CLIFTON t.1-24 (Raymond Macherot, Bob De Groot, Bédu, Michel Rodrigue, Zidrou / Turk, Bédu, Michel Rodrigue…)

Discutez de Clifton

J’ai connu Clifton dans Tintin, alors que la série était animée par De Groot et Turk. J’aimais beaucoup cette série, qui présentait un dessin semi-réaliste avec des péripéties plutôt musclées.
Et si je savais que c’était Macherot le créateur, je crois n’avoir jamais lu les aventures qu’il a réalisées avant… l’achat, il y a quelques jours, de l’intégrale noir & blanc parue chez Niffle. Les trois volets, de trente pages chacun, ont été réalisés entre 1959 et 1961.

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Et c’est un régal. Macherot déploie un style énergique, épuré, recourant à un arsenal narratif emprunté à Hergé mais avec un trait « moderne », au sens où les Modeste & Pompon de Franquin étaient modernes : très design, très fluide, très élancé. L’édition Niffle, de petit format, propose une version noir et blanc sur papier brillant, rendant hommage au trait enlevé.

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Les péripéties ne traînent pas (les histoires font trente pages, faut pas traîner), mais le personnage n’est pas encore bien définie dans le premier récit. Dans le deuxième, qui se passe en Amérique, les multiples rencontres permettent un contraste évident qui joue en faveur de l’enquêteur à moustaches.
Ça donne envie de tout relire.

Jim

Oh, purée, oui, tu m’en donnes envie !
Je connais Clifton, comme toi, principalement par la prestation de Turk et De Groot que j’ai, toujours comme toi, découverte dans Tintin. Je crois avoir lu une des histoires par Macherot, mais c’était il y a fort longtemps.

Les intégrales sont, depuis un moment, dans ma liste de trucs à acheter un jour (comme beaucoup d’autres intégrales chez Le Lombard ou Dupuis, d’ailleurs).
As-tu pu comparer ton intégrale Niffle à la première intégrale du Lombard ?

Tori.

Non, pas encore : sur Clifton, j’ai envie de tout me refaire, mais je me tâte encore sous quel format. Sans doute l’intégrale, mais bon…

Jim

Ce qui m’a surpris en lisant ces trois aventures, c’est le format : n’ayant pas compté les planches avant d’entamer la lecture, j’ai été surpris que ça se finisse si vite. Et pour cause, trente pages, c’est très court pour du franco-belge.

Jim

Ce qui est intéressant, à bien repenser à ces trois épisodes, c’est que la série trouve son identité (seulement) dans la troisième.

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Les deux premiers récits sont des aventures rocambolesques jouant sur le schéma de la poursuite, avec son lot de hasards et de maladresse : Clifton y est présenté comme un détective légendaire, mais ce qui le sauve en réalité, c’est son opiniâtreté, qui fait qu’il retombe régulièrement sur la piste que la malchance lui a fait lâcher. On a donc le droit à des jeux de couloirs et de portes où se croisent poursuivis et poursuivants. Ça fonctionne super bien, mais c’est encore un peu creux, même si le deuxième épisode, « Clifton à New York », qui envoie le britannique moustachu en Amérique à la rencontre de figures diversement exotiques, permet de brosser son portrait en creux.

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Le troisième, « Clifton et les Espions », en revanche, commence à établir la recette. Toujours aussi rythmé, le récit implique une véritable enquête, qui met au jour un complot (ce qui fait déjà deux niveaux). De plus, l’intrigue implique un ami du héros, ce qui donne une implication plus intense, un véritable enjeu. Enfin, le passé de Clifton, légèrement évoqué dans les deux premières aventures, revient franchement à la surface avec le surgissement de son ennemi Otto Kartoffeln. Le sentiment de danger y est donc plus présent et annonce d’autres récits à venir. C’est vraiment l’aventure qui définit tout, durant laquelle la série trouve son esprit.

Jim

La vague d’intégrales m’a permis à l’époque de découvrir Macherot dont j’ignorais tout. Vu mon pseudo, vous pouvez deviner que ça a laissé des traces…

En ce qui concerne Clifton, j’avoue n’avoir jamais réussi à m’intéresser à ce que la série est devenue par la suite. Je possède le premier volume de l’intégrale Lombard qui regroupe les trois titres de Macherot ainsi que le décevant « Les Lutins diaboliques » par Greg et Azara.

Cette différence de perspective, sans doute, fait que je ne pense pas avoir jamais pensé à la « trilogie » cliftonnesque version Macherot en termes de recette à établir (pour la suite). Du coup, si je suis certes tout à fait d’accord pour dire que le troisième tome est nettement supérieur au premier, ma préférence va tout de même au deuxième. Je crois me souvenir avoir lu que ces aventures new-yorkaises avaient été en grande partie improvisées, sans plan directeur pré-établi, et si c’est bien le cas, ça se sent, mais pour le meilleur : on a là un chef-d’œuvre de burlesque en roue libre. :grinning:

Les trois ont des qualités. On sent que Macherot cherche, et s’amuse en cherchant.
Le troisième volet de sa trilogie m’évoque fortement les souvenirs de lecture de la période De Groot & Turk, et même s’ils remontent loin, ils m’avaient marqué à l’époque. Et c’est sans doute cette « recette » que j’ai retrouvée a posteriori. Je pense qu’ils se sont calés sur la tonalité de Clifton et les Espions, peut-être par respect intimidé, peut-être aussi à la suite de consignes de la part de Greg.

Jim

Je viens de lire le premier Turk & De Groot, « Ce Cher Wilkinson », et franchement, j’ai passé un super moment.

L’enquête est assez classique (sauf à intégrer des pouvoirs mentaux qui ont certes une explication, mais qui contrastent bien avec la structure de polar), elle est bâtie sur le comique de répétition (ici : la vaisselle qui casse et les rencontres avec un certain policier) et la constitution d’une galerie de personnages, l’ensemble mettant à l’épreuve la patience du héros moustachu.

Il y a une volonté de maintenir le rythme et de ne jamais lâcher le lecteur, si bien que certains gags sont installés sur deux planches donnant parfois l’impression que les auteurs remplissent (en parvenant à toujours éviter les temps morts). On peut également estimer qu’ils mettent en place leur formule, qu’ils testent les limites. Mais déjà, ils tiennent leur sujet et animent un personnage vraiment sympathique.

Jim

Tiens, tu me donnes envie de le relire.

Qui est en fait le quatrième…
Il fut précédé par Le Voleur qui rit (ressorti plus tard dans le deuxième album cartonné du Lombard), Alias lord X (au sommaire du quatrième album cartonné du Lombard) et Sir Jason (présent dans le septième album cartonné du Lombard).

Tori.

Mais « précédé » dans la prépublication, si je comprends bien ? C’est la réédition en album qui a changé l’ordre, c’est ça ?

Jim

Les titres que je cites sont ceux de la première « série », parue en album souples.
En prépublication, il y a d’abord eu des récits cours : Le mystère de la voix qui court, en 14 planches en 1970 et Les émeraudes se font la malle, en 16 planches en 1971
Le voleur qui rit fut prépublié en 1972 et son album (souple, donc), en 1973 (sous le titre Une aventure du colonel Clifton, comme les deux suivants).

Tori.

Ah oui, l’édition souple. Je les oublie toujours. Je crois que je ne les ai jamais vus (les trois Macherot, je les ai dans une intégrale en noir & blanc). « Les Lutins diaboliques », de Greg et Azara, je ne le connais pas du tout. Je vois la couverture, je sais qu’il existe, mais je ne l’ai jamais lu, jamais feuilleté, jamais emprunté.
J’ai découvert Clifton dans Le Journal de Tintin, avec Turk & De Groot, et quand j’étais gamin, je pensais qu’ils avaient créé le personnage. Ce n’est qu’après que j’ai découvert que le héros était bien plus ancien, mais pour moi, il est indissociable de ces deux auteurs.

C’est « 7 Jours pour mourir », où il est poursuivi par des tueurs ? Celui-là, il m’avait marqué, dans Tintin. Faudrait que je vois si je l’ai, et si ce n’est pas le cas, faudrait que je le reprenne.

Jim

Pareil pour moi (entre Clifton et Robin Dubois, ce duo était bien placé dans mon panthéon d’auteurs de BD).

Moi, si, mais pas à un prix qui me convenait.

Oui.

Je crois l’avoir lu… Mais je n’en ai pas un grand souvenir (mais je ne l’ai peut-être que feuilleté, cela dit)…

Tori.

L’aventure intitulée « Sir Jason », je l’ai en anglais. Dans l’édition Cinebook. Sous une couverture qui reprend l’illustration qui apparaît dès l’édition de 1991.

Je l’ai ressortie de la pile (ou plutôt du tas) au centre de mon bureau, ça a été l’occasion de la pause de l’après-midi.

Fidèle à son habitude, Clifton est de mauvaise humeur, car les toasts ne sont pas grillés à la bonne température. Il s’enguirlande avec un représentant des forces de l’ordre, puis se réconcilie et envisage une calme après-midi de pêche quand il se retrouve sous le feu ennemi. En réalité, c’était un test visant à déterminer si ses réflexes sont encore bons, car il a une nouvelle mission : compléter l’entraînement de Sir Jason, un fils de bonne famille destiné à entrer dans les services secrets. Sauf que ledit Jason, s’il est bon en tout, souffre d’une peur panique qui l’étreint sur le terrain, dès que l’action commence.

Bien entendu, les événements auxquels les deux compères seront confrontés révéleront le courage inhérent du jeune homme, au point qu’il prendra toutes les décisions difficiles qu’il a jusque-là repoussées à plus tard. Clifton sera confronté à des malfaiteurs dangereux mais maladroits, ce qui vaudra quelques gags de situation bien sentis.

En me replongeant dans deux aventures du britannique moustachu en peu de temps, je commence à comprendre pourquoi le personnage m’avait séduit, gamin. Son mauvais caractère et le fait qu’il soit entouré de chats qui peuplent sa maison ne sont sans doute pas étrangers dans mon goût pour ses aventures. Je vais aller fouiner dans ma bibliothèque pour voir quels sont les autres tomes que je possède, tiens.

Jim

Turk et De Groot semblent être plus chats que chiens, quand on voit leurs BD…
Quant à un mauvais caractère entouré de chats, en voilà un autre :

Tori.

Chez Clifton, j’avais oublié.

Excellent gag, au demeurant.

Jim