Disons que comme Tori, je suis plutôt de l’école du découpage et de la mise en scène. C’est ce point précis qui m’a convaincue quand j’ai été introduite au manga, et à partir de là, je sais que ce dynamisme passe mieux avec un certain type de graphisme, moins populaire et moins « peaufiné »/différent au niveau technique. J’y suis juste naturellement plus sensible, donc quelque part, je n’ai jamais eu à faire « un effort » au niveau graphisme, je dois l’avouer, parce que je n’ai jamais dans ma vie cherché du « beau » dans les dessins, mais du « vivant »/« chaleureux ». Tu cites « Transparent » dans les dessins moches, mais pourtant de base, c’est totalement mon type de graphisme et de style, parce que c’est là que je sais avoir le plus de chance de trouver un découpage en rapport avec mes attentes, et de fait, le graphisme associé au découpage sublime le ton de l’histoire et la sensibilité du propos pour en faire effectivement un vrai plaisir de lecture.
À contrario, je suis complètement insensible à des graphismes type « Berserk » ou Area D, et pas mal de titres du catalogue Ki-oon (genre Pandora Hearts, King’s Game, Arms Peddler ou Übel Blatt) et Doki Doki (Freezing, The Sacred Blacksmith, Taboo Tatoo, Sun-ken Rock), alors que je sais que beaucoup de lecteurs trouvent ces types de graphisme très beau. Mais le découpage et le point de vue narratif de la plupart de ces titres ne m’intéressent juste pas, ce n’est pas un univers qui me parle. Tant de gens ont adoré « Hideout » chez Ki-oon, mais je me suis juste ennuyé et j’ai trouvé ça sans vie, en grand partie à cause du graphisme et d’un aspect « statique » dans la narration à mon sens.
Le truc, c’est qu’un graphisme est généralement lié à un univers (selon l’auteur) et à une narration, et c’est en ça que je comprends le besoin d’avoir un rapport avec le graphisme et qu’il est difficile de « s’obliger » à entrer dans le monde d’un auteur si on est vraiment « repoussé » par le style, parce que je ressens la même chose jusqu’à un certain point pour d’autres types de graphismes. C’est juste que mes goûts sont moins prisés donc c’est plus facile pour moi de faire illusion de donner l’impression d’être ouverte à des types de graphismes difficiles, alors qu’ils représentent ma norme et mon barème de valeur dans mes goûts artistiques en réalité.^^
Parce que c’est dans ces titres que je trouve à la fois une beauté artistique qui se combine et trouve son origine dans sa force narrative. « Simple comme l’amour » (qu’il faut absolument que tu finisses dès que tu peux ) représente le meilleur exemple à mes yeux, et chaque chapitre peut réellement être analysé d’un point de vue narratif pour montrer à quel point l’auteure maîtrise le langage propre à la bande dessinée, et je suis à chaque fois soufflée à la lecture par la force et l’émotion qui surgit d’une histoire aussi ancrée dans le quotidien, et serait complètement banale et sans histoires dans notre réalité à nous. Et cette force de narration vaut pour chacun des titres que j’ai gardé dans ma bibliothèque ou presque.
J’ai acheté le premier double tome de "Dream Team " hier, et j’avais presque les larmes aux yeux sur certaines planches, comme quand Momoharu claque un dunk sur une double page, parce que la force narrative du titre fonctionne à merveille sur moi, parce que l’auteur a su m’emmener dans son univers et me faire m’attacher à ses personnages et aux enjeux, et parce qu’il sait créer une tension et une émotion « naturelle » dans ses planches. Mais ça, c’est finalement beaucoup plus subjectif que de juste comparer deux dessins hors contexte, et cela n’a rien à voir avec la technique, mais bien à la réaction de tout un chacun, basé sur un tas d’éléments. Je ne me vois pas juger quelqu’un de trouver moche un titre comme « Dream Team » et de ne pas avoir envie de faire le titre pour cette raison, quand moi-même j’ai la même réaction pour des titres plébiscités pourtant pour leur graphisme.
Par contre, soyons clairs, si je peux comprendre une réaction de rejet face à un graphisme, je n’accepterai jamais qu’on juge la qualité d’un titre basé sur son graphisme uniquement, parce que sensibilité et qualité n’ont pas grand-chose à voir l’un avec l’autre. Qu’on ait pas envie de faire un titre à cause de son graphisme, oui, qu’on trouve un titre mauvais à cause de son graphisme uniquement, non.