ENEMY (Denis Villeneuve)

[quote]DATE DE SORTIE PREVUE

14 mars 2014 (USA)
27 août 2014 (France)

REALISATEUR

Denis Villeneuve (Prisoners)

SCENARISTE

Javier Gullon d’après le roman de Jose Sarramago

DISTRIBUTION

Jake Gyllenhaal, Mélanie Laurent, Sarah Gadon, Isabella Rossellini…

INFOS

Long métrage canadien/espagnol
Genre : drame/thriller
Année de production : 2013

SYNOPSIS

Adam, un professeur divorcé, mène une vie tranquille avec sa fiancée Mary. Il découvre son double parfait en la personne d’Anthony, un acteur qui habite avec son ex-femme, près de chez lui. Adam commence à observer son double, avec l’intention de maintenir une certaine distance, mais très vite la vie des deux couples s’entremêle, au point de les précipiter dans une lutte à l’issue tragique, dans laquelle seul l’un des deux couples survivra…
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La bande-annonce :

Drôle de film.
De Denis Villeneuve, j’avais vu et plutôt aimé « Prisoners », à la réalisation plus que soignée, tout en trouvant le film plutôt surestimé (les critiques étaient sacrément élogieuses à l’époque…). Mais le cinéaste change ici complètement de braquet avec ce thriller / drame conjugal dans la veine « post-lynchienne » (pour le dire très vite) de la mise en scène du réel qui dérape sans raison apparente.
Ici le personnage principal perd pied lorsqu’il découvre qu’il n’est pas unique (ou plus exactement, sur le plan allégorique, qu’il y a en fait plusieurs personnes en lui). Le film, c’est le réal qui le dit, est quasi autobiographique et se penche sur les tourments d’un homme infidèle : c’est très courageux et sincère de la part de Villeneuve de s’exposer de la sorte ; on sent d’ailleurs, au soin maniaque accordé au moindre plan du film, que son implication dans le projet est totale. Si on rajoute par là-dessus quelques références qui vont bien (« Faux-Semblants » de Cronenberg évidemment, Jake Gyllenhaal empruntant au jeu de Jeremy Irons dans l’incarnation de la gémellité, et surtout « Le Quatrième Homme » de Paul Verhoeven auquel le film emprunte beaucoup…), et une réalisation vraiment inspirée (mouvements de caméra amples sans être tape-à-l’oeil, lumière très travaillée et expressive), on se dit que le film a de sacrés arguments à faire valoir.
Quel est le problème alors ? Ben tout simplement que le film élabore un réseau très complexe de signes, d’échos et de renvois (c’est clair qu’il faudrait voir le film plusieurs fois pour tout repérer) pour dire des choses finalement assez banales, sur le couple et la culpabilité. On dirait que Villeneuve complexifie un peu « pour rien » sa narration, quand les thèmes qu’il développe n’appellent pas cette sophistication trop manifeste. Il y a une certaine maëstria chez lui à développer les ambiances dans le registre « inquiétante étrangeté » chère à Freud, mais aussi à perdre volontairement le spectateur pour pas grand chose : j’adore me faire balader au ciné, mais là j’ai trouvé le voyage un peu vain.

Reste un excellent acteur principal, une forme éblouissante (surtout la lumière), des idées de cinéma, modestes mais réelles (la répétition de certaines scènes, dédoublées comme le perso principal) et une dernière séquence réellement étonnante et saisissante, quoique fort sibylline (trop, même).
Bilan mitigé, mais les amateurs de curiosité devraient jeter un oeil là-dessus malgré tout…
Mention spéciale à la partition, excellente, et c’est très rare par les temps qui courent, malheureusement…