FORÇATS t.1-2 (Pat Perna / Fabien Bedouel)

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Intégrale.

L’intégrale noir et blanc de la série à succès sur Albert Londres et le bagne de Cayenne. Une édition collector.
Albert Londres revisité par le duo Bedouel Perna Du Paris des années 1920 au soleil de Rio de Janeiro, Forçats raconte dans un univers graphique sublime le combat de deux hommes : Eugène Dieudonné, condamné au bagne à perpétuité pour un crime qu’il n’a pas commis, et le grand reporter Albert Londres, venu « porter la plume dans la plaie » de ce monde inhumain.
Eugène Dieudonné lutte pour sa liberté, Albert Londres contre l’injustice. Ensemble, ils vont changer l’histoire du bagne.

  • Album : 116 pages
  • Editeur : Les Arènes (6 novembre 2019)
  • Collection : AR.HORS COLLECT
  • Langue : Français
  • ISBN-10 : 271120183X
  • ISBN-13 : 978-2711201839
  • Dimensions du produit : 29,5 x 1,4 x 22 cm

Interview de Pat Perna dans la newsletter Glénat :

Rien qu’au catalogue Glénat/Vents d’Ouest, vous avez une trentaine de titres qui prouve que vous passez avec aisance et succès de l’humour (souvent mécanique comme avec le JBT) à l’histoire (Kersten) et à l’aventure (Valhalla dont tu nous parleras), l’éclectisme c’est votre marque de fabrique ? Qu’est-ce qui guide vos choix, vos passions ? Vos rencontres ?
« Aisance » c’est un bien grand mot… mais je vous remercie. En réalité j’ai eu la chance de commencer la BD chez Vents d’Ouest au millénaire dernier. Une époque où l’on pouvait encore prendre le temps de faire ses gammes, se planter et recommencer. J’étais entouré de gens bienveillants dans cette maison (c’est toujours le cas je vous rassure), alors forcément j’ai enchaîné les expériences. Mais je ne suis pas très prolifique. J’ai rarement fait plus de deux BD par an. En regard de la majorité des scénaristes actuels, ce n’est rien. Ma première BD, avec Stéphane Deteindre (Fane), était de la science-fiction (Skud). On y croyait dur comme fer et on a tout donné comme des chiens fous… finalement il n’y aura qu’un seul tome parce que le Joe Bar Team est passé par là. Ensuite, j’ai bifurqué vers le journalisme tout en conservant un pied dans la BD avec des séries d’humour que je faisais principalement pour faire rire mes deux garçons (des histoires de bagnoles forcément). J’ai rencontré des auteurs formidables, Stef mon frère de cœur, mais aussi Henri Jenfevre, Juan, Philippe Bercovici… et puis un jour je me suis rendu compte que tout cela était un malentendu. Je faisais de la BD d’humour alors que je ne suis pas vraiment fait pour ça. Je n’ai pas de prédisposition naturelle à l’humour. Quand je vois des auteures comme Tebo, Soulcié, Ferry, Laëtitia Coryn, Lisa Mandel, Marion Montaigne… je me dis que j’ai bien fait d’arrêter. Je suis un grand mélancolique, j’ai une écriture sentimentaliste et un style souvent trop pompeux. Ce qui fait je suis plus à l’aise dans les drames. Bar2 m’a dit un jour que j’écrivais très mal et que je n’étais vraiment pas doué pour le gag. Sur le coup il m’a vexé, mais avec le recul je me dis qu’il a sans doute raison. Je ne suis pas un génie hélas, plutôt un besogneux. Je me suis remis en question et j’ai changé de voie. Du coup j’ai rencontré plein d’autres gens formidables : Marc Jailloux, Nicolas Otero, Fabien Bedouel, Florence Fantini…

En ce moment vous menez plusieurs séries de front, dont deux à paraître début 2021 chez Glénat. Il y a La Part de l’ombre avec Ruizge au dessin, l’histoire incroyable mais vraie de l’homme qui a failli tuer Hitler en 1941, vous nous en dites plus sur cette affaire et sur cette collaboration ?
Ce que j’aime, c’est partir d’un fait historique relativement méconnu et broder une fiction autour. En l’occurrence là, j’ai découvert le personnage de Maurice Bavaud et il m’a fasciné. Un jeune Suisse de 20 ans qui décide en 1938 qu’il va tuer Hitler au nom de sa foi catholique. Il parvient à l’approcher et braquer une arme sur lui… Hitler a été traumatisé par ce jeune type car il savait qu’on ne peut pas empêcher un homme seul et déterminé de parvenir à ses fins. C’est le plus dangereux des adversaires car il est indétectable.
Bien sûr, il fut arrêté, torturé et exécuté (c’était très à la mode à l’époque). Le plus fascinant c’est qu’il sera condamné une seconde foi, en 1955, par contumace (puisqu’il avait été guillotiné en 1941) pour tentative d’assassinat sur la personne d’Hitler.
Bref… je suis parti de ça, je me suis beaucoup documenté, et j’ai raconté une autre histoire… comme toujours. Francisco a fait un travail exceptionnel, tout en finesse, en émotion avec un style graphique semi réaliste qui colle parfaitement à l’ambiance. Il s’est accaparé cette histoire et l’a transcendée. En plus, cerise sur le gâteau, c’est Delf qui fait la mise en couleur, autant dire que je suis impatient de voir le livre en vrai…

Et puis il y a Valhalla Hôtel chez Comix Buro, titre sur lequel vous travaillez avec votre acolyte Fabien Bedouel avec qui vous avez une relation privilégiée. Comment s’est construit votre duo et en l’occurrence ce projet qui a l’air bien délirant !

C’est vrai qu’avec Fabien nous avons une relation d’amitié qui dépasse le cadre de la simple collaboration. J’ai besoin de cette amitié pour travailler. C’est mon moteur. C’est pour cela que je fais de la BD, pour l’aventure humaine. Dans le cas de Valhalla c’est même encore au-delà puisqu’à l’origine c’est une idée de Fabien. Il a eu la gentillesse de me proposer de travailler dessus et m’a laissé broder à partir de l’univers qu’il avait en tête. J’ai essayé de me montrer à la hauteur, mais ce n’était pas évident parce que c’est un projet qu’il a depuis plus de 10 ans… un univers qui est le sien, des références et des codes qui sont les siens… J’ai travaillé cette matière brute en m’efforçant de ne pas le trahir. Sacré exercice. Heureusement nous sommes bien accompagnés par Olivier STEJNVATER, notre éditeur (Comix Buro) qui m’a beaucoup soutenu tout le long du processus. Et puis les quelques retours que j’ai eus des premiers lecteurs sont encourageants, alors je suis un peu rassuré. Maintenant j’ai juste hâte que ça sorte !

Vous voulez nous raconter l’impact du confinement sur votre travail ou vous ne voulez plus entendre parler de ce mot ?
On ne va pas se mentir, je peux dire que j’ai totalement raté mon confinement. Dès le début j’ai sombré dans un état de sidération absolue. Comme un lapin pris dans les phares d’une voiture, je suis resté figé sur place. Je me suis mis en PLS et j’ai attendu la mort en essayant de conserver un minimum de dignité pour ne pas gêner les pompiers. Je n’ai pas fait mon pain. Je n’ai pas lu Stendhal ni Proust. Je ne suis toujours pas parvenu à écrire le prochain Goncourt, pas même un roman graphique. Je n’ai rien foutu à part regarder des vieux films des années 70 avec Delon, Belmondo, Dewaere en regrettant le temps d’avant et les minauderies de Miou Miou. Je suis resté suspendu au fil de ma névrose, pas trop loin de mon téléphone pour appeler le 15 dans un dernier sursaut. En bon hypocondriaque, j’ai dû choper la Covid vingt-sept fois. Aujourd’hui même, à l’instant où je vous parle, et rien que d’évoquer les symptômes, j’ai la gorge qui gratte, des bouffées de chaleur et une légère perte d’odorat.

J’imagine que vous avez encore des projets plein les poches ici ou ailleurs, vous voulez nous en parler ?
Des projets, j’en ai toujours plein d’avance parce que j’ai peur que ça s’arrête alors je stocke de manière compulsive. Ils finissent en général à la poubelle après quelques mois, parce que je me décourage très vite et que si je ne trouve pas preneur rapidement, je perds l’envie. La plus grande difficulté de ce métier est de trouver des coauteurs(trices). Je crois, sans vouloir être pessimiste à l’excès, que le métier de scénariste est bientôt mort. Il y a une équation paradoxale : pour faire un succès il faut une bonne histoire, mais pas forcément un bon dessin (je ne vais pas citer de titres, mais il suffit de prendre les best-sellers du roman graphique de ces dernières années…), alors qu’à l’inverse vous pouvez très bien avoir une histoire faiblarde qui va cartonner, pour peu que le dessinateur soit génial.
Ça me laisse dubitatif et un peu déprimé. Mais bizarrement, tout comme Lara Fabian : j’y crois encore (ça y est vous l’avez en tête pour la journée ?).
Dans l’immédiat j’ai bouclé le scénario du tome 2 de La Part de l’ombre et attaqué le second volume de Valhalla Hotel … Histoire de prendre de l’avance, puisque tout ça devrait paraître en Janvier.
J’aimerais vraiment retourner à mes premières amours, la SF… j’ai un beau projet d’anticipation dans mes cartons. Si je ne meurs pas de la peste bubonique d’ici là, et que ça plaît à un dessinateur, j’espère bien pouvoir le mener à bien… mais dans le cas inverse, comme je le dis toujours à mes coauteurs (pour de vrai !) : tout est dans l’ordinateur, ils n’auront qu’à se servir !