Fantastic four 1961 - 1988 : le grand roman americain

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Je ne savais pas trop où poster ça, alors je fais remonter le thread de ce très chouette album (à son immonde couverture près…) qui reprend un des très grands moments du titre, pour parler de « Fantastic Four 1961-1988 : The Great American Novel », un fan-site qui me semble être une chouette source d’infos, et surtout qui donne matière à réflexion comme jamais, pour tout fan des F.F. digne de ce nom. Voir le lien en bas de post, donc.

L’auteur est un écossais, Chris Tolworthy, qui est tombé fou amoureux des F.F. (et pas vraiment des autres persos Marvel, comme il l’explique : pour lui, Marvel et sa continuité, c’est les F.F.), à compter de Fantastic Four 171 (de mémoire), et s’est mis en quête de rassembler la totalité des épisodes du titre. Un fan au premier sens du terme, donc.
L’hypothèse de Tolworthy, c’est que les 27 premières années du titre (de F.F. 1 à 322, au cours du run de Steve Englehart, perturbé par de fortes ingérences éditoriales) représente un cycle cohérent pour les personnages et qui constitue selon lui le « great american novel » proverbial, celui qui rend compte du caractère épique du « roman national » tout en synthétisant comme nulle autre forme artistique le zeitgeist américain à travers les décennies.

Une hypothèse à laquelle on peut adhérer ou pas, mais qui a le mérite, sous la plume de son auteur, de faire montre d’une grande cohérence. L’histoire des F.F. (jusqu’en 1988 donc), c’est celle d’un père qui finit par faire preuve de suffisamment d’humilité pour accepter que son fils est bien plus important que lui, c’est l’histoire de Red et de Franklin. La façon dont l’auteur assemble les pièces du puzzle pour donner de la cohérence à un travail éminemment collectif et pas forcément (et même pas du tout) préparé sur le long terme force le respect.

La fin de l’histoire, c’est Marvel qui sabote la continuité (selon l’auteur toujours, pour qui ce concept de continuité est primordial) à compter de 88 ou 89, empêchant les auteurs, au premier rang desquels Steve Englehart, de développer des idées fraîches, originales et pertinentes : l’analyse des derniers épisodes d’Englehart qui constituent une mise en abyme de son incapacité à impacter le destin de ses personnages est époustouflante (ça m’a donné une furieuse envie de relire ses épisodes que j’avais beaucoup aimé à l’époque, le Gardien renégat, les Clones, les mondes oniriques factices, etc…).

Au menu : une analyse quasi exhaustive de tous les épisodes constituant le cycle, avec son lot de théories complètement barrées (tout ce qui touche au lien Galactus / Franklin est passionant) et d’idées capillo-tractées, un soin maniaque aux moindres détails de l’histoire, etc… Bref, ça se picore et se parcourt plus que ça ne peut se lire en intégralité (c’est très très dense et long), mais c’est une mine d’or à mon sens.

zak-site.com/Great-American-Novel/Great-American-Novel.html

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Je me suis permis de faire de ton post un sujet à part entière, histoire de lui donner plus de visibilité. J’ai parcouru le site et le boulot du mec a l’air très impressionnant.
Dès que j’ai un peu de temps (parce que c’est vrai que c’est très long), j’entame la lecture !

Excellente initiative, merci !!
Oui, c’est très impressionnant comme travail, un vrai boulot de dingo passionné, sans conteste.
Pour ceux qui comme moi gamin ont été traumatisés (dans le bon sens du terme) par ce titre sans équivalent et qui les aurait accompagnés toute leur vie, et je sais que c’est aussi ton cas, Doc, ça me semble un travail très intéressant…

C’est une chouette découverte ça, Photonik !

Je crois vraiment, oui. Un gros gros boulot !

Pour donner l’eau à la bouche des vieux lecteurs, je signale que l’auteur isole quelques arcs ou épisodes mémorables comme étant les grands moments du titre, et donc la simple évocation me fait monter les larmes aux yeux :

  • tout le run Lee / Kirby, évidemment, mais l’auteur signale qu’à compter du numéro 66, Kirby se « désengage » peu à peu du titre, un peu dégoûté notamment par le manque de reconnaissance de ses apports (immenses) à la série et donc au Marvelverse tout entier.

  • le run de Roy Thomas, et notamment tout ce qui tourne autour de la « dangerosité » de Franklin et le comportement erratique de Red (« le déclin de Red Richards », dit-il), et surtout la fin avec un des story-arcs les plus extraordinaires de toute la série (là c’est aussi moi qui parle !), quand Fatalis manipule le Surfer avec une fausse Shalla-Bal, sans se rendre compte qu’il est lui-même manipulé par Mephisto (c’est la vraie Shalla-Bal en fait, et même Fatalis l’ignore). Un must absolu !

  • certains épisodes de Len Wein et notamment ceux qui portent sur Ben redevenant humain suite à un combat contre Hulk, et la saga avec Galactus qui suit.

  • le run de Wolfman et notamment les sagas « Son of Doom » et celle avec le Sphinx et les Xandariens.

  • tout le run d’Englehart pourtant gêné aux entournures par un éditorial envahissant qui souhaite forcer la main à un retour aux sources, alors que le scénariste a plutôt envie de clore des arcs narratifs en cours depuis…FF 1, comme le départ de Red et Jane, qui clôt logiquement l’histoire de la fondation de leur foyer, et qui marque la prise en compte de l’importance de Franklin (et le fait que ses parents doivent porter toute leur attention sur lui, en cessant de se croire indispensables à la bonne marche du monde, comme Red).

Contre toute attente (même s’il s’en explique très bien), l’auteur est par contre très dubitatif sur le run de John Byrne (que perso j’adore), au mieux une étape stagnante dans l’évolution des persos, au pire une régression, selon lui. Même s’il admet que certains morceaux de bravoure emportent tout sur leur passage (le combat contre Gladiator et les « X-Men », un sommet…). Mais il est vrai qu’il ne semble pas spécialement porté le canadien dans son coeur, ne manquant jamais de rapporter une anecdote évoquant la « méchanceté » du gars (ses bisbilles avec Claremont ou Shooter, et les petits coups de pied mesquins subséquents…), alors qu’il porte un Steve Englehart au pinacle par ailleurs (et reconnaissant au passage qu’il manque totalement d’objectivité concernant le travail de ce dernier).

Mais j’insiste, allez y jeter un oeil par vous-mêmes, c’est tellement riche que toute tentative de résumé est futile. Il faut par exemple se pencher de près sur ses théories sur Franklin, ça vaut le coup (j’espère ne pas trahir sa pensée, mais en poussant un peu, je pense qu’on peut dire que selon lui, l’univers Marvel c’est en fait l’histoire de Franklin Richards ; une thèse gonflée mais séduisante, que des arcs plus tardifs comme « Heroes Reborn / Return » ou la fin du run de Hickman semblent valider, au moins en partie…).

Ca mériterait une traduction en fait, pour ne rien perdre… :mrgreen:

part en sifflotant

J’aurais tendance à penser comme lui.

Il y a une sorte d’évidence là-dedans.
Éditoriale, déjà : le groupe puis Franklin grandissent tant que les héros ne sont pas des produits déclinables. À partir du moment où ils deviennent des licences, Franklin reste au même âge ou bien change, grandit, vieillit, rajeunit, tombe dans le coma, en ressort…
Et narrative aussi : Franklin qui tombe dans le coma, c’est Conway, et c’est parce que le môme a le pouvoir de détruire / changer / réécrire l’univers. Mais Franklin, c’est le temps (Franklin adulte dans « Days of Future Past », Franklin qui change d’âge sous Byrne…), mais c’est aussi l’espace (Franklin qui crée un univers de poche pour « Heroes Reborn »…).
De là à penser que l’univers Marvel s’est figé dans un « temps glissant » à partir du moment où Franklin a cessé de grandir, et que les différents reboots discrets sont liés à lui, il n’y a qu’un pas… que pas mal de scénaristes ont déjà franchi, au demeurant.

Jim

Eh bien écoute, c’est très exactement ce qu’explique le mec en question : à partir du moment où Franklin « se fige », pour lui on n’est plus vraiment dans l’uinvers Marvel, mais plutôt dans une sorte de « Franklinverse ». Je vous renvoie à ce qu’il en dit pour ne pas trop trahir sa pensée.
J’ai toujours pensé que Franklin était un perso pivot assez sous-exploité à de rares tentatives près (pas toujours très abouties), mais je n’aurais pas été aussi loin, même si j’avoue que l’idée me plaît beaucoup : je trouve intéressant que tu abondes en ce sens.

J’ai oublié Gerry Conway, bien sûr, c’est donc lui pour le coup de Franklin dans le coma…

Tu n’aimes pas du tout le run de Byrne ou tu as simplement des réserves sur la caractérisation ?

[quote=« Jim Lainé »]
De là à penser que l’univers Marvel s’est figé dans un « temps glissant » à partir du moment où Franklin a cessé de grandir, et que les différents reboots discrets sont liés à lui, il n’y a qu’un pas… que pas mal de scénaristes ont déjà franchi, au demeurant.

Jim[/quote]

Tu peux nous en dire un peu plus là-dessus (sur les scénaristes en question, je veux dire) ? Je trouve ce point passionnant…

P’t’être finalement pas pour rien qu’il est le Galactus d’Earth X, ça m’a toujours paru cohérent (jusqu’à ce que vous me disiez que justement c’est une hérésie ?)

Certainement pas une hérésie, pas pour moi en tout cas, j’avais trouvé cette idée brillante perso.
Mais quelque part, ici l’auteur est plus sur une ligne à la Hickman, où Franklin est clairement un être « supérieur » à Galactus (« à moi, mon héraut !! »). Il va même jusqu’à lier, rétrospectivement, toutes les apparitions de Galactus hostile (6 jusqu’au procès de Red Richards, où la « paix » est actée…) au petit Franklin.

Eh ben, c’est du lourd :open_mouth:

L’univers **Marvel **serait l’histoire de Franklin Richard, j’avais même oublié son existence.

Ceci dit j’ai beaucoup de mal à croire à cette idée (mais je n’ai pas lu les article du fan-site), compte tenu des mes lectures des titres Marvel.

Mais pourquoi pas !?

Oui, pourquoi pas : c’est comme ça qu’il faut le prendre, je crois.
Il y a quelque chose d’assez jouissif, à mes yeux, à voir un mec déployé des trésors d’argumentation et de citations, un raisonnement tarabiscoté (mais fun en somme), pour étayer son propos. Ici c’est nettement le cas.
Ceci dit, je précise quand même :

  • que c’est moi qui résume sa « thèse », avec toutes les approximations que cela peut impliquer.
  • que l’auteur, Chris Tolworthy, précise à plusieurs reprises qu’il ne s’intéresse qu’aux F.F., nul intérêt chez lui pour les X-Men ou Spider-man. Mais il considère quand même (il semble avoir lu au mojns quelques épisodes des titres en question) que le gros des évènements marquants au niveau « cosmogonique », c’est chez les FF, et que donc quelque part, les FF c’est Marvel.

On peut objecter à l’envi, bien sûr. Notamment en considérant que c’est peut-être oblitérer un peu vite les apports « spatiaux » de Claremont sur les Uncany X-Men, ou les grandes sagas des Vengeurs par Thomas et Englehart…

Un article très intéressant, je suis tombé sur ce site il y a quelques mois, le projet est vraiment très abouti.
Sinon par curiosité, l’arc avec Fatalis et Mephisto, il correspond à quels épisodes ?
Serait-ce cet épisode ?

Oui, c’est bien ça. C’est un triptyque, du 155 au 157, je crois. Les F.F. se font attaquer par le Surfer et sont emmenés en Latvérie, et fait prisonniers par Fatalis. Celui-ci a endormi le Surfer avec une fausse Shalla-Bal (en fait la vraie, donc, comme seul Mephisto le sait) et siphonne comme il sait si bien le faire l’énergie du Surfer, et la transfère dans un androïde géant.
Je l’ai lu tout bambin, cet arc, j’en garde un souvenir très vivace. C’est un des épisodes, avec des albums Lug comme « S.O.S. Atlantis » (période Lee / kirby, là), qui ont défini pour moi le « feeling » propre aux FF.

Il en a remis une couche à ce sujet plus récemment (et il ne mâche pas ses mots à propos de ce run) :

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Chris Tolworthy: "I never forgave Byrne for what he did to the FF. He killed the dream.

Byrne’s FF was the first, and only American comic I ever ordered as a child. I was 14 years old, and had fallen in love with the FF. So I was determined to buy every single issue. The first new issue I bought was #152, by Byrne. I will never forget the disappointment.

What I loved about the FF - and I later learned this was pure Kirby, because nobody else had the skill to do it - was that the story moved forwards. Characters grew up, had children, the children grew up, they were always discovering new and bigger ideas. Nothing stood still.

In reality this only happened until Kirby left. For the next 130 issues, writers tried to create the illusion of change. I became frustrated. When was Franklin going to grow up? When was Ben going to marry Alicia? I mostly read old British reprints, so felt sure that the new American comics, being years ahead, would finally have moved forward. So I eagerly awaited my first new American comic. When it arriverd, I realised that Byrne had killed my dream.

When Byrne began with issue 132, he openly and consciously did a soft reboot. He called his first issue « back to basics », and gave the team the costumes they had in 1962, together with the old « flying bathtub » car, placing the stories before issue 11. Byrne’s FF were the team that would never grow up. In interviews he said that his team was officially a homage to 1962. But really it was a homage to 1952, because he openly stated that he expected comic readers to move on every five years. Comics were for kids in his view. You could lie to kids (give the illusion of change) and get away with it, because (he implied but did not say) kids (and by extension, all people who read his comics) are stupid. Byrne’s Fantastic Four would never, ever grow past his view of 1962. Which was not Kirby’s 1962. Kirby’s 1962 was cutting edge, multi layered, and always new, always changing. Byrne’s 1962 was just Byrne reliving what he remembered as a child. His first Marvel comic was FF 5, at age 12, and he never forgot it. He wanted to repeat that experience forever. He wanted to be Peter Pan.

Before Byrne, writers at least tried to move forwards. They found it very difficult. Doug Moench made the strongest try, and I applaud him for it. Most readers hated Moench’s run. I loved it. The problem is, none of the writers were Kirby. They did not know how to write real stories in all genres. For example, Franklin should have been a kid having kid adventures. Kirby set him up as basically Harry Potter. But nobody at Marvel knew how to write stories about kids. Similarly, Ben should have married Alicia. That could have spawned some great romance and young-married setting up a dynasty type stories. But nobody at Marvel knew how to write anything other than superheroes, and even those were just recycled Kirby plots, copying the surface features but not understanding the deeper currents.

Byrne’s FF run was a watershed. He began in 1982, and the illusion of change was already stretched to breaking point. Ben and Reed both fought in World War II. That was just about barely possible in 1982 - they could be born in 1927, and so be aged 55 - but the illusion was at breaking point. Kirby had already laid the groundwork for them to move on. By the late 1960s they mostly wore civilian clothes and the stories were about spies, magic, war, research, etc., stuff where older people can be the heroes. Kirby also had Johnny moving to Attilan to raise a whole new generation of kid heroes. But nobody at Marvel knew how to write those stories. In 1982 the illusion of change broke,. Byrne gave them the template to just endlessly soft reboot and that is where we have been ever since.

To be fair to Byrne, if you like stories that go nowhere, Byrne’s FF stories are good. Most issues are done in one, with a well constructed beginning, middle and end. If you want a pleasant and undemanding way to relax without thinking, then I recommend Byrne’s FF. I mean that as genuine praise. I cannot say that about most superhero comics. If I was laid up sick in bed, so my brain did not work well, I can think of nothing more pleasant than reading a pile of John Byrne comics. But if your brain is active, or if you read more than five years of such stories then you begin to notice something: NOTHING MATTERS. There are no new ideas. The characters were never in any danger. Nothing makes any sense. There is no reason to care.

If the Fantastic Four comic had followed Kirby’s lead, it would now be on the third generation of the family, and moving in directions nobody could have imagined in 1961. It would be more like Manga than Marvel - ever changing genres with real change. Some kind of dynastic epic. The core family would just be the thread that linked the ever-expanding universe as it reflects the world around it, but on a bigger scale. Superpowers, if they still existed in the stories, would just be a Macguffin for really interesting stories of every possible kind.

But nobody followed Kirby. They followed Byrne. They pretending to follow Kirby, but merely retold a twelve year old’s understanding of superheroes. All surface, no substance.

Byrne is a great example of that famous Kirby anecdote. Kirby was once told that a new writer was going to write a Kirby title « in the Kirby style ». (Or « Kirby tradition », I forget.) Kirby replied « the kid doesn’t get it. The ‹ Kirby style › is to create a new comic. »