ANNIHILATION (Alex Garland)

Je te le confirme.

Pour répondre à ta première question, oui, ça a été republié l’an dernier aux éditions de L’Arbre Vengeur (avec une préface de l’insupportable Juan Asensio, mais bon…).

Pour répondre à la seconde, c’est un peu plus compliqué. Le titre est resté longtemps difficilement trouvable et bénéficie d’une aura de livre « culte » ; quand j’ai enfin pu mettre la main dessus et le lire, peut-être cela a-t-il joué pour me faire éprouver une légère déception par rapport à cette attente. « Bernanos fils » a un sens certain de l’image, on ne peut pas le lui enlever ; mais en dehors de ça, le style n’est pas forcément bien fameux… Le résultat est assez bizarre avec un style très plat dans l’ensemble mais marqué par des « trouées poétiques » plus marquantes, qui ont tout de même tendance à plus se développer dans la deuxième partie du récit, quand après une cinquantaine de page d’aventures maritimes condensées, les personnages échouent enfin aux abords de la montagne du titre, et de sa nature aussi foisonnante qu’incompréhensible qui menace de les engloutir, ou pour mieux dire de les assimiler.

Merci pour ce compte-rendu de lecture complet et mitigé, mais qui paradoxalement me rend plus curieux encore de lire ce truc…
J’ai été intrigué par la mention de cet ouvrage quand j’ai parcouru quelques entretiens où Jeff Vandermeer évoqué ses influences. Comme j’ai ma période « dépoussiérage de vieux trucs un peu obscurs à mes yeux jusque-là » en ce moment (les recueils consacrés à Jean Ray récemment, par exemple), je me dis que ça pourrait s’intercaler très bien là-dedans… En plus, je ne sais pas pourquoi, en lisant le pitch du truc j’ai pensé au « Mont Analogue » de René Daumal, un bouquin que j’aime au-delà du raisonnable.

J’aime beaucoup Daumal aussi et notamment Le Mont Analogue. :slightly_smiling_face: Mais ça n’a pas grand chose à voir, sur le fond comme sur la forme, j’ai bien peur de devoir te le dire. En revanche effectivement maintenant que tu le dis, le rapprochement avec Jean Ray n’est pas idiot.

N’aie pas peur. :wink:

Si y’a un feeling un peu Jean Ray (notamment j’imagine pour la description du milieu marin et portuaire, une spécialité du belge), ça peut me parler, ouais.

Effectivement, c’est très librement inspiré du roman de VanderMeer… :sweat_smile:
Mon avis à chaud est que je n’ai globalement pas aimé et toutes les craintes que j’avais se sont avérées vraies.
Où est le côté paranoïaque? Où est la tour/puits et son « habitant » qui est un des ventricules du coeur du roman? Où est la psychologue du roman? A quoi servent ces (mauvaises) scènes de « sexe »?
Le côté new-weird a totalement disparu.
Bon tout n’est pas à jeter, j’ai aimé quelques passages dont ceux dans le phare par exemple. J’ai aussi aimé l’ambiance un peu factice des paysages de la zone X avec ses irisations.
En bref, très déçu. J’en espérais beaucoup plus…

Ah oui, un avis très sévère, quand même.

Ceci dit, je te donne raison sur bien des points, même si je ne trouve pas toujours que ce soit si problématique que ça.
Le côté paranoïaque, tu as raison, il s’est complètement évaporé : le côté « The Thing » présent dans le roman est absent du film. Et l’omission du puits et de son résident est très étonnante, en effet.
La psychologue du roman, remaniée, elle est là quand même, sous les traits de Jennifer Jason Leigh. Une de ses caractéristiques (sa réelle fonction) que l’on ne découvre qu’au début du deuxième tome de la trilogie de Vandermeer, il est plus ou moins repris ici. Je n’ai pas trouvé les scènes de sexe si envahissantes que ça…

Et là où mon avis divergerait plus franchement du tien, c’est sur le feeling « new weird », un peu par essence difficile à saisir et à définir. Je le retrouve ici, sous un avatar très différent de celui du livre, mais bien présent. En fait quand j’essaie de trouver un autre qualificatif pour définir la veine très particulière du film, je n’y parviens pas.
Ce qui m’amène à un point crucial dans mon appréciation du film : il est très original au final et c’est toujours une caractéristique qui appelle ma sympathie a priori, même si ça ne suffit pas évidemment (on voit en fait beaucoup de films très originaux et très mauvais à la fois, en tout cas c’est l’impression que j’ai sur ce qui me passe sous les yeux…).
Cette qualité-là, alliée à une narration couillue et tenue, ça donne un bilan positif pour moi, même si j’ai vraiment pas adhéré à la proposition de Garland pour le climax, foiré à mon sens. Et je n’ai pas aimé la « franchise » du plan final, qui en dit trop et pas très subtilement.

Sur le plan rigoureusement visuel, le film m’a agréablement surpris, il aligne vraiment beaucoup de bonnes idées en la matière.

Quand je dis « où est la psychologue? », je voulais parler de son côté manipulateur. Et que dire de son « Annihilation! » plutôt ridicule…
C’est vrai que le new-weird est difficile à réellement définir et ce que j’espérais c’est plus d’indicible (c’est quoi l’équivalent pour un film?). Pour moi, on en voit beaucoup trop.
Effectivement, je n’ai pas enfoncé le clou, comme tu l’as soulevé, avec l’horrible et clichesque plan final…
Les scènes de sexe, je ne les ai pas trouvé envahissantes mais surtout sans intérêt dans la narration.

Ah oui, OK. Et son « annihilation » est complètement vide de sens, c’est vrai.

L’équivalent d’indicible pour un film ? Je dirais « indicible » aussi. Au cinéma aussi on « dit » des choses finalement, d’une certaine manière, et certains cinéastes ont su « dire l’irreprésentable ».
Le feeling « new weird », je le verrais par exemple dans de courtes séquences qui sont parmi celles que je préfère dans le film, comme celle des « plantes humaines » (à silhouette humaine en tout cas) ou celle du drôle de gros animal qui pousse des cris tout à fait humains en sourdine (assez « dérangeant », ça).

Une interview, en français, sur Le Point Pop de Jeff VanderMeer sur son travail et le film d’Alex Garland.

Merci pour le lien, il y a des points intéressants.
Par contre, ça fait un petit moment que j’ai lu le 1er tome mais ce point m’a fait tiquer :

C’est une thématique qui ne m’a vraiment pas marqué dans le livre et VanderMeer a l’air d’abonder dans le sens de l’interviewer. Curieux…

Pourtant, ce n’est pas difficile d’en trouver un. Il est first-contactien.
Dans son rythme, sa construction (des flashs), son thème (même s’il ne s’agit pas ici d’une rencontre du troisième type standard), son ambiance (la musique), etc.
C’est une déclaration d’amour, à ce stade.
Why not…

Ah, ça, dès qu’on arrive au phare, ça part en sucette.
Déjà, le décor aux alentours, très numérique. Et les squelettes devant (?).
La partie avec Isaac laisse espérer quelque chose. Lui succède la séquence « miroir » qui ne rime à rien, jusqu’au final incendiaire. Prout !
D’un point de vue suggestif et visuel, oui, c’est mignon, mais ça ne raconte pas grand-chose.

Oui, je suis d’accord avec ça. L’idée est belle, le concept potentiellement porteur, mais l’exécution ratée, à mon sens. Et thématiquement, ça dévisse à ce moment-là.

Pour la connexion avec « Premier Contact », c’est ton appréciation. Perso, à part quelques éléments finalement assez superficiels, je ne vois pas les deux films si liés que ça… :thinking:

Vois les deux l’un derrière l’autre, ça va t’apparaître plus clairement. :slight_smile:

La tonalité et la fréquence des flashbacks, une musique qui entretient l’étrangeté, le rythme général très posé/très lent, etc.

Ce n’est pas un problème dans l’absolu. On a tous des influences qui se traduisent de manière plus ou moins prononcées. Mais First Contact est encore assez récent, et c’est un film assez exceptionnel dans le genre. Il aura fallu s’en décaler un poil plus.
Là, structurellement, la référence est trop forte. Ça parasite la lecture du film.

Le film de Denis Villeneuve ? C’est « Arrival », en V.O…
Pour moi, First Contact, c’est Star Trek 8 donc ça prête à confusion…^^

J’ai mélangé le français et l’anglais. :slight_smile:
Premier Contact, donc.

Ah mais voilà pourquoi je n’avais pas saisi le rapport entre les deux films…!!

Je plaisante bien sûr, j’avais compris ; mais je ne suis toujours pas convaincu par ton argumentation. Ce sont deux films assez originaux dans leur créneau, certes, mais chacun à sa manière.
Quant au rythme posé et à la musique chelou, c’est aussi présent dans « Blade Runner 2049 » du même Villeneuve et ça ne rapproche pas ce film de celui de Garland pour autant. Et les flashes-back, ils sont carrément pas du tout utilisés de la même manière, hein (peut-on d’ailleurs vraiment parler de flashback dans le cas de « Premier Contact » ?).

(Non, mais ça le spectateur ne le sait pas au début.) Comme je le signalais plus haut, j’avais aussi été frappé par la similitude avec le film de Villeneuve dans toute la première partie (avant qu’ils entrent dans la Zone).

OK, c’est donc moi qui voit pas trop le rapport alors…

Ben, non. Tu le sais bien. :slight_smile:
Mais par respect pour les spectateurs qui auront la chance de découvrir ce film - que j’ai vu une bonne dizaine de fois et dont je ne me lasse pas - je ne développerai pas.
Chef-d’œuvre !!!