas mal influencé le film Spider-Man: Homecoming), Peter David est parti dans un tout autre registre, comme en témoigne cette ouverture glaçante durant laquelle des policiers découvrent le corps sans vie de leur collègue Jean DeWolff (un personnage utilisé principalement par son co-créateur Bill Mantlo dans les pages d’Iron Man, Spectacular Spider-Man & Marvel Team-Up).

Le choix d’Owsley (et non David) s’est porté sur elle car elle était jugée plus sacrifiable que les autres tout en ayant un lien avec le héros (ce béguin resté secret jusqu’à ce que Spidey fouille dans ses affaires). Sa mort (qui a eu lieu hors-champ), est loin d’être l’élément le plus intéressant de l’histoire (un cas classique de « fridging » comme dirait Gail Simone). Une entrée en matière choc qui sert avant tout à établir d’emblée une tonalité âpre, signalant au lectorat que cette histoire ne sera pas comme les autres, personne n’étant à l’abri car n’importe qui peut être pris pour cible par le Sin-Eater (une situation qui génère une forte tension tout au long de cet arc, sommet précoce de la carrière de PAD durant sa première année en tant que scénariste).

Un moment important de la continuité à la réputation pas usurpée (même si PAD fera encore mieux par la suite avec son run sur Incredible Hulk), notamment par le biais de la présence de Daredevil. Celui-ci découvre au passage l’identité secrète du tisseur, un jalon qui servira souvent par la suite, notamment lors de « Born Again » peu après), un justicier urbain qu’affectionne Owsley/Priest (il rêvait de s’occuper du relaunch de DD en 1998, mais Quesada a préféré lui confier Black Panther).

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Lorsque Peter Parker admet imiter le style de DD lors d’une scène au Daily Bugle, il serait tentant d’y voir-là une clé de lecture, puisque outre la présence de tête à cornes comme guest-star/co-enquêteur, David y développe une tonalité assez proche du DD de Miller & O’Neil (les numéros « terre-à-terre » plutôt que ceux avec les ninjas de la Main), à tel point tel qu’il réutilise le cadre du bar de Josie ainsi que son running gag de la vitre brisé à chaque bagarre (telle les bagarres de saloon chez Lucky Luke, se déroulant toujours de la même façon). Il ne manque guère que la petite frappe Turk pour que le tableau soit complet (sa présence chez Miller avait le mérite d’alléger l’atmosphère avec une dose d’humour).

Le scénariste produit ici un récit haletant et poignant, évoluant dans ce contexte de la hausse de la criminalité à New York durant les années 70/80 (une situation qui a fini par s’améliorer au début des années 90 lors le mandat du maire Rudy Giuliani). Un climat délétère entrainant la spirale infernale d’une violence urbaine qui n’épargne pas grand monde, pas même un monte-en-l’air poussé dans ses retranchements (ce n’est qu’à la fin qu’il fini par reprendre ses esprits, avant la note d’espoir de la conclusion), faisant preuve d’un degré de brutalité qui n’a rien à envier à la raclée qu’il inflige au Caïd 22 ans après durant « Back in Black » (le costume noir et son état d’esprit vont déciment de pair lors de ce type de moments sombres).

Si David se montre inspiré, le bât blesse par contre du côté de la partie graphique avec un Rick Buckler plus inégal (plus en forme au début qu’à la fin), au point d’être secondé par un bataillon d’encreurs pour arriver à tenir la cadence des deadlines (il y a tellement d’encreurs qu’à la fin les crédits se contentent d’un « Mr. Hands », une manière de dire qu’il y a pas mal de monde en cuisine).

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