BATMAN UNIVERSE #1-10

L’exemple de la pleine page avec Batman tenant le cadavre de Batman dans les bras me semble être l’exemple de la difficulté d’approche de ses épisodes. Que va penser un lecteur qui commence par ça ? Même un lecteur qui connaît Batman par le cinéma ou la télé ? Les seules indications, c’est un titre et des crédits. Sérieux, c’est rude.
J’ai vraiment l’impression que si je comprends son histoire, c’est notamment grâce à mon bagage de lecteur.
J’ai du mal à considérer la complication excessive comme de la sophistication, pour ma part.

Jim

D’accord à 100%. Le retour de Bruce Wayne étant le summum de l’hermétisme Morrisonien…celui où il faut BAC+5 en Batman , en Dc et en ce que Morrsion a fait récemment chez DC pour avoir une chance de capter. Mais comme en plus il en rajoute dans le trip ( si si, trip, je n’ai compris une partie qu’en me droguant à mort :mrgreen: ) SF complètement allumée, ça rend la chose vraiment dure à lire. Ce qui est d’autant plus dommage que le début de son run commençait vraiment très bien et était fluide à la lecture ( je l’ai lu en VO, chose rare pour moi, jusque R.I.P et on sent petit à petit que les défauts dont tu parlais se pointent de plus en plus au fur et à mesure de l’avancement de l’intrigue).

Je suis d’accord pour la complication excessive, mais je pense qu’il faut faire un peu plus confiance au lecteur.
Dans l’exemple que tu donnes, je ne vois pas où est le problème… Allez, je pousse un peu et je dirais que cette image a peut-être même un impact plus fort sur un lecteur « vierge ». Car enfin, les images valent aussi pour elles-mêmes !

Je reprends un exemple lynchien (à dessein car on lui fait le même reproche d’hermétisme) : les premières images de « Blue Velvet », c’est un jeune homme qui trouve une oreille tranchée dans l’herbe au bord d’un chemin. Est-ce qu’on connaît les tenants et les aboutissants ? Non. Est-ce qu’on est intrigué ? Est-ce qu’on a envie d’en savoir plus ? Oui. Pourquoi ? Parce que l"image est forte. Et belle.
Que voit un lecteur « vierge » dans l’ouverture de l’arc que tu évoques (Blackest Knight) ? Un homme costumé, d’allure inquiétante, qui porte son propre double, manifestement un cadavre… Je la trouve belle, forte et valant pour elle-même, cette image.

C’est peut-être un ressort cinématographique pur, mais Moore lui-même reconnaît qu’il vaut mieux connaître la grammaire cinématographique quand on rédige un script de B.D. ; Morrison doit beaucoup au cinéma, mais il a également produit des idées purement B.D.-esque, et même assez bluffantes (Animal Man, encore et toujours…).

Morrison demande énormément à ses lecteurs, peut-être trop, c’est possible. Mais c’est un défaut qui attire ma sympathie, c’est presque un trop-plein de générosité, la « caritas » très importante dans ses histoires.

Vous n’avez pas aimé « Final Crisis » (et c’est le cas d’une majorité je crois), mais j’aimerais bien lire ce que vous avez pensé de « Superman Beyond », un joyau peu cité de sa bibliographie, je trouve…

Tout comme Final Crisis, Superman Beyond m’a profondément ennuyé. Encore un récit emberlificoté à l’extrême qui m’est tombé des mains plusieurs fois. Je ne peux même pas le décortiquer pour le besoin de la discussion vu que je n’ai jamais réussi à le relire.

Mon comic préféré de Morrison reste All Star Superman. L’exemple même d’un récit qui sait jouer sur la continuité sans perdre le lecteur en route. Les références sont là, mais elles servent le récit, elles ne les alourdissent pas. Et cette BD est un petit bijou, tant au niveau de l’histoire que des dessins.

Superman Beyond, c’est le Superman 4D ?

Jim

Oui, c’est bien ça…

Marrant, sur Buzz, je croise des discussions qui tournent autour des mêmes préoccupations, et j’ai notamment remarqué ce post, qui recoupe certaines de mes remarques. Même si, pour ma part, je trouve Return of Bruce Wayne un peu compliqué mais pas trop (les liens entre les épisodes me semblent flous, mais bon…).

Comme quoi, hein, y a quand même un fond à tout cela…

Jim

Alors moi je l’aime bien, cet épisode, même si je le trouve également un peu difficile.
Mais c’est pas pour des problèmes de narration : je trouve la narration assez limpide. Pas linéaire ceci dit, mais les choses sont clairement expliquées, la visite dans la comic book limbo est assez explicite, les différents surhommes sont bien amenés, même le vilain est assez clairement présenté.
C’est aussi un récit qui est quand même pas mal dialogué, justement. C’est pas aussi elliptique que d’autres travaux, donc plein d’informations passent par le texte.
Car faut pas oublier que la BD, ça se lit. L’œil s’arrête sur ce qui est écrit, et récupère beaucoup d’information grâce à ça. Et comme ce Superman Beyond comprend pas mal de texte, on chope plein d’infos.

Jim

Oui, c’est pour ça que moi aussi j’aime beaucoup « Superman Beyond » à cause du texte, c’est pour ça que je me demandais si vous aviez aimé. C’est une tentative assez inédite à mon sens de poésie mise en comic, je trouve ce dyptique extraordinaire. Même si les limbes sont issues de Animal Man, il est en effet assez linéaire et abordable, et très très beau.

Je n’oublie pas qu’une B.D. ça se lit, et je suis attaché au texte ainsi qu’à la forme « hybride » propre à la B.D. (texte et images).
Mais je précise que pour moi, une image aussi, ça se lit…

Ah, tu as trouvé un forumer qui avait aussi du mal avec Morrison ; je te renvoie quant à moi au très bon livre de Yann Graf, (R)Evolutions, qui semble convaincu du contraire…

Je l’ai, ce bouquin.
Et Yann est morrisonnien convaincu.

Mais moi, j’ai toujours du mal. Ça doit être ma tournure d’esprit qui veut ça.

Par exemple, là, je viens de lire le triptyque suivant, celui dessiné par Andy Clarke (c’est pas super joli, mais ça a le mérite d’être clair et lisible). Et c’est pas mal, ça balance du concept, ça joue sur les codes de l’enquête et de la collection d’indice, ça s’intéresse enfin de près à Oberon Sexton, qui était un peu en toile de fond dans les épisodes précédents (au point qu’on évite l’effet « cheveu sur la soupe », mais pas de beaucoup), et tout semble assez clair. Les dialogues expliquent pas mal de choses, ça va.
Mais j’ai lu dans la foulée le Batman #700, et là, les choses se compliquent à nouveau : histoire sur plusieurs niveaux de réalité et sur plusieurs époques, arrivée d’un personnage, vieux mais nouveau dans l’histoire, et ce en plusieurs versions… Alors c’est compréhensible, mais je me suis surpris à revenir sur des pages pour relire des passages et vérifier des informations.
C’est un signe, non ?

Jim

Le Batman 700 est assez rude, je mentirais en prétendant le contraire…mais passionnant, aussi, quand on revient dessus. Le fait qu’une oeuvre nécessite qu’on revienne dessus est pour moi une qualité, à condition que la première lecture fournisse aussi son lot de satisfactions. Le Batman de Morrison pour moi, c’est ça : un truc qui est chouette à la première lecture, et très très chouette aux suivantes.

Après, et c’est pour ça qu’on ne sera pas d’accord, en dernière analyse, il y a quand même des qualités d’écriture auxquelles on sera plus ou moins sensible en tant que lecteur. Tu accordes beaucoup d’importance (à juste titre, hein) à la fluidité et l’accessibilité de la narration, je suis plus sensible aux structures alambiquées et en « tiroirs », avec des superpositions, des renvois, ce genre de choses…

Je me demandais quel était ton avis sur une oeuvre comme « Watchmen », par exemple…

Je me demande si ce n’est pas fait exprès de sa part en ces temps de récits décompressés ou le lecteur a juste a suivre une seule idée par mois de le mettre mal à l’aise dans ces habitudes balisés pour qu’il fasse un effort afin de bien suivre.

Et comme le dit Photonik, j’aime bien l’idée que ces récits y gagnent à la relecture et encore plus quand on relit un run en entier.
Morrison amène aussi le lecteur à s’interroger sur le passé des comics à travers multiples références qui paraissent obscurs pour le profane, mais ça devient un plaisir de fouiller dans des vieux comics pour capter ces références et relire ensuite les récits concernés.

Et je n’ai pas trouvé le 700 ou the return of Bruce Wayne difficile d’accès, :neutral_face: .
(Si on lu tout le run précédent bien sur)

C’est vrai que Morrison, à l’inverse d’un Bendis ou d’un Ellis sur « The Authority », serait plutôt adepte d’une hyper-compression (j’ai lu ça dans le bouquin de Denny mais je ne sais pas si le terme vient de lui ou de Morrison lui-même), qui me parle beaucoup…

J’ai toujours eu un faible pour cette technique (Moore n’est pas loin) qui consiste à produire une sorte d’étourdissement ou de vertige par accumulation d’idées, parfois jetées en l’air comme autant de pistes ouvertes… Une sorte de « sublime mathématique » comme dirait Kant, une saturation du sens. Franchement, si j’adhère totalement, je peux comprendre que ça laisse froid. C’est riche jusqu’à l’excès.

A l’inverse, un auteur comme Miller procède à base d’idées fixes (peu nombreuses) qu’il explore jusqu’au bout, qu’il tente d’épuiser.
Il n’y a pas une approche qui soit supérieure à l’autre par nature, bien sûr (j’adore le travail de Miller…enfin, j’ai pas lu Holy Terror (gasp)).

Justement, j’ai lu les épisodes précédents, mais faut régulièrement que je relise pour vérifier.
C’est normal, ça ?

Jim

L’age, la mémoire…

:frowning:

Désolé.

Miller pratiquait une forme d’hyper-compression dans Year One, par exemple, avec des pages à trois cases, qui montraient trois scènes, dont l’enchaînement des bulles marquaient un temps assez long à chaque fois. Plein d’infos avec peu de choses sur les planches.
D’une certaine manière aussi, Elektra Assassin, qui est difficile d’accès aussi, pratiquait une sorte de cut-up à la Burroughs. Mais la surcharge de textes et d’images créait un tourbillon d’infos.

Un trop.
Chez Morrison, c’est un trop peu.

Jim

Bah ouais, peut-être, mais bon, y a vraiment qu’avec lui que ça me fait ça.
Et apparemment, je ne suis pas le seul.

Donc pour moi, c’est son écriture qui pose problème.

Jim

Ouais, mais Moore aussi. Et Moore est un formaliste, aussi. Et malgré ses références et ses effets de style, j’arrive à le suivre à peu près à tous les coups.
De même, Morrison, quand il est soutenu par des gens comme Quitely, est très lisible, ses ellipses passent mieux, sans doute parce que Quitely compense en rajoutant des éléments graphiques qui marquent les transitions, les jonctions entre scènes. Il suffit qu’il dessine les cheveux de Lois dans le vent pour qu’on comprenne que Superman vient de décoller. Je vois peu de dessinateurs capables de soutenir à ce point un script.

J’insiste, ce n’est pas sur ses références, ses idées, ses intrigues que j’ai du mal à le suivre. C’est sur ses outils narratifs, sa grammaire de bédéastes, ses articulations et jonctions dans le récit. Ses ellipses d’un épisode à l’autre sont parfois super dures à suivre, et donnent de temps en temps l’impression qu’il manque un épisode. En tant que lecteur, il me perd parce qu’il ne prend pas le soin de placer des dialogues ou des récitatifs (ou des onomatopées, ou des couleurs différentes pour les flash-backs, ou que sais-je encore…) qui permettraient de mieux suivre le déroulement de l’action (et de sa pensée).
Et ce n’est pas un problème de compétence, puisqu’il le fait très bien dans All Star Superman, et assez fréquemment dans Batman & Robin. C’est un problème de choix.
Et je trouve dommage qu’il fasse le choix de se priver d’effets, alors que les outils de la BD sont à portée de main.

Jim

C’est peut-être juste une question d’intérêt dans la lecture, car moi non plus ça ne m’a pas posé problème ([size=85]y a sans doute des ref obscures qui m’échappent, mais rien qui ne rend incompréhensible l’histoire[/size]).

Alors que je ne me souviens plus de ce qui se passe dans l’avant dernier numéro de fear Itself ! :mrgreen:
Pour rester sur Morisson, j’avais eu ce problème pour Final Crisis, mais c’était aussi sans doute car je trouvais ce cross over mauvais (aussi vite lu, aussi vite oublié. Le seul truc dont je me souviens dans ce marasme, c’est Batman Vs Darkseid avec un nouveau look affreux. Batman mort. Mais en fait non, il est retourné à l’age des cavernes).

J’ai mis cinq lectures avant de le comprendre, et je crois que je le comprends parce qu’on me l’a expliqué, surtout.

Non, moi, ses Batman, ça m’intéresse. Bon, Scarlet, Flamingo, et toutes ces conneries, non, ça ne m’intéresse pas, c’est violent, un peu bas du front, pas très utile, redondant, donc non. Mais le Batman #700 m’intéresse. Sauf que je le trouve super dur à lire.
Mais cet épisode floute volontairement la représentation de la réalité, les lignes temporelles, tout ça. Donc c’est assez logique. En revanche, sur l’arc « Blackest Knight », faut quand même reconnaître que c’est sans pitié, quoi. Faut vraiment connaître pour suivre. Et encore…

Jim