ELLE (Paul Verhoeven)

Elle est le premier film français du réalisateur hollandais Paul Verhoeven (La Chair et le Sang, Robocop, Starship Troopers…).

[quote]DATE DE SORTIE PREVUE

25 mai 2016

REALISATEUR

Paul Verhoeven

SCENARISTE

David Birke, d’après le roman Oh ! de Phillipe Djian

DISTRIBUTION

Isabelle Huppert, Virginie Efira, Anne Consigny, Laurent Laffitte, Charles Berling…

INFOS

Long métrage français
Genre : drame/thriller
Année de production : 2015

SYNOPSIS

Michèle, PDG d’une société de jeux vidéo, est agressée chez elle par un mystérieux inconnu. Elle refuse alors de laisser l’événement perturber la discipline qu’elle impose à sa vie. C’est avec un calme glacial qu’elle organise le chaos qui l’entoure et mène de front une série de crises impliquant sa mère de 75 ans se prenant encore pour la femme qu’elle était autrefois, son père emprisonné pour avoir massacré des innocents, son fils aussi gâté qu’immature, son ex-mari ou encore son amant. Inébranlable, elle décide de faire face à son viol avec le même sang-froid, avant de comprendre que son agresseur n’en a pas fini avec elle. Le mystérieux désaxé rôde, la poursuit, la harcèle, et s’empare de ses zones d’ombre. Michèle, dans un détachement placide, se met à le traquer en retour. Un jeu étrange s’installe alors entre eux. Un jeu qui, à tout instant, peut dégénérer.
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Paulo is back ça fait plaiz’ !
Si le niveau du film est équivalent à celui de Black Book, ce sera déjà très bien.

Il se murmure qu’après ce film, Verhoeven poursuivrait son travail cinématographique en France (dont le systéme de financement lui est plus favorable) et enchaînerait avec la mise en chantier d’un biopic sur…Jésus, un projet qu’il traîne depuis des décennies maintenant.
Note d’intention : un film sur Jésus naturaliste, sans le moindre effet spécial. Verhoeven vient de publier un livre sur le sujet, dont la VF est dispo (source : le dernier Mad Movies).

D’ailleurs il vient de sortir un bouquin sur Jésus, le Paulo, et en français.

Lis mon post jusqu’au bout, flemmard. :mrgreen:

Longue interview de Paul Verhoeven dans le dernier numéro des Cahiers du cinéma, accompagnée d’un entretien avec le scénariste Ed Neumeier (Robocop, Starship troopers).

voilà qui fait envie !
Merci pour l’info. :smiley:

Un entretien particulièrement intéressant.

L’ami Verhoeven revient longuement sur son approche hollywoodienne, sensiblement différente de sa période hollandaise, pas moins passionnante mais plus « premier dégré » d’une certaine manière, plus frontale.
Il insiste sur l’aspect ironique de son traitement, quelque chose qui lui a été amené par Ed Neumeir d’ailleurs, dont l’entretien, bien plus bref (et ancien, 2010), est également très instructif.
C’est peut-être « Starship Troopers » qui prend le plus de place dans l’entretien, un film que les « Cahiers… » (ou plutôt les rédacteurs actuels) ont l’air de considérer très haut. Ils ont d’ailleurs l’honnêteté de reconnaître que jusqu’à « Black Book », ils étaient un peu « passés à côté » de Verhoeven.

De manière tout aussi cruciale pour comprendre la teneur de l’art verhoevenien (drôle de néologisme…), son rapport à la religion et à la politique (notamment à travers le mal-aimé et pourtant assez génial dans son genre « Showgirls ») est également évoqué. Il est d’ailleurs surprenant que le nom de Bunuel ne vienne pas sur le tapis, tant la parenté de leurs cinémas respectifs semble évident… Mais bon, on ne peut pas tout évoquer. Verhoeven évoque plutôt Hitchcock, s’inscrivant dans sa filiation (contre une éventuelle tendance Eisenstein, moins pérenne). Un montage feutré et subtil plutôt qu’un montage du choc (le fameux « montage des attractions » théorisé par Eisenstein, donc).

Et dans les choses évoquées au cours de l’entretien, parmi les plus intéressantes, il y a aussi cette figure qui aura frappé tout spectateur un peu attentif des films du hollandais, que l’on pourrait qualifier de « conjonction des extrêmes », qui est évoquée : ça correspond à cette façon de composer des plans qui font co-exister en leur sein deux concepts opposés.
Les deux exemples évoqués dans l’entretien constituent deux des plus belles idées de cinéma de toute sa filmographie : c’est le fameux plan des amants sous l’arbre aux pendus dans « La Chair et le Sang », et ce plan-séquence issu de « Black Book » qui part des jambes d’un cadavre et finit sur les jambes (affolantes) de la très vivace Carice Van Houten.
Cette tension « pulsion de vie / pulsion morbide » est au coeur de son cinéma, et souvent « interne » au plan, plutôt que de passer par le montage.

Si je faisais un peu ma pleureuse, je pourrais tout au plus regretter que Paulo ne creuse pas un peu dans le détail son système de mise en scène, alors qu’il y aurait tant à dire. Je lisais par exemple dans une interview récente de Michael Ironside (dans Mad Movies) que le réalisateur hollandais n’utilise jamais deux fois le même angle de caméra (« si mon plan est si génial, pourquoi j’en intercalerais un au milieu ? » explique-t-il en substance), ce qui va totalement à l’encontre des règles en vigueur de découpage et de tournage. Diablement puissant, d’ailleurs, comme façon de faire (même s’il y a des précédents, Nicholas Ray, Alain Resnais aussi sur au moins une partie de son travail et peut-être d’autres…) !

Pas grave, Verhoeven méritait bien d’être mis à l’honneur par cette institution que sont les « Cahiers… » (quand bien même l’étoile de la revue a pâli). Voilà qui est fait et bien fait.

Un complément : le petit dernier de sa filmo, « Elle » (qui est en cours de mixage au moment de l’entretien), est bien entendu évoqué. Si je ne connais rien du matos d’origine (le roman « Oh… » de Philippe Djian), le cinéaste hollandais m’a quand même donné bien envie, avec sa trame « giallesque ».
Au passage, il ne tarit pas d’éloges sur Isabelle Huppert, qu’il décrit tout simplement comme la meilleure actrice avec laquelle il ait collaboré…

La bande-annonce :

La BA est réussie et, comme par ailleurs j’aime beaucoup Verhoeven (et Huppert, bien sûr), je le sens bien ce film.

En attendant la sortie de Elle, l’équipe de Capture mag (Rafik Djoumi, Arnaud Bordas, David Oghia et Stéphane Moïssakis) a consacré un podcast complet à Paul Verhoeven, qui revient en détails sur la carrière cinématographique du réalisateur hollandais, de ses débuts dans son pays natal en passant par ses années aux Etats-Unis jusqu’à son retour en Hollande avec le film de guerre Black book.

Pour accompagner la sortie du nouveau film de Paul Verhoeven, Mad Movies publiera début juin un numéro hors-série entièrement dédié au réalisateur hollandais.

Ah, ça c’est une bonne nouvelle.

En début d’année, le réalisateur Paul Verhoeven a donné une leçon de cinéma dans le cadre du festival « Toute la mémoire du monde » à la Cinémathèque française, animée par Jean-François Rauger, pendant laquelle il revient sur sa carrière hollywoodienne, la direction d’acteurs, le choix du scénario ou la question de la religion:

[size=200]ENTRETIEN AVEC PAUL VERHOEVEN[/size]

Oui bonne nouvelle, merci.

Le réalisateur Paul Verhoeven parle de son dernier film dans La grande table sur france culture.

Il se sera fait attendre ce nouveau film de Paul Verhoeven. Gestation difficile pour ce projet qui devait initialement être monté aux Etats-Unis. Le roman Oh… de Philippe Djian, dont le film est l’adaptation, a été traduit en anglais pour les besoins de la production et permettre au scénariste américain David Birke d’en tirer un scénario pour le cinéma. Verhoeven, devant l’audace de l’histoire et ses atours dérangeants, sent qu’il serait compliqué, pour ne pas dire impossible, de faire le film de la façon dont il le souhaite en restant aux Etats-Unis.

Il se tourne alors vers la France, toujours en compagnie du producteur Saïd Ben Saïd et du scénariste David Birke, et vers l’actrice Isabelle Huppert qui avait manifesté son intérêt pour le rôle avant que le projet ne migre aux Etats-Unis. Le film se fera donc en France avec une équipe et un casting intégralement français, un véritable défi pour le réalisateur hollandais qui entend bien communiquer avec les techniciens et son équipe dans la langue de Molière alors qu’il n’avait passé qu’une année dans le pays lorsqu’il avait dix-sept ans. Il en fera des migraines persistantes pendant six mois jusqu’à ce que le tournage débute et que la pression liée à la barrière de la langue s’envole au fur et mesure que le film est mis en boîte.

A l’orée de la sortie du film, le bouche à oreille est positif et la critique dans l’ensemble élogieuse sur Elle, également acclamé avec son réalisateur au dernier festival de Cannes. Tout semblait augurer d’un grand film et après visionnage, si ce dernier contient d’excellentes choses et confirme que Verhoeven n’a pas perdu la main en s’exilant en France, j’en ressors un peu mitigé.

ça commençait pourtant très fort, avec ce générique sur fond noir qui laisse entendre des cris, des bris de verre et un fracas trahissant une violente agression et au moment où le voile se lève sur les images, on est cueilli par ce gros plan d’un chat qui observe, impassible, le drame qui se joue en contre-champs dans un premier temps, avant d’en livrer les conséquences brutes au spectateur avec Isabelle Huppert étendue au sol, l’entrejambe ensanglantée, pendant que son agresseur cagoulé s’essuie avec sa culotte avant de s’enfuir cul nu. Hébétée par ce qu’elle vient de subir, Michèle, qu’incarne Huppert, reste calme et nettoie les traces de l’agression avant de prendre un bain réparateur, dont la mousse en surface se teinte du sang qui s’échappe de son sexe meurtri. Le ton est donné et la juxtaposition des extrêmes chère au cinéma de Paul Verhoeven est là, bien vivace. Cette entame permet autant de poser le contexte du film que le caractère de son égérie, qui compartimente son agression comme elle gère les pépins quotidiens à son travail ou sa relation aux autres, avec froideur et franchise quitte à être cassante. Au fur et à mesure qu’on reconstitue le contexte de l’agression via des flashbacks, Michèle mène son enquête pour démasquer le violeur tout en continuant de mener sa vie à son rythme habituel, pleine de relations conflictuelles entre un milieu professionnel, majoritairement masculin et réticent à voir cette ancienne éditrice diriger un studio de développement de jeux vidéos, et son entourage constituant un milieu aisé dont la décrépitude se fait de plus en plus apparente.

Et c’est dans ce portrait au vitriol d’un microcosme bourgeois, sous une influence Chabrol clairement revendiquée par Verhoeven, que réside une partie de la faiblesse du film à mon sens. Si le personnage d’Isabelle Huppert, de par son rapport aux autres et sa filiation monstrueuse, fascine autant qu’il inquiète, le reste de la galerie de personnages du film vivote au gré de bons moments, qui servent souvent à fissurer caustiquement le vernis, et d’autres en-deçà. Et force est de constater que ce versant du long-métrage vire au bégaiement au bout d’un moment. Un peu à l’image de ce qui tourne autour du couple formé par le fils de Michèle et son hystérique de copine, dont la naissance de l’enfant offre un de ces moments autres comme les affectionne le réalisateur mais qui patine dans la suite du film. Cet enlisement ponctuel me semble aussi dû en partie à l’origine double du film. Le scénario de David Birke a en effet été traduit et adapté pour être tourné en langue française, et j’ai l’impression que ça se sent un peu par moments. On sent parfois la volonté de faire parler un personnage pour obtenir un effet cassant, décalé, mais la teneur du dialogue fait que ça ne sonne pas toujours juste, en témoigne la réaction de Michèle au reportage télé sur son père par exemple.

Heureusement, un basculement s’opère à mi-chemin et vient redéfinir la dynamique du film, qui en devient encore plus barré. Un jeu pervers s’installe entre Michèle et son agresseur qui trouve son apogée dans des scènes riches de sous-entendus et de regards malsains (l’accident et les échanges qui suivent, stupéfiants), et le scénario pousse la logique jusqu’au bout quand l’héroïne prend l’ascendant sur son agresseur en réalisant un fantasme encore plus déviant que le sien. La confrontation trouvera son dénouement logique dans le climax du film avec un dernier affrontement dont on pouvait s’attendre à voir Isabelle Huppert prendre la mesure pour parachever sa mue. Il n’en sera rien malheureusement puisqu’un retournement impromptu coupe court et vient un peu entacher le sous-texte féministe latent de la scène. Un peu à l’instar des épilogues successifs qui soufflent le chaud et le froid entre malaise ambiant, via le dernier échange avec la voisine, et le simili happy end de façade, même si la scène finale pour pataude qu’elle soit entérine à sa façon cette idée du triomphe de la femme, libérée des conventions et du machisme qui l’étouffaient pendant le film.

D’excellentes choses donc, d’autres moins, et je regrette aussi une approche formelle terne et quelques choix pas toujours judicieux, comme ces vilains inserts de captures de jeux vidéo qui ont certes leur fonction symbolique dans le récit, peu subtile de surcroît, mais sont aussi de grosses fautes de goût visuelles.