Effectivement, et j’avoue m’être laissé tenter; mais je ne demande qu’à revoir le film en salles si d’aventure il en trouvait le chemin (ce dont je doute…), car il le vaut bien. Si « Before I Wake » ne fait pas le même effet que l’excellent « Oculus », il n’en confirme pas moins le talent de Flanagan, cinéaste classique au sens le plus noble du terme, solide metteur en scène qui présente même déjà des « lubies d’auteur ».
Calme, posé, peu démonstratif (sauf lors de trop directes représentations de son boogeyman, mais on y reviendra), le film déroule sa structure en trois actes parfaitement pesée. L’exposition prend son bon tiers de film, mais ménage une narration intelligente, délayant certaines infos ou inversant leur ordre d’exposition « normal » ; on prend son temps mais on intrigue le spectateur. Puis assez rapidement, le ressort « principal » du film est révélé et la caractérisation préalable joue son rôle. On s’attache très vite aux persos (Kate Bosworth est exceptionnelle tout en restant très sobre, et Thomas Jane n’est jamais aussi bon que quand il joue les braves gars du commun attachants mais faillibles, comme dans « The Mist »).
Tout ça nous amène à un final thématiquement passionnant, même si l’on pourra déplorer un côté trop ouvertement explicatif à ce dénouement ; mais peut-on vraiment le reprocher à Flanagan ? En effet, toute son histoire repose sur la nécessité du dialogue et de la dissipation des non-dits (notamment à l’égard des enfants) dont le film explore sur le registre du fantastique les conséquences potentiellement catastrophiques. Belle idée, même si j’aurais préféré qu’elle s’appuie sur un ressort purement visuel (cinématographique) et non verbal. Mais encore une fois, peut-être Flanagan a voulu faire preuve de cohérence jusqu’au bout (d’où la représentation très frontale du « monstre », aussi). Je suis toujours sensible à ça.
Tout ça serait déjà très bien, mais en plus entre « Oculus » et ce film, on voit déjà nettement se dessiner les contours des obsessions de Flanagan, un peu Neil Gaiman dans l’esprit pour le coup, et de ses persos : ces derniers sont toujours hantés par des images normalement immatérielles (le passé pour les uns, les rêves pour les autres) et les voilà brutalement confrontés à des aspects matériels de ces notions. Le réalisateur travaille en quelque sorte une « matérialité de l’absent », évidemment très porteuse en termes de mise en scène, très épurée du coup. On pense à Kiyoshi Kurosawa, en plus démonstratif et moins subtil néanmoins.
Il n’empêche qu’à ce stade, Flanagan est un auteur déjà très intéressant. J’ai hâte de voir son slasher « sourd », « Hush » (une bien chouette idée sur le papier, ça). J’espère qu’il ne perdra pas trop de temps sur des franchise à la con genre « Ouija », par contre.