COMICS U.S.A (Marc Duveau)

[quote]Les Quatres Fantastiques, le Surfer d’Argent, l’Homme Araignée… Venus de l’autre coté de l’Atlantique, ces personnages aux noms égnimatiques et aux pouvoirs extravagants ont conquis en France, en quelques années, un nombre impressionnant de lecteurs fanatiques, qui guettent sans répit la parution de nouvelles histoires et qui se procurent par le troc ou l’achat dans des officines spécialisées celles qu’ils ont par malheur manquées.
Malgré la censure qui les a un temps poursuivis, malgré une forme d’édition qui semble les réserver au public le plus jeune, les héros des comic books américains font maintenant la nique aux vedettes en place de la bande dessinée d’expression francaise.
Aux U.S.A, leur importance n’est plus à démontrer. Héritiers d’une tradition qui a son origine dans les années trente avec la naissance de Superman et de Batman, ils sont les héros les plus populaires de la jeunesse américaine et ont gagné depuis longtemps leur place sur les campus et dans les programmes d’études des universités.
Dans son livre, Marc Duveau décrit les étapes essentielles du développement des comic books, éclairant içi les détails de l’oeuvre d’un dessinateur, là les caractéristiques propres à un héros, à une époque ou à une maison d’édition importante. Et c’est un monde fascinant qui prend vie sous nos yeux, reflet de la réalité quotidienne, analysé dans son contexte culturel, sociologique et politique, et re-situé au travers de ses relations avec la contre-culture, le cinéma, la science-ficton et la bande dessinée underground. [/quote]

Ma critique sur Babelio:

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Une des toutes premières études en langue française, sur les comic-books. Quarante ans après, cela reste une excellente synthèse. Certes, les débuts des comics y sont survolés, les débuts des premiers super-héros rapidement évoqués, mais au travers de quelques figures clefs, Marc Duveau parvient à dégager les grands de l’histoire du medium. Avec Will Eisner et le Spirit, ce sont les racines des strips de presses qui sont évoquées, avant que ne débaroulent Harvey Kurtzman et ses E.C Comics, qui secoueront le cocotier de la bien-pensance, mais mèneront à la création de l’honni Comics Code Authority. Viennent ensuite Stan Lee et ses super-héros, stars d’une jeunesse américaine virevoltante et en pleine mutation. A contrario, citer Joe Kubert, Gil Kane, Julius Schwartz ou Carmine Infantino, c’est pointer le classicisme de DC. Pourtant, Duveau rapelle que c’est bien Infantino qui initiera une politique d’auteur en faisant confiance à Kubert, à Jack Kirby, à Neal Adams ou à Steve Ditko pour des séries personnelles. Et qui mieux qu’un libertarien comme Ditko, auquel tout un chapitre est consacré, pour représenter ce mouvement vers une plus grande liberté artistique ? Paru en 1975, le livre ne peut donc pas embrasser tout l’anticonformisme qui prévaudra durant les années 70, mais l’auteur en esquisse intuitivement les bases en quelques pages finales. Nouveaux thèmes, nouveaux formats, nouveaux modes de distributions… Tout un ensemble qui contribueront à faire des comic-books un art reconnu. On regrettera tout de même le peu de place accordée à la figure de Jack Kirby et on deplorera quelques oublis (Siegel & Shuster, Bob Kane & Bill Finger, Joe Simon, John Buscema). Pour l’anecdocte, il y a même une formidable coquille où le film AMERICAN GRAFFITTI est attribué à Michael Lukas, en lieu et place de Georges Lucas. Et oui, LA GUERRE DES ETOILES n’était pas encore sortie ! Mais, en l’état, COMICS USA est un livre qui, quarante ans après, a gardé toute sa pertinence et que l’on peut recommandé chaudement à toute personne voulant se renseigner sur l’histoire des illustrés américains.[/quote]

Lu cet essai fondateur, il n’y a pas longtemps. Et il reste d’une très bonne facture. J’ai notamment bien aimé la façon dont Duveau se sert de figures maitresses pour représenter les différentes périodes de l’histoire des comic books. Je me suis d’ailleurs amusé à imaginer (de façon très succinte) le plan de la suite hypothétique du livre:

  • Les années 80: la vague anglaise,le grim’n’gritty, Alan Moore, Frank Miller, Neil Gaiman, les First Comics et la personnalité de Mike Gold qui irrigua une bonne partie de l’après-CRISIS ON INFINITE EARTHS

  • Les années 90: Image bien sur, avec les artistes stars, Todd Mc Farlane, Rob Liefeld, Jim Lee et l’implosion du marché due aux numéros gadgets et à la spéculation, le retour aux sources initié par Moore (encore), Busiek, Waid, Morrisson… Warren Ellis qui invente une nouvelle forme d’écriture.

  • Les années 2000: Quesada et son équipe révolutionnent Marvel (Morrison, Bendis, Straczinsky…), les crossovers se multiplient, le format TPB se répand

J’ai surement oublié plein des choses. Et vous autres, grands esprits de CS ? Quels seraient vos propositions, vos idées ?

Belle idée que de redonner un coup de projecteur sur cet essai.
Je l’avais trouvé intéressant quand je l’ai lu, et il avait la particularité de traiter d’un sujet peu envisagé au moment de sa sortie si je me souviens bien.

Reste que j’aurais du mal à extrapoler comme tu le fais, des suites éventuelles, mes souvenirs sont assez flous sur son contenu.
Sans parler que je ne me considère pas comme un grand esprit (ma fausse modestie me l’interdit). :wink:

En tout cas ton découpage me paraît cohérent
:

Avec First on peut ajouter le Direct Market et les comic shops, non ?

Les tpb c’est 2000 pas avant ?

[quote=« artemus dada »]Belle idée que de redonner un coup de projecteur sur cet essai.
Je l’avais trouvé intéressant quand je l’ai lu, et il avait la particularité de traiter d’un sujet peu envisagé au moment de sa sortie si je me souviens bien.[/quote]

Tout à fait. D’ailleurs, la bibliographie du bouquin en atteste. En langue française, ce ne sont quasiment que des articles, et non des livres, qui sont cités. Et merci pour le vote de confiance :slight_smile:

[quote]Reste que j’aurais du mal à extrapoler comme tu le fais, des suites éventuelles, mes souvenirs sont assez flous sur son contenu.
Sans parler que je ne me considère pas comme un grand esprit (ma fausse modestie me l’interdit). :wink:[/quote]

Ce n’est qu’un petit jeu d’esprit. Loin de moi l’idée d’écrire à la place de Marc Duveau.

C’était le fond de ma pensée, mais j’aurais du le préciser, effectivement. C’est en lien avec ce que pressentait Duveau à la fin de son livre avec les expérimentations sur les formats, les thèmes, les modes de distribution…

Le format existait, bien sûr, mais pas de façon aussi répandue et systématique. L’écriture « à la Ellis » et l’arrivée massive de gens de chez Vertigo chez Marvel ont bien aidé à sa popularisation.

Ouais. En voilà une nouvelle qu’elle est bonne.

Comics USA : Histoire d’une culture populaire Relié – 26 janvier 2018
de Marc Duveau
27€

Xavier Fournier : « « En 1975, la sortie en librairie de la première version de ce livre est incroyable. Comics U.S.A. est tout simplement stupéfiant pour toute une génération de lecteurs français de bande dessinée américaine. A l’époque, les séries de Marvel et DC n’ont encore aucune reconnaissance ; lire des comics tient à la fois de la contre-culture et du secret honteux. Et voilà qu’arrive ce guide, le premier du genre en France, lequel en des termes précis et pédagogiques, relie entre eux les événements, les différentes vagues de personnages et de créateurs. Comics U.S.A., c’est une carte au trésor. Un vrai ouvrage de référence jamais réédité depuis… jusqu’à cette version ultime qui inclut tout ce qui s’est passé depuis 1975. Vous vous êtes un jour posé des questions sur les comics et leur évolution ? Les réponses sont ici. » Xavier Fournier Des premiers pulps publiés à l’orée du XXe siècle aux nouvelles séries cultes des années 2000, de Will Eisner à Brian Michael Bendis, de Tarzan à la nouvelle Captain Marvel, le spécialiste Marc Duveau analyse comme jamais un medium si particulier et unique et les nombreuses pépites et artistes qui jalonnent son histoire mouvementée. Il signe ici la nouvelle version, totalement remaniée, augmentée et illustrée, d’un livre culte et introuvable depuis des années. »

J’étais assez sceptique en apprenant qu’une nouvelle édition du livre de Marc Duveau devait paraître. À tout le moins, pour ceux qui - comme moi - avaient déjà lu son ouvrage.
Surtout que depuis quelque temps, les bouquins sur la BD U.S ne se font plus aussi rares, et que son étude avait été, depuis, sérieusement reprise ici et là.
En tout cas, sans l’avoir encore lu, son épaisseur (même en comptant une couverture plus épaisse, et un papier peut-être lui aussi plus épais) a été sérieusement revue à la hausse.
Et après l’avoir feuilleté rapidement, l’iconographie semble très riche (je crois me souvenir que la première édition était pas mal de ce côté-là aussi).

Et cerise sur le gâteau, voir que l’auteur a consacré une page à Ayn Rand, a fini de me convaincre de mettre la main au porte-monnaie (et de ce côté là cet éditeur ne fait pas de cadeau).
J’ai en effet, toujours trouvé étonnant, que des essais traitant de la culture (de masse) étasunienne, fassent l’impasse sur cette intellectuelle (ne voyez rien de péjoratif ou de mélioratif dans ce terme). Alors que son influence est assez prégnante outre-Atlantique (et pas seulement dans le domaine qui nous intéresse).

Bref, après le livre de Reed Tucker, l’année 2018 s’annonce résolument bédé américaine. [-_ô]

C’est peut-être parce qu’elle est méconnue en France, non seulement parce que ses écrits ne sont pas diffusés régulièrement, mais aussi parce que sa pensée ne trouve (à mon sens) guère d’écho au pays de la sécurité sociale, de l’État providence, des congés payés et de la mutualisation.
Après, Tristan Lapoussière a écrit des lignes assez explicatives, m’a-t-il semblé, dans son bouquin sur Ditko. J’ai évoqué l’écrivaine dans mon bouquin sur Miller, mais j’ai étendu un peu le propos pour la réédition à venir (parce que, entre-temps, j’avais eu accès à quelques explications complémentaires), lui consacrant même un chapitre.
Mais je crois qu’il est difficile pour un Français d’appréhender la pensée de cette intellectuelle, parce que le modèle de pensée est franchement très éloigné du nôtre. La greffe a très bien pris en Amérique, mais cette passionaria de la lutte contre le collectivisme semble étrange (pour dire le moins) à notre grille de lecture du monde.

Jim

A peine assez pour moi (mais je crois savoir que Lapoussière a été obligé d’élaguer, donc peut être que cette partie a connu des coupes). Je me souviens avoir relu deux à trois fois le chapitre consacré pour bien comprendre sa pensée. En j’en suis ressorti finalement avec pas mal de doute sur son appropriation, n’étant pas sûr d’avoir bien compris toutes les subtilités !
(mais à la fin du bouquin, je pense avoir à peu près pigé, les références d’Artie ayant entre temps aidé aussi, sûrement !)
Mais je reste quand même pas sûr d’avoir bien compris (faut dire que la philo et moi, ça n’a jamais fait beaucoup)

Mais ça, c’est sûrement parce qu’il faut m’expliquer souvent !

J’ai le souvenir (vraiment ténu) que c’était au contraire assez léger.

Là j’ai beaucoup de mal à comprendre en quoi sa pensée serait difficile à appréhender. Ou alors tu veux dire que conceptuellement on est incapable de comprendre ?

Du reste ce que je déplorais dans mon commentaire c’est sa quasi absence du panorama de la critique (mais vu la pauvreté de celle-ci en termes de créativité ce n’est pas non plus étonnant).
Alors qu’Ayn Rand est assez présente dans la culture U.S..
Les Simpsons y ont consacrée un épisode (au moins), elle est citée dans Mad Men, Terry Goodkind est objectiviste (et si mes souvenirs sont bons, un cycle de ses romans y fait référence), Miller (mais tu en parles) ; et cette liste n’est pas exhaustive.

Bref tout ça pour dire que sa philosophie est aussi une grille de lecture possible pour commenter/critiquer/analyser la culture populaire étasunienne.
Et que c’est plutôt bon signe qu’elle apparaisse dans l’ouvrage de Marc Duveau.

Je pense que sa haine viscérale de toute forme de collectivisme (bon, son expérience personnelle a été plus que douloureuse, certes, mais tout de même…) permet une greffe assez facile dans le pays du rêve américain, de la libre entreprise et tout le toutim, mais je crois aussi que ça ne prend pas en France, pour des raisons culturelles et historiques (et pas simplement à cause de l’atmosphère mutualiste que j’ai évoquée plus haut, ça remonte sans doute à plus loin, à nos racines catholiques notamment…). Si ça ne prend pas, ça ne peut qu’entériner le fait que c’est peu traduit et mal compris.

Après, moi, personnellement, je trouve que c’est un salmigondis saumâtre de gourou à trois sous. Sa « réalité objective » et sa « primauté de l’existence », c’est tout de même ras des pâquerettes. Et « l’égoïsme rationnel » est au mieux une ânerie de même calibre, au pire un dogme dangereux. Notamment quand le « laisser-faire capitaliste » devient la loi unique d’un monde dérégulé. Le groupe de pensée auquel appartenait Rand, mais aussi Alan Greenspan, dans les années 1950, a bien contribué à répandre ces idées que, pour ma part, et dans la mesure où je les comprends, je considère comme nauséabonde.
En plus, l’obstination de l’objectivisme à refuser toute dialectique et s’érigeant au-dessus des débat (refusant le « ou… ou… » et le « ni… ni… »), c’est une posture d’une facilité incroyable.
Personnellement, et sans doute que je me trompe ou que je suis aveuglé par ma propre grille de lecture du monde, je trouve que c’est une pensée dangereuse et qu’Ayn Rand est sans doute l’une des intellectuelles à l’influence la plus néfaste qui soit.

Au-delà de ça, je suis d’accord, c’est bien de connaître un peu afin de voir en quoi ça a influencé la culture pop locale.

Jim

Bon, j’ai mon exemplaire signé par l’auteur. Avis aux amateurs qui repassent à la Comicon demain dimanche, si vous n’avez pas le bouquin, Marc est en dédicace de 12h à 14h, occasion pour vous de vous faire signer votre exemplaire.

Petit plaisir supplémentaire, j’ai déjeuné avec Marc (et Jérôme Wicky nous a rejoints), occasion de parler de Wally Wood, de Fershid Bharucha, du magazine Vampirella, des revues Galaxie et Fiction… Super moment.

Jim

Ce matin, Marc nous a montré son livre d’or, qui contient des petites merveilles, signées Jean-Claude Gal, Moebius, Philippe Druillet, mais aussi Neal Adams, Bill Sienkiewicz et, plus récemment, Laurent Lefeuvre.
Magnifique.

Jim

Il le range dans un coffre-fort ?

Ca me rappelle Patrick Marcel qui a deux carnets comme ca…

Il le surveille d’un œil jaloux. Et il a bien raison.

Jim