À LA MERVEILLE (Terrence Malick)

[quote]DATE DE SORTIE FRANCAISE

6 mars 2013

REALISATEUR & SCENARISTE

Terrence Malick

DISTRIBUTION

Ben Affleck, Rachel McAdams, Olga Kurylenko, Javier Bardem, Charles Baker, Romina Mondello…

INFOS

Long métrage américain
Genre : drame/romance
Titre original : To the Wonder
Année de production : 2012

SYNOPSIS

Même s’ils se sont connus sur le tard, la passion qu’ont vécue Neil et Marina à la Merveille - Le Mont-Saint-Michel - efface les années perdues. Neil est certain d’avoir trouvé la femme de sa vie. Belle, pleine d’humour, originaire d’Ukraine, Marina est divorcée et mère d’une fillette de 10 ans, Tatiana.
Désormais, le couple est installé dans l’Oklahoma. Leur relation s’est fragilisée : Marina se sent piégée. Dans cette petite communauté américaine, elle cherche conseil auprès d’un autre expatrié, un prêtre catholique nommé Quintana. L’homme a ses propres problèmes : il doute de sa vocation…
Marina décide de retourner en France avec sa fille. Neil se console avec Jane, une ancienne amie à laquelle il s’attache de plus en plus. Lorsqu’il apprend que rien ne va plus pour Marina, il se retrouve écartelé entre les deux femmes de sa vie. Le père Quintana continue à lutter pour retrouver la foi. Face à deux formes d’amour bien différentes, les deux hommes sont confrontés aux mêmes questions.[/quote]

La bande-annonce :

Dans le genre titre VF à la con, celui-ci se pose là : on a envie de dire « Ah ! La merveille… ». « Vers le merveilleux » ou « Au merveilleux » auraient été plus judicieux. Vous me direz : oui, mais on loupe la référence au lieu-dit la Merveille. Ouais, ben, c’est aussi ce que fait le titre VO…
D’ailleurs, en l’occurrence, garder le titre VO (court, accrocheur et polysémique) aurait pas été plus mal. Bref, passons, péripéties que tout cela…

L’essentiel est bien le film, et les premiers échos sont assez unanimement calamiteux. Pour ma part, je l’attends avec beaucoup d’impatience, je fais partie des inconditionnels de Malick (« La Ligne Rouge » est un des meilleurs films que j’ai jamais vu, mais j’aime tous les autres, avec un faible pour les « Moissons de Ciel » aussi).
Bon, il y a le cas « Tree of Life », qui a beaucoup divisé : je fais partie des conquis, notamment à cause d’un montage proprement ahurrissant. Avec cet Arbre de Vie, Malick a tout simplement établi de nouveaux standards et lancé de nouvelles pistes dans cette discipline à lui tout seul.

D’autre part, j’ai l’impression qu’il y a quelques « bouffeurs de curés » qui sont agacés par le mysticisme de plus en plus prononcé des oeuvres du monsieur. Sans être vraiment convaincu par Malick sur ce plan-là, je trouve un peu dommage de dévaloriser un film ou un livre à l’aune de ce seul argument…

Je m’ennuie rien qu’avec le synopsis !

Aaaaah, c’est sûr que dans ce cas-là, vaut mieux faire l’impasse, ouais… :wink:

Ceci dit, le pitch de « Tree Of Life » n’était guère plus alléchant sur le papier. Et pourtant.

La nouvelle bande-annonce :

[quote=« Photonik »]Aaaaah, c’est sûr que dans ce cas-là, vaut mieux faire l’impasse, ouais… :wink:

Ceci dit, le pitch de « Tree Of Life » n’était guère plus alléchant sur le papier. Et pourtant.[/quote]

Moi, je m’ennuie devant ses films.
Je parlais récemment des machins avec du travail et du talent qui me tombent des mains, pour ainsi dire, bah voilà, Terrence Malick, je ne supporte pas. Je trouve ça en général particulièrement creux, prétentieux, rajoutant des couches d’effet sur du vide, alignant des personnages mièvres et clichés dans des situations d’une banalité sans fond… Le tout avec de jolis plans sur des décors magnifiques qui donnent à l’ensemble un côté post-kubrickien qui m’a piégé une fois ou deux, mais on ne m’y reprendra plus.
La Ligne rouge est un de mes pires souvenirs de film, avec une voix off débilitante et sirupeuse, qui essaie de masquer le peu d’épaisseur des personnages, et de combler du vide. Et d’ailleurs, somme toute, puisque le film parle du vide de la guerre, de l’attente qui mine entre les éclats de violence, supprimer la voix off sentimentalo-crétine aurait été une bonne idée, aurait sans doute renforcé l’angoisse et l’absurdité.
C’est le seul film que j’ai vu plusieurs fois, mais je ne le reverrai pas, de même que je ne reverrai pas Les Moissons du ciel, et que je fais l’impasse sur les nouveaux films.
Il y a de fortes chances que je ne comprenne rien à son cinéma et que je passe à côté de quelque chose, mais bon, tant pis.
Sans moi.

Jim

[quote=« Jim Lainé »]
Il y a de fortes chances que je ne comprenne rien à son cinéma et que je passe à côté de quelque chose, [/quote]

Oui. :wink:

Non, franchement, je pourrais dire ça de beaucoup de cinéastes que j’aime, mais c’est encore plus vrai pour celui-ci : Malick, c’est à prendre ou à laisser. Il n’y a pas de demi-mesures, on adhère sans réserves ou on rejette en bloc, pas le choix. Et ce n’est pas une affaire purement esthétique, puisqu’on trouve dans le lot de ceux qui n’aiment pas des gens qui reconnaissent son talent plastique et le caractère « ouvragé » de ses films (5 ans de montage pour « Tree of Life »…).

Non, ça se joue à un autre niveau, c’est une question de sensibilité : il y a une sorte de « mièvrerie » fondamentale dans le cinéma de Malick que l’on supporte ou pas (moi je trouve ça très beau). Et il trouve des moyens de cinéma inouïs pour l’exprimer, c’est un vrai inventeur.
C’est un peu un lieu commun de dire que Malick baigne dans le transcendatalisme américain, des penseurs comme Emerson, Thoreau, des auteurs éminemment américains, avec ce lien si particulier à la nature, et il a d’ailleurs étudié et traduit de la philo…
Il y a un concept de Emerson très beau, l’Oversoul, qui est en quelque sorte un principe qui est la somme des émanations de toutes les créatures vivantes, une sorte d’esprit collectif (on peut trouver ça un pas baba sur les bords, à certains égards ça l’est). Malick trouve des moyens d’exprimer ce concept, avec sa voix off par exemple, ou plutôt ses multiples voix off, car depuis les Moissons du Ciel, les voix off sont collectives chez lui. Le montage accumule des points de vue multiples, parfois inhumains (les plans de coupe sur les animaux), toujours irréconciliables (les faux raccords volontaires, les directions du regard non respectées à dessein, c’est une spécialité de Malick, qui connaît parfaitement les règles de la grammaire cinématographique mais pour mieux les détourner) et évoque un espèce d’objet à multiples facettes, un effet « oeil de mouche ».
Cette façon unique d’animer des micro-univers entiers dans leurs moindres détails s’accompagne d’une saisissante anonymisation des personnages « humains », presque interchangeables, partageant tous un destin commun, un sens de l’émerveillement commun aussi, à ne pas confondre (surtout pas) avec un désintérêt pour les personnages. En termes de production, concrètement, ça s’exprime par des castings pléthoriques où les stars disparaissent au montage ou font des caméos de 30 s (c’est très raccord avec sa démarche globale).

Et j’ai l’impression que Malick fait office d’émulateur pour ses collaborateurs : je n’aime pas Zimmer en temps normal, mais j’adore la BO de « La Ligne Rouge » ; je ne suis pas fou de Brad Pitt, mais il est impressionnant dans « Tree Of Life ».

Je vois mal le lien habituellement établi avec Kubrick par contre, mise à part leur attitude de vieux reclus misanthropes. Leurs méthodes et le rendu qui en découle sont très différents, je trouve.

Et puis bon, il faut voir dans une salle ces plans hallucinants des « Moissons du Ciel » : les scènes de travaux dans les champs sont tournés à la fameuse « heure bleue » (le mec ne pouvait tourner que 20 mn par jour !! kamikaze…), et le rendu tire des larmes de bonheur (je suis une chialeuse, je précise).

Je ne sais même pas si j’ai déjà vu un film de Malick, mais là, y a un beau paquet de trucs que je n’aime pas dans ce que tu décris ! :mrgreen:

Les goûts et les couleurs, mec, les goûts et les couleurs…

Bon, je vois ce que tu veux dire, je vois que j’ai pas trop compris de travers, et personnellement, je n’y suis pas sensible. Je trouve ça culcul, en fait.

Ouais, je comprends bien, mais c’est un peu une lecture incomplète, une sorte de lecture rousseauiste là aussi gentillette, non ? Car Thoreau, que ce soit ses textes sur la promenade et la communion avec la nature ou son texte sur la désobéissance civile, tout constitue une approche politique de l’être humain. La description d’un individualisme qui ne joue aucun jeu de concurrence, mais qui au contraire privilégie une harmonie avec ce qui l’entoure, y compris la société des hommes. La désobéissance civile intervient quand le gouvernement est injuste et oppressif, et pour faire court brise cette harmonie.
D’après ce que tu dis, j’ai l’impression que Malick évite cette dimension politique pour se contenter d’un discours sur l’harmonie de l’homme et du monde. Et moi, je trouve ça pauvre.

C’est très déstabilisant. Voir Clooney trente seconde à deux minutes de la fin de La Ligne rouge, ça surprend. Mais ça, encore, pas grave.
En revanche, cette anonymisation des personnages, si elle ne témoigne d’aucun désintérêt de son auteur pour eux, amène chez certains spectateurs (dont moi) un désintérêt pour eux. On ne sait pas qui c’est, et au final, on finit par s’en foutre un peu.

Les plans calmes et longs, la spatialisation, l’approche picturale, les décors gigantesques…
Le peu que je connais de Malick m’évoque aussi David Lean, mais chez Lean, justement, les personnage perdus dans les décors sous des éclairages de fou aussi, c’est pas le personnage écrasé et en retrait, c’est au contraire le personnage qui existe, les personnages qui s’opposent. L’officier qui tire sur le révolutionnaire dans la lande irlandaise dans La Fille de Ryan, c’est justement l’immensité et l’éloignement qui les rapproche et les oppose. Leur « duel » est sublimé par le paysage.

Au final, de Malick, je vois surtout un soin particulier à l’image, une approche esthétique, un résultat plastique. Je le ressens, pour ma part, un peu comme Wong Kar Wai, c’est joli, c’est plastique, mais qu’est-ce que c’est creux. Ça me fait l’effet d’une carte postale, une jolie image très propre qui m’évoque des paysages lointains où, finalement, je n’ai pas tellement envie d’aller.

Jim

Je n’ai pas grand chose à reprendre, puisque je ne peux nier tes arguments. C’est l’approche de Malick en elle-même qui te gêne, il n’y a rien à rajouter.
C’est le côté « à prendre ou à laisser », donc.
Je corrige juste un truc : la dimension politique à la Thoreau pour le dire vite est bel et bien présente dans les films de Malick, qui dresse souvent un individu face à la Société, ce sont souvent des hors-la-loi d’ailleurs.

Il y a bien sûr le couple de tueurs de « Badlands / La Balade Sauvage », dans le sillage des « Honeymoon Killers » et préfigurant les couples du genre des 90’s (dont le plus célèbre, celui de « Tueurs-Nés » de Stone). C’est un film éminemment politique.
De même, le perso incarné par Richard Gere dans les « Moissons du Ciel » est recherché pour ses crimes « ouvriers ». Et les « héros » (si on peut dire) de la « Ligne Rouge » et du « Nouveau Monde » débutent leurs films respectifs enfermés dans la cale d’un bateau, prisonniers.

Peut-être cette dimension est-elle absente de « Tree of Life », par contre (ce que je mets en relation avec le désamour critique qui commence à se manifester à son encontre).

D’autre part, je ne crois pas que Malick soit un Rousseauiste naïf, même si la tentation est grande de lui coller cette étiquette.
Au contraire, la nature est chez lui au mieux indifférente (ses deux premiers films), au pire cruelle (les deux suivants avec leurs inserts sur des prédateurs à mettre en parallèle avec les soldats, ainsi que « Tree of Life », avec la mort de l’enfant).

Enfin, un des intérêts majeurs de son oeuvre demeure inexprimable avec mes maigres moyens (il faudrait faire de l’analyse plan par plan pour le faire ressentir à l’écrit) : son approche du montage, unique, qui entrecroisent des chocs visuels successifs, un peu ce que Eisenstein appelle le « montage des attractions ».
C’est ce qui fait que Malick reste un des derniers cinéastes « sidérants » du circuit actuel, et même quand on n’aime pas ses films, on peut être bouleversé par telle ou telle séquence.

Je comprends tout cela, mais ça fait que Malick rentre dans la catégorie des trucs que je n’aime pas, mais dont j’apprécie que quelqu’un qui s’y connaît m’en parle.
Parce que son cinéma ne me remue ni intellectuellement, ni émotionnellement.
(Ah purée, j’avais réussi à oublier Le Nouveau monde, qui m’a été sans doute encore plus douloureux que La Ligne rouge… et tu me le remets en tête !)

Jim

C’est celui que j’aime le moins, « Le Nouveau Monde », mais je l’apprécie beaucoup quand même…

Making of :

Extrait :

Le Mont Saint-Michel sans touristes…la magie du cinéma ! :wink: