Ces mangas à lire avec de l'expérience

Bonjour,

J’ai récemment lu le 15ème tome de Bakuman, et je me faisais la réflexion que cette série pourrait parfaitement compter parmi les mangas dont on peut apprécier pleinement la lecture qu’avec du recul et de l’expérience de lecture de manga.

Autrement dit, le fait d’avoir lu un bon paquet de mangas et de séries me donne l’impression d’avoir le recul nécessaire pour apprécier ce genre de série.

Par exemple, Bakuman fait référence à d’autres séries que j’ai également lues : le fait de voir les héros parler d’Oda de One Piece ou feuilleter des Jump avec Toriko en couverture, cela me renvoie à des séries que je connais et apprécie, pas sûr qu’un ‹ débutant › de la lecture manga ferait le rapprochement avec juste l’allusion à Oda au milieu d’une phrase, ou un dessin vite fait parcouru des yeux sur une couverture d’un hebdo.

Il y a aussi le fait de cotoyer les mangas depuis longtemps, et forcément les à-côtés dans les articles et les forums : les questions-réponses des éditeurs, les fans mécontents car la sortie de tel tome sera repoussée, ou tel éditeur augmente ses prix pour mieux rétribuer les intervenants de la chaîne de production du manga français, dont les traducteurs ou la qualité du papier, les aléas personnels de tel auteur qui doit mettre en pause sa série…

À force de lire tout cela, on comprend d’autant mieux ce que traversent les héros-auteurs de Bakuman, on y est sensibilisé, on s’identifie encore plus et mieux aux personnages, et cela ne serait, je pense, pas aussi ‹ naturel › pour un lecteur lambda débutant.

Bref, au-delà de Bakuman, je m’interroge, et vous interroge, sur mon ressenti et l’existence de séries similaires qu’il serait ‹ optimal › de lire après une certaine maturation de lecture et d’investissement dans les mangas.

Bien à vous tous, Senpaïs.

FrEaK

C’est sûr que le fait d’avoir de l’expérience permet de pleinement apprécier Bakuman, autant pour l’envers du décor que pour les références.
Dans les mangas à lire avec de l’expérience, j’inclurais bien les mangas aux graphismes plus que moyens. Je m’explique : un néophyte en manga va, à mon avis, dans la plupart des cas aller vers un manga aux dessins attirants plus que vers une histoire attirante.
A mes débuts, j’avais du mal à aller vers ces mangas dont les dessins sortaient de l’ordinaire. A présent, ils ne me dérangent plus du tout. Je prends par exemple Detroit Metal City , dont les dessins sont hideux mais dont l’humour est inimitable. C’est une série que j’avais beaucoup hésité à lire en raison des dessins mais il s’est avéré que j’ai adoré.

Un titre qui rejoint vos deux expériences : Bobobo-Bo Bo-Bobo, de par ses nombreuses références (en clin d’œil, la plupart du temps), et son graphisme peu abouti, c’est typiquement le genre de manga qu’on ne peut pas lire sans avoir un peu d’expérience de lecture manga.
Il y a aussi des titres comme Assistante mangaka - Le blog, qui nous plongent dans le quotidien des mangakas et pour lesquels c’est mieux d’avoir un peu de connaissances sur le milieu.

Des séries comme Genshiken, également, sont plus faciles à apprécier quand on n’est plus un débutant…
Le deuxième titre de J.-P. Nishi, Paris, le retour a également toute une partie consacrée à Japan Expo… Si on n’a jamais été dans aucune convention, on y perd un peu de sa saveur.

De même, un titre comme (Sergent) Keroro multiplie les références… Il est certain qu’on apprécie beaucoup moins quand on ne les comprend pas.

Il y a certainement beaucoup d’autres séries, mais j’ai parlé de celles auxquelles j’ai pensé immédiatement.

Tori.

Bizarrement, avec l’expérience, on se rend compte que Bakuman, c’est l’envers du décor idéalisé et forcément orienté gestion interne Jump. Ce qui ne correspond pas forcément à la vraie vie de la majorité des mangakas. Alors oui, si on découvre les mangas, Bakuman va sans doute parfois perdre quelques lecteurs. Mais ce n’est pas ce genre de titre que je m’attendais à voir apparaitre vu le nom du topic…

Oui je suis parfaitement d’accord. De même pour A nous deux Paris, le titre perd un peu de saveur si on n’habite pas Paris ou qu’on ne connaît pas bien.
Je me souviens d’une critique faite par un étranger (suisse il me semble) dans laquelle il disait qu’il n’avait pas trouvé ça drôle. Moi, habitant à côté de Paris, j’ai trouvé ce titre tordant et rempli de vérités et d’anecdotes typiquement parisiennes.

Gintama, étant donné le nombre énorme de références et parodies (qui vont d’ailleurs plus loin que la culture manga/anime), me semble correspondre également.

Après, il y tout de sorte de titres qui ne plairont pas aux néophytes pour diverses raisons, notamment les dessins. J’ai par exemple mis très longtemps avant de lire mon premier Tezuka, trouvant le style trop enfantin et « moche », pourtant je l’apprécie désormais. Des titres comme Dorohedoro ou Shiori et Shimiko, assez spéciaux me semblent également correspondre (pourtant le premier est tout simplement génial, j’ai plus de mal avec le second).

En fait, je pense qu’il ne s’agit pas d’avoir de l’expérience pour lire ce genre de titres, mais plus d’avoir les références nécessaires. Et là, c’est plus aléatoire et finalement très commun comme « problème ». Après tout, si tu n’y connais rien en basket, comme peux-tu comprendre les références à Rodman, Jordan ou autres basketteurs célèbres dans Slam Dunk ?

Tout comme lorsque vous abordez les titres finalement plus difficiles d’accès comme les Tezuka ou ceux ayant un graphisme éloigné des standards actuels. Il ne s’agit pas vraiment de lectures à faire lorsque l’on a de l’expérience mais plus d’une évolution dans l’attente de ce que l’on lit. Beaucoup de lecteurs vont rechercher toute leur vie la même chose lorsqu’ils ouvrent un manga : du pur divertissement (en général).

Pour moi, les titres « à lire avec de l’expérience », ce sont plus tous ces titres qui nous font nous interroger, posent des questions pertinentes, parlent de choses concrêtes, s’insèrent dans le présent et aboutissent à un apport culturel. Ces titres ne sont pas accessibles pour ceux donc l’objectif est uniquement le bon temps, la rigolade, les lectures sans prises de tête. Et ce sont ces titres-là que je m’attendais à voir dans ce topic, pas ceux que vous citez dans votre grande majorité. Bref, j’ai l’impression d’être hors sujet du coup. :slight_smile:

[quote=« ivan isaak »] Après tout, si tu n’y connais rien en basket, comme peux-tu comprendre les références à Rodman, Jordan ou autres basketteurs célèbres dans Slam Dunk ?
[/quote]

Oui mais contrairement à d’autres titre, le fait de connaître ces références n’apportent pas vraiment un plaisir supplémentaire car le manga ne se repose pas là dessus. Disons que, au mieux, c’est un petit plus, absolument pas nécessaire pour apprécier le titre. Si je reprends Gintama, si tu ne comprends aucune (ou presque) référence, tu vas sacrément t’emmerder.

[quote=« ivan isaak »]
Pour moi, les titres « à lire avec de l’expérience », ce sont plus tous ces titres qui nous font nous interroger, posent des questions pertinentes, parlent de choses concrêtes, s’insèrent dans le présent et aboutissent à un apport culturel. Ces titres ne sont pas accessibles pour ceux donc l’objectif est uniquement le bon temps, la rigolade, les lectures sans prises de tête. Et ce sont ces titres-là que je m’attendais à voir dans ce topic, pas ceux que vous citez dans votre grande majorité. Bref, j’ai l’impression d’être hors sujet du coup. :slight_smile:[/quote]

Tu as raison. C’est aussi le genre de titres que je m’attendais à voir avant de lire le premier message. Personnellement, les deux « catégories » me semblent entrer dans le sujet.

Disons que le titre du topic allait dans le sens de mon ressenti…
Du coup, à vous lire, j’ai comme l’impression d’avoir été pris à mon propre piège, comme un jeune débutant qui voulait jouer au grand et parle de shonen alors que les adultes du forum attendaient une discussion plus profonde…

ivan isaak, par deux fois tu as répondu dans ce topic, par deux fois tu dis que les mangas discutés n’étaient pas ceux que tu attendais, mais au final tu n’en cites aucun pour imager ton attendu…
Je ne pense pas que tu sois particulièrement hors sujet, l’expérience dont tu parles est différente de celle que j’évoquais à l’origine, et je suis curieux de savoir quels sont les titres qui se cachent derrière la définition ‹ sérieuse › de ton dernier post.

La plupart des « mangas d’auteurs » rentrent dans cette catégorie. Les titres de Taiyô Matsumoto par exemple sont, à mon avis, difficilement accessibles au débutant manga (débutant BD tout court plutôt d’ailleurs, car un lecteur assidu de BD sera sans doute moins rebuté par le style de l’auteur).

Des titres plus « profonds », comme 2001 night stories (pour en citer un « récent »), ou des titres « vintage », comme Le voyage de Ryu, auront du mal à trouver les faveurs d’un public de novices. Tout comme d’ailleurs un grand nombre de shônens traitant leur thème de manière différente de celle des blockbusters et qui, au final, se vautrent en terme de ventes (Full Ahead Coco, Kekkaishi, Muhyo et Roji, Run Day Burst…) En fait, ce que je disais plus haut, c’est que les lecteurs qui découvrent et certains « habitués » ne cherchent pas forcément à voir plus loin, à regarder ailleurs, à chercher autre chose dans leurs lectures que ce qu’ils ont déjà lu 100 fois.

Donc, pour que ces fameux titres « à lire avec l’expérience » le soit vraiment, il faut avant tout une volonté du lecteur. Normalement, au bout de quelques dizaines de shônens/shôjos/seinens formatés, on recherche autre chose. Et c’est en général là qu’on arrive à s’orienter vers ces titres différents.

Après, si tu souhaites une liste plus large des titres auxquels je pense, je peux éventuellement prendre le temps d’éplucher ma collection pour te donner un aperçu plus large. Ce sera loin d’être exhaustif mais cela te donnera une idée de ce que je pensais trouver ici.

Tu cites Full Ahead Coco et Run Day Burst, deux séries méconnues que j’ai vraiment aimées lire, je me sens donc sur la bonne voie.
Merci pour ce retour très complet.

Attention, il n’y a pas de « bonne » ou de « mauvaise » voie. Il y a juste la voie que l’on choisit de suivre et qui peut très bien être celle des blockbusters calibrés et des codes constants. Ce n’est pas un problème en soi, cela limite juste le prisme de lecture. Mais si c’est ce que l’on recherche, y a aucun problème. S’ouvrir au reste de la production (telle les Mizuki par exemple), ça demande également un effort financier que certains ne peuvent se permettre. Car en général, c’est fameux titres dont je parle sont assez souvent plus chers que la moyenne, conséquence presque directe (car ce n’est pas la seule) du faible nombre de leurs lecteurs.

Pour la voie, oui, je suis la mienne et jusque-là je ne regrette pas grand’chose, mes sorties des sentiers battus se sont quasiment toujours avérées payantes, je ne nie pas mes lectures passées voire actuelles, je continue de lire les shonen phares du moment, et suis continuellement à la recherche de la prochaine série qui me fera vibrer, peu importe qu’elle soit populaire ou non.

Tu soulèves là un point important de l’accès à la diversité de lecture : le prix des éditeurs. Il est grandement vrai que des séries éditées en grand format ou format de collection gagneraient des lecteurs si les prix n’étaient pas aussi élevés, mais il faut reconnaître que lire un Taniguchi, typiquement « Quartier lointain » ou « Le Sommet des dieux », serait certainement moins attrayant en format poche.

Ton exemple ici englobe tous les manga jusqu’à un certain point, je pense. Toute lecture, pour être pleinement appréciée et « comprise », nécessite de l’expérience, pas seulement en manga mais en terme d’expérience de vie et de culture en général, et de maturité tout simplement. D’où le principe de la double lecture.

Exemple avec Naruto, qui s’apprécie évidemment comme un titre de divertissement pur, mais qui est rempli de références à la culture japonaise (yôkai, histoire du Japon, contes et autres) qui passeront complètement au-dessus du lectorat moyen peu intéressé ou renseigné sur cet aspect. Dès lors, Naruto demande une « certaine expérience » pour être vraiment « compris » pleinement, au moins par le lectorat français (sans doute est-ce plus évident pour le lectorat japonais, puisque tout cela fait partie du folklore). Et cela vaut finalement pour pas mal de titres pour ados. Après tout, ces histoires ne sont pas écrites par des ados, mais par des gens qui ont dans l’immense majorité passé la vingtaine et plus, et qui donc se servent de leur propre expérience pour créer leurs histoires.

L’expérience et l’appréciation de l’aspect culturel du manga ne peuvent se construire en lisant exclusivement du manga, mais en développant sa sensibilité sur la vie en général, sa propre culture générale et en s’affirmant une certaine personnalité et un regard critique propre, qui ne s’appuie pas sur les tendances pour choisir ses titres. Lire du manga ne rend pas plus intelligent ou mature en soi, si on ne réfléchit pas par soi-même sur nos lectures, sur notre ressenti ou sur la façon dont un auteur raconte une histoire, et qu’on se contente d’ingurgiter sans comprendre ce que l’auteur fait passer dans ses pages.

Et justement, il est tout à fait possible de parler en profondeur et d’une manière adulte de ces fameux shônens, qui à en croire certains ne s’adressent qu’au moins de 16 ans, ou ces fameux shôjos, qui si je ne faisais que lire des forums sans en faire l’expérience ne parleraient que d’amourettes lycéennes nunuches et fleurs-bleues. Mais ça nécessite de l’expérience et de la maturité pour en parler correctement, sans étiquettes et sans archétypes réducteurs et faussés, et surtout sans avoir honte de se dire qu’il y a de la profondeur dans ces titres, et pas que dans le seinen, catégorie hyper-glorifié et bien plus large que ce qu’on veut bien croire (comme pour le shônen et le shôjo) et dont pourtant beaucoup de titres ne sont pas des modèles de maturité absolue, quoi qu’on en dise. Tout dépend de l’auteur, de son talent et de ce qu’il souhaite faire passer.

Bref, tout ça pour dire que « ces mangas à lire avec de l’expérience », selon moi cela reprend tous les manga en général, aussi faciles d’accès à lire semblent-ils en apparence.