FIN D'AUTOMNE (Yasujirō Ozu)

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[quote]REALISATEUR

Yasujirō Ozu

SCENARISTES

Ton Satomi, Kōgo Noda

DISTRIBUTION

Setsuko Hara, Yōko Tsukasa, Mariko Okada, Keiji Sada, Miyuki Kuwano…

INFOS

Long métrage japonais
Genre : drame
Année de production : 1960[/quote]

Avec ce long-métrage qui se situe dans la fin de sa carrière, Ozu continue son procédé de variation autour des mêmes thèmes, allant jusqu’à faire des sortes de remakes/relectures des intrigues de ses anciens films avec quelques nuances d’importance.
Celui-ci ne fait pas exception puisqu’il reprend en partie des éléments de l’intrigue de Printemps tardif, arrivant à un résultat tout aussi satisfaisant que l’original.

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Reprenant comme d’habitude les mêmes structures/thématiques, Ozu se concentre cette fois sur un trio d’hommes maladroits qui veulent arranger le mariage de la fille de leur amour de jeunesse, leurs actes finissant ensuite par provoquer divers malentendus et quiproquos.
S’instaure alors un conflit générationnel entre ceux qui sont plus portés sur les traditions et leurs progénitures qui s’émancipent de plus en plus, refusant qu’une autre personne dicte leur avenir.

La jeune fille quant à elle hésite car elle a des scrupules à laisser sa mère vivre seule, un dilemme récurrent dans la filmographie du réalisateur.
Avec ce conflit entre générations, le réalisateur traite de l’articulation entre amour véritable et mariage presque forcé, du moins vivement conseillé, et dans la manière de concilier cela dans une société en plein changement, via le biais de l’évolution du rôle de la femme, notamment avec le personnage de Yuriko qui n’hésite pas à se confronter aux trois hommes pour qu’ils se rendent compte de ce qu’ils ont involontairement provoqué.
L’ensemble de ces événements abouti à une conclusion aussi sobre qu’émouvante, qui laisse percevoir une mélancolie profonde et une résignation de la part des personnages qui prennent conscience de la perte et du caractère destructeur du temps qui empêche les situations ancestrales d’êtres immuables.

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En tant que grand spécialiste de l’art de l’épure cinématographique, au même titre que Robert Bresson durant la même période, Ozu est resté fidèle à son style si reconnaissable, avec une grammaire cinématographique qui va à l’essentiel, en particulier grâce à son sens de la composition admirable et ses cadrages exemplaires, faisant preuve d’une grande acuité dans la représentation des affres de la condition humaine, de la vie de tous les jours dans ce qu’elle peut avoir de plus simple et de plus beau, renouant parfois avec un découpage qui lorgne vers le cinéma muet, auquel il a participé à l’époque où il était encore très influencé par le cinéma américain (Griffith, Welles).

Par la suite, il ne cessera tout au long de sa carrière de développer ses thématiques sur la durée, qu’il s’agisse de l’évocation des rapports familiaux ou encore le décalage/opposition entres générations.
Tout cela participe à une mécanique qu’il affinera de films en films, signe de sa rigueur, n’hésitant pas à revenir sur certains sujets, allant jusqu’à reprendre la structure de précédents scénarios, dans le but de réactualiser des situations archétypales qui restent plus ou moins semblables selon les époques, arrivant en plus à alterner les aspects dramatiques et humoristiques d’une manière harmonieuse, participant à son sens de l’équilibre narratif et rythmique.
Cette voie qu’il a choisi n’était pourtant pas une solution de facilité bien commode, étant donné qu’il n’a pas hésité à prendre des mesures drastiques, en décidant notamment à partir de sa fin de carrière d’arrêter tout mouvements de caméra, précisément durant la période où il se résout à passer à la couleur, voulant éviter les distractions, les effets de styles trop voyants, pour se focaliser sur ce qui lui importait, et se concentrer sur son sujet et la construction méthodique de son art minutieux et précis, d’une grande exigence et d’une grande beauté esthétique.

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Le caractère mémorable de ses oeuvres provient sans doute en partie de sa pureté formelle et de ses sujets répétés inlassablement, touchant à l’universel dans son aspect émotionnel, au-delà des codes culturels et des techniques cinématographiques, visant à capter une instantané, à saisir un moment précis définissant la condition des personnages et les caractéristiques de leurs personnalités, avec une caméra qui se met à leur hauteur, jamais au-dessus.
Ceci et assez logique car le réalisateur avait visiblement de l’empathie pour ses personnages, faisant ainsi toujours preuve d’humanité envers eux, avec suffisamment de recul, et une justesse tout bonnement stupéfiante dans sa grande maîtrise du cadre et des situations, arrivant à capter la nature humaine via des moments faussement anodins ( comme le résume parfaitement cette réplique du film Bonjour: « Ce sont les choses inutiles qui rendent la vie aimable »).

Tout au long de sa vie, Ozu aura construit une oeuvre toute en délicatesse dont la simplicité formelle désarmante atteint une certaine forme de pureté cinématographique retrouvée, un état de grâce permanente, par un cinéaste qui aura tout essayé (le burlesque, le drame, le muet, le parlant, le noir et blanc, la couleur) avec une épure constante et une style admirable, construisant pas à pas une filmographie remarquable et cohérente, qui laisse percevoir le caractère humble et la tranquille assurance de ce réalisateur d’exception.
Du grand art à n’en pas douter.