BROCÉLIANDE - FORÊT DU PETIT PEUPLE t.1-7 (Stéphane Peru, Stéphane Betbeder, Nicolas Jarry, Sylvain Cordurié / Bertrand Benoît, Paul Frichet, Djief, François Gomes)

Récit de deuil et d’acceptation, ce septième tome fonctionne sur le registre de l’émotion. Le récit s’inscrit dans une tradition littéraire en provenance du XIXe siècle, recourant au journal intime et à la première personne du singulier. Exercice difficile, mais qui fonctionne très bien ici.

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Je ne suis d’ordinaire pas très client des productions de Nicolas Jarry, mais je dois avouer que sa succession de choix ingénieux et judicieux me semble donner un résultat particulièrement convaincant. Par exemple, cette narration « journal intime » évoquée plus haut permet d’avoir accès aux pensées du personnages, mais sans jamais tomber dans la psychologie de bazar ou la philosophie de comptoir : au contraire, Yvon raconte, avec ses mots à lui (signalons par exemple la volonté de conserver la négation simple, une « faute » qui permet de caractériser le personnage), rendant accessible et très humain cette tranche de vie. De même, le scénariste profite de cette filiation littéraire pour remplir les pages sous ce qui semble être une logorrhée, mais rien n’est gratuit. Et c’est pour aller vers des planches plus légères, plus aérées, alors qu’Yvon abandonne son journal pour se tourner vers l’autre et devenir le père qu’il n’a jamais été. C’est plutôt bien vu.

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Quant à François Gomes, il livre des pages denses et riches (il aime dessiner les arbres et ça se voit), il se montre généreux en détails dans les décors, mais aussi en matière de personnages, sur un sujet qui n’est pas facile. Il parvient à donner beaucoup d’humanité aux personnages, et la douleur d’Yvon est bien retranscrite, sans tomber dans la caricature.

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On sent, sur les dernières pages, qu’il est peut-être un peu pressé par le temps. Mais il trouve des astuces élégantes et un style plus simplifié. Les pages avec le chien font penser parfois à la manière dont un Sempé résumait tout un monde en quelques traits : toute prétention au réalisme disparaît, le dessin oscille un peu plus entre précision et décalage, et ça fonctionne très bien. Les planches s’allègent, comme le cœur du personnage central.
Ça fonctionne.

Jim

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