J’ai récemment trouvé les deux TPB reprenant l’intégrale de la série. Cela m’a permis de reprendre ma lecture là où je l’avais abandonnée lors de la sortie.

Dans l’ensemble, c’est très sympa. L’expérience des deux auteurs dans le domaine de l’adaptation en BD de certains dessins animés leur permet de mettre en scène des images faussement sympathiques (des personnages jeunes, des couleurs lumineuses), alors que le propos est assez sombre. Le principe (les héros ont disparu, ne laissant que leurs sidekicks sur Terre afin d’assurer la relève, et bien entendu ça foire) permet un jeu de révélations en tiroirs, et donc une progression dans le drame. Cela facilite également tout commentaire, le discours « méta » de la série, avec un ancien héros ayant trahi ses idéaux et une reconstruction cyclique de l’univers mis en place, à la manière des « Crises » à la DC.

L’ensemble est enlevé, bien rythmé, assez teigneux et jusqu’au-boutiste. L’astuce du scénario, une fois que les deux tomes (huit épisodes) sont dévorés, c’est que le récit se situe à la fin d’un grand cycle, alors que vilains et héros ont avancé leurs pions et bâti leur plans (ou l’inverse). Le lecteur assiste donc non pas à l’émergence de la menace ou à la montée de la tension, mais au duel final. L’effet (volontaire, sans doute, si l’on en croit la préface de Matt Fraction) est que tout s’explique à la fin, mais crée le désir de relire l’histoire afin de s’assurer qu’on a tout bien compris (et d’éclairer les zones d’ombre). En fonction du lecteur, cela sera perçu comme une force ou une faiblesse. Mais effectivement, Landry Walker donne l’impression d’avoir bien pensé la mécanique de son récit, à l’image de l’un de ses personnages, Red Vengeance, qui semble avoir prévu toutes les possibilités.
Il manque cependant, à mon sens, quelques éléments. Par exemple, dans les premiers épisodes, les explications du méchant laissent entrevoir une dimension politique au récit, qui disparaît une fois que l’entité avec laquelle il a passé un pacte le possède et prend le dessus. De même, c’est l’histoire de différents sidekick mais, à part le jeune équipier de Red Vengeance (le Batman local), on voit très peu d’interaction entre les générations, de sorte que les scènes finales tombent un peu à plat.
La série aurait-elle été écourtée ? En tout cas, en termes de caractérisation des gentils et des méchants, elle aurait gagné à disposer d’un peu plus de place afin de les faire vivre et de donner un aperçu des conséquences sur la vie de chacun.
Fraction définit la série comme « post Watchmen, post Authority ». Je suis assez d’accord, cela s’inscrit dans la mouvance des récits détournant les archétypes et réfléchissant sur le genre. Il manque sans doute, dans cette perspective, un peu de temps de lecture qui aurait permis une plus grande empathie envers les protagonistes.
Jim