BRIGHTBURN - L'ENFANT DU MAL (David Yarovesky)

Y a un glissement identique au sujet de l’ennemi dans les récits d’espionnage (au sens très large). On est passé de l’ennemi extérieur à l’ennemi intérieur. Et dans les récits d’espionnage, c’est lié aussi à l’idée de l’espion infiltré, qui s’insère dans la société au point d’en devenir membre et de la trahir de l’intérieur : le ver dans le fruit, en quelque sorte.
Sauf que justement, avec la chute du Mur de Berlin et la fin de la Guerre froide, ce thème a évolué. C’est tout le sel (je le répète) des James Bond de Pierce Brosnan : le héros, mais aussi les producteurs et les scénaristes, cherchent un nouvel ennemi. Et au final, l’ennemi, c’est le système et ceux qu’il forme (l’espion trahi, par exemple). Et depuis, la fiction américaine surexploite tout ça, parce que ça fait écho aux doutes de la civilisation, forcément (le capitalisme a « gagné », s’est métamorphosé en libéralisme, qui tue petit à petit la nature, le tissu social, voire la croissance elle-même). C’est très frappant dans la série 24, où l’ennemi vient souvent de la Maison Blanche (ou de ses satellites). C’est présent également dans les Star Trek récents, dont toutes les menaces viennent de l’intérieur. C’est présent aussi dans les films de super-héros : Winter Soldier ou Civil War, c’est ça, les deux ennemis récents de Spider-Man sont des « déçus du système ». Même des films plus « sérieux » comme Zero Dark Thirty posent cette question.
Et au final, ça renvoie à des époques marquées par le doute vis à vis des autorités et du discours officiel.

Le film s’en sort parce qu’il prend l’angle des victimes (celles du ghetto, celles du vaisseau, mais aussi le héros, lui-même victime de la machine administrative qu’il a contribué à faire tourner). Mais c’est vrai que c’est casse-gueule. Moi, j’aime bien le film, même beaucoup, mais c’est aussi parce que je suis un sale bolchévique.
:wink:

Ce genre d’interprétation monobloc, c’est en général la trace soit d’une grande inculture, soit d’une volonté de manipuler le matériau à des fins diverses (genre, de propagande). Or, on sait bien qu’une figure (une « forme », dirait Thoret), ça évolue avec le temps. Dans son bouquin sur la fantasy, William Blanc parle de la figure du dragon et en décrit l’évolution. Mais on peut faire pareil avec le zombie, le vampire, le robot, etc etc. À ce niveau, ces archétypes revêtent une valeur de symbole, et les symbole peuvent accueillir plein de significations, y compris contradictoires. Les sociétés évoluent, les créateurs qui s’emparent de ces figures aussi, et en général l’évolution se produit d’une génération à l’autre. Vouloir imposer une interprétation unique, ce serait comme prétendre que toutes les œuvres ont été créées au même moment et au même endroit.

Jim

Oui, moi aussi, mais je prends quand même la métaphore centrale du film pour ce qu’elle est : une « audace » à la limite de la maladresse ou du faux-pas pur et simple.

C’est très vrai.
Certains ont pu repérer ce glissement entre les deux premiers volets de la trilogie « Dark Knight » de Nolan : dans « Batman Begins » l’ennemi est extérieur (à tel point qu’ils ont fait de Ra’s Al-Ghul un asiatique, avant le twist le concernant en tout cas, au lieu d’un arabe, de peur des réactions dans le climat post-9/11…) et dans « The Dark Knight », via le Joker, il est intérieur, comme le montre de façon quand même assez brillante l’introduction du film (j’ai beau ne pas aimer le travail de Nolan, sur ce film-là il a quand même enquillé quelques bonnes idées et autres fulgurances).

L’essayiste Pacôme Thiellement, avec qui je me suis entretenu de ce sujet des interprétations « monobloc », pense que c’est un vieux reste de réflexe religieux dans nos sociétés modernes : ça a un rapport avec une certaine idée de l’orthodoxie. Une chose se doit d’avoir une signification fixe, figée, sinon la pensée n’est pas correctement « dirigée »…

C’est peut-être pas faux. Dans le même ordre d’idée, les thèmes qui sont retournés comme un gant au sein d’une même œuvre (je vais citer par exemple le clergé et la religion chez Frank Miller, source de mal mais aussi d’espoir selon les récits), attestent sans doute d’un évident déracinement de la pensée, qui s’émancipe des terreaux fondateurs, qui s’envolent, mais qui du coup n’est plus attaché à rien. Et derrière tout ça, c’est la méfiance envers les diverses formes d’autorité qui transparaît. Ce genre de pensée à multiples facettes, il apparaît dans l’après-guerre, dans les années de la contestation, qui s’en prenait aux sphères religieuses, politiques, militaires, scientifiques et autres.

jim

Ecrit du James Bond.
Et du Jack Bauer.

Pas mal du tout, cette relecture dark des éléments clés de la jeunesse de l’homme d’acier de DC. Les auteurs jouent bien avec les codes des genres horrifiques et super-héroïques en orchestrant leur « origin story » détournée (le matériel de base est bien compris et le détournement des passages obligés fonctionne) .Le suspense est bien dosé, avec de bonnes idées et une montée en puissance ponctuée d’effets-chocs efficaces. Le budget limité ne permet pas à l’histoire de prendre suffisamment d’ampleur (mais j’ai bien aimé ce qui est développé dans le générique avec l’acteur invité, figure régulière des films de Gunn) mais cela permet de se concentrer sur la cellule familiale dont les membres sont interprétés par trois acteurs convaincants (et le final est poignant).

Je te copie/colle. :slight_smile:
Même avis.

Je n’ai pas du tout aimé ! Le film va trop vite, passe à côté de plein de moments qui lui aurait donné de l’épaisseur, pour n’être qu’une version simpliste du « et si Superboy avait été méchant !? ».
Le film n’aborde pas vraiment la relation du gamin envers ses camarades (en particulier la fille qui lui témoigne de la tendresse), ça passe à côté du questionnement « l’éducation forge-t-elle la personnalité » ? Pour montrer un gamin tout simplement possédé et très méchant ! C’est sans nuance, assez ennuyeux parce que le gamin ne dégageait pas beaucoup d’émotion. Encore une fois, on passe rapidement le fait que ce soit un freak mal accepté. Brightburn enchaîne les clichés à la limite du risible (le policier et les dessins…). Un film qui ne va pas au delà de son concept de base.