ALGER LA NOIRE (Maurice Attia / Jacques Ferrandez)

Discutez de Alger la Noire

Réédition prévue pour le 26 avril 2023.

Jim

Paco, d’origine espagnole, est policier à Alger. On est en 1962, durant « les événements », et la découverte d’un couple mort sur la plage, assassiné, elle blanche, lui arabe, agite toute la société. Il faut donc trouver rapidement le coupable. Bien entendu, c’est la présence du cadavre de la jeune femme qui inquiète, pas celle de l’homme que l’on présume être son amant.

Les premiers pas de l’enquête hésitent entre mobile sexuel et connotation politique. Est-ce un crime passionnel ou un attentat raciste ? Cette confusion, cette incertitude, entre en écho avec le portrait des personnages, au premier rang desquels on trouve Paco et son épouse, la belle et rousse Irène. Tous deux sont des blessés de la vie, Paco car il est issu d’une famille touchée par la guerre civile espagnole (un événement encore frais à l’époque), Irène car elle a perdu une jambe lors d’un attentat. Tous deux vivent avec leurs blessures, plus mentales que physiques d’ailleurs.

Le récit, adapté du roman homonyme de Maurice Attia, mêle la petite histoire et la grande histoire. Les grands sujets et les petits mobiles. Paco croise une famille richissime où règne l’inceste et le voyeurisme, mais aussi des flics désenchantés, des militants fascistes, un ancien de la Légion blessé à la tête et reconverti en tueur à gages amnésique, un flic ripou, des putes bavardes…

Le lecteur qui s’intéressera surtout à l’enquête, un peu inutilement alambiquée, trouvera sans doute l’identité du méchant assez rapidement. Celui qui s’attachera davantage aux différents portraits de cabossés de la vie qui traverse l’intrigue et peuplent cette Alger de 1962 en auront sans doute plus pour leur argent. La fin est peut-être un peu rapide, plus riche en dialogues (signe d’une certaine condensation de l’information) et en documents d’époque ayant pour but de nourrir l’effet de réel. Mais l’ensemble est assez agréable, bien découpé, lettré parfois de manière hésitante. Le trait de Ferrandez, à se plonger dedans et à se laisser immerger par le récit, dévoile une influence hergéenne qui n’est peut-être pas si évidente sous ses aquarelles, et qui m’a en tout cas surpris.

Jim