LE CHIEN BLANCO t.1-2 / BLANCO t.1-4 (Jirô Taniguchi)

J’entame la relecture d’un diptyque que j’avais beaucoup apprécié à l’époque de la sortie : les deux premiers tomes du Chien Blanco, qui est la série par laquelle j’ai découvert le travail de Taniguchi. Ces deux volumes sont sortis en 1996 dans la collection « Manga » de Casterman, qui demeure pour moi un jalon tant elle m’a permis de découvrir des séries et des auteurs.

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L’histoire de Blanco est assez simple : il s’agit d’un chien, indomptable, féroce, visiblement guidé par un but mystérieux, et traqué. On ne sait au départ pas trop pourquoi, mais il renverse tout sur sa route, tuant ceux qui essaient de le retenir. On apprendra par la suite que le canidé a fait l’objet d’expérience visant à faire de lui l’auxiliaire militaire parfait (il court plus haut, saute plus longtemps, nage durant des temps records, fait preuve d’une sauvagerie face à l’adversaire qui n’a d’égale que son obéissance à son maître-chien…). Sauf que voilà, ça a dérapé. Donc le pays qui l’a « créé » (on est encore ici dans une logique de monde bipartite et on nous laisse comprendre que Blanco vient « de l’est ») envoie des gens pour le tuer et d’autres pour maquiller les traces des premiers. Le récit, qui s’apparente d’emblée à une fable animalière à la narration linéaire, glisse rapidement vers le récit d’espionnage.

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Et c’est là qu’intervient la tonalité Taniguchi que l’on connaît désormais, et qui donne de la substance au récit, lequel aurait très bien pu se limiter à un duel entre l’humain et la nature : l’auteur s’intéresse à une vaste gamme de personnage, à qui il confère beaucoup d’épaisseur tandis qu’ils doivent réagir à ce surgissement du monde sauvage dans leur vie. En gros, avec son chien, il répond à l’appel de la forêt, il poursuit sa baleine blanche…

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Tout dérape quand des chasseurs découvrent qu’une meute de loups boulottent leur gibier, et que ces prédateurs sont guidés par un chien blanc. Ce dernier est rapide, puissant, et il sème le carnage parmi les humains. Si l’action se passe dans le grand nord canadien, on suivra surtout Shiba, un Japonais qui envisage à un moment de refaire sa vie avec Meg, une danseuse exotique qui n’attend qu’une chose, qu’il l’emmène loin du froid, dans son pays à lui. Mais Shiba se trouve mêlé à l’affaire d’espionnage citée plus haut, perd Meg dans une fusillade, et décide de retrouver le chien blanc. L’obsession melvilienne qu’il nourrit le conduira à croiser le chemin de gens visiblement influents. Bien entendu, il n’est pas le seul à traquer la bête, puisque le gouvernement évoqué plus haut envoie une femme, celle qui a dressé l’animal, le retrouver et l’abattre si nécessaire. Dans sa fuite, Blanco croisera beaucoup d’humains, et tous ne sont pas animés de mauvaises intentions…

Je suis en train de finir ma relecture du premier tome du Chien Blanco, que je n’avais pas feuilleté depuis des années, et c’est un plaisir. Les grandes cases muettes de course dans les décors neigeux sont impressionnantes, et rythment très bien le récit qui s’articulent autour d’une trame classique, où les magouilleurs gouvernementaux tentent d’effacer les preuves de leurs méfaits (en gros, c’est l’Arme X ou Jason Bourne version toutou…). Mais surtout, Taniguchi dresse des portraits vivants et crédibles du casting qui entoure Blanco. Sa volonté de ne pas montrer de pur salaud (mais des gros cons, si, ça, y en a) laisse déjà poindre un humanisme évident, et se marie très bien avec son sens de l’image forte, du coup de théâtre frappant. Ça cogne bien.

Jim

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