EL BUEN PATRON (Fernando León de Aranoa)

Un ex-employé viré qui proteste bruyamment et campe devant l’usine…
Un contremaître qui met en danger la production parce que sa femme le trompe…
Une stagiaire irrésistible…
A la veille de recevoir un prix censé honorer son entreprise, Juan Blanco, héritier de l’ancestrale fabrique familiale de balances, doit d’urgence sauver la boîte.
Il s’y attelle, à sa manière, paternaliste et autoritaire : en bon patron ?

Comédie
Long-métrage espagnol
Ecrit et réalisé par Fernando León de Aranoa
Avec Javier Bardem, Celso Bugallo, Manolo Solo…
Sortie espagnole : 15/10/21
Sortie française : 22/06/22

Meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur pour Javier Bardem,meilleur scénario original, meilleur montage et meilleur musique. Ça vaut ce que ça vaut mais la longue liste de Goyas récolté par le film éveille la curiosité de l’amateur de cinéma, curiosité d’autant plus titillé quand le sujet parle au dit amateur un brin sensible sur la question du rapport de force entre employé et patron

Autant dire que l’amateur de pélôche (moi donc) ne s’est pas fait prié pour voir le film.

Avis rapide : pour l’instant c’est mon film de l’année

En une semaine Blanco doit gérer une multitudes de ce qu’il considère comme des problèmes entravant la prochaine remise d’un prix qui n’a strictement aucune valeur pour le commun des mortels. Une multitude de problème dont la majorité sont, en fait, la conséquence de ses propres choix. Le film est drôle, bien sur, porté par un Javier Bardem impeccable, naturellement, mais il est surtout incroyablement sarcastique et décrit avec finesse l’hypocrisie monumentale de ce type d’individu et du système dans lequel il évolue.

Ce qui est frappant quand on voit Blanco c’est la sincérité de ses sentiments et de ses opinions. Malgré le craquèlement de façade visible dès la première scène (Blanco fait un discours sur les valeurs de l’entreprise familiale qui protège ses salariés comme un père protégerait ses enfant tandis que plus loin on entends les protestations d’un salarié licencié demandant la cause de son renvoi), Blanco est persuadé qu’il est un bon patron, qu’il protège les siens et qu’il est au même niveau qu’eux. Cet état de fait de posé, le film démontre l’exact opposé de cette vision d’autant plus hypocrite que le bon patron n’hésitera pas à mettre ses valeurs à la poubelle pour que l’entreprise fonctionne, pour qu’un prix puisse être ajouté à sa collection ou pour les belles jambes d’une jeune femme.

Décrivant très bien les mécanismes d’un milieu mélangeant habilement le privé et le professionnel dans un souci de préserver l’humain mais dont le caractère de domination est évident et prégnant au sein d’une comédie rythmée et drôle El buen patrón est un régal.

A ne pas louper.

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J’ai vu énormément de pub’ sur Facebook pour le film, au point que mon intérêt s’est érodé devant l’accumulation de promotion.
Merci de ton retour dessus.

Vu pas plus tard que ce soir même, et c’est vrai que le film est sacrément bien usiné, si on me pardonne ce lamentable jeu de mots.
Bardem est formidable, parfois très subtil dans ses effets, et sachant parfois aussi à l’inverse les « outrer » juste ce qu’il faut pour porter la veine purement comique du film.
Un vernis comique qui cache néanmoins une noirceur assez prononcée dans sa charge contre ce type de personnage, tour-à-tour identifié à un parrain de la Mafia (la référence au « Parrain »), un père (censément protecteur mais symboliquement incestueux, aussi) voire carrément à Dieu (le découpage de l’action en 7 jours est assez éloquent à ce titre).
La charge anti-capitaliste est beaucoup moins « édulcorée » que le ton du film ne le laisse penser : le récit, à montrer ainsi l’empiètement (l’extension, pour paraphraser Houellebecq) du domaine professionnel sur toutes les sphères du privé (dans le sens de l’intimité, j’entends), nous montre bien que oui, à sa façon « douce », le capitalisme est bien un totalitarisme.
Une nouvelle preuve de la forme assez insolente du cinéma espagnol en ce moment, pour ce qui est de ses meilleurs représentants en tout cas (le gros de la production par ailleurs reste encore assez médiocre, quand même, à ce qu’il semble).

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