Discutez de Corpus Hermeticum - Le souffle du Wendigo
C’est la guerre des tranchées. Des deux côtés, les bataillons comptent leurs morts, mais aussi leurs disparus : des guetteurs s’évaporent de manière inexpliquée. Si les commandants concluent d’avoir à des désertions ingénieuses, ils comprennent bien vite qu’ils ont un autre problème. Les deux camps décident d’envoyer un commando, composé de trois Français et de trois Allemands, afin d’enquêter. Les six soldats sont accompagnés d’un Indien, survivant d’un détachement américain, qui semble en savoir un peu plus long.
À mesure que les sept hommes s’enfoncent sur le front, l’horreur s’intensifie. Ils découvrent un charnier, des pendus, et un nombre de victimes bien supérieur à ce qu’ils estimaient. L’Indien leur raconte alors la légende du Wendigo, telle que rapportée par sa tradition orale, mais également par le fameux « Corpus Hermeticum », ce livre des secrets qui traverse les âges, et la collection du même nom. Les soldats finiront par découvrir un village déserté. Accueillis par les derniers survivants qui s’accrochent encore à leurs terres, ils vont rapidement comprendre que la légende des peuples algonquins a, elle aussi, traversé l’Atlantique.
Mathieu Missoffle livre un récit rapide, avec une galerie de personnages assez sympathiques et crédible. Charlie Adlard, qui semble ne pas se lasser des horreurs en tous genres et fait ici sa première incursion dans le franco-belge, livre des planches à l’ambiance pesante, assez bien servi par les couleurs de Mambba. Certaines cases de transitions ne fonctionnent pas toujours très bien, mais dans l’ensemble, ça reste un album bien raconté et bien lettré.
Tiens, je l’ai relu hier soir, et je l’ai trouvé très chouette, même meilleur que dans mon souvenir. Les dialogues fonctionnent bien (notamment la concrétisation du caractère désabusé des soldats vivant dans les tranchées, entre ironie et désespoir), la double page de révélation est bien montée, et les séquences consacrées aux deux praticiens qui s’interrogent sur un cas de traumatisme en particulier apportent un éclairage intéressant (entre mes deux lectures, j’ai appris quelques trucs sur Gustave Roussy et Clovis Vincent, deux neurologues ayant travaillé sur les soldats du conflit, avant une approche tenant plus de celles du savant fou ou du tortionnaire que du médecin, et je me demande si Missoffle n’avait pas ces deux figures historiques en tête quand il a écrit ces personnages). Bref, une relecture des plus agréables.
Jim