"FROM THE VAULT" : Les héros oubliés

Dans le cadre de la rubrique FROM THE VAULT : Les héros oubliés j’aimerais vous parler de deux personnages et d’une série un peu voire totalement sortis des radars.

**[size=150]I[/size]**l me semble que c’est au début des années 2000 et principalement sous l’impulsion de Joe Quesada (corrigez-moi si je me trompe) que la Maison des Idées va accueillir en son sein des artistes un peu moins mainstream si je puis dire, comme Jim Mahfood, Ted McKeever, ou encore des scénaristes en provenance du cinéma comme Bob Gale (Pour en savoir +) ou encore Kevin Smith et leur confier des super-héros populaires qui seront publiés sous les labels Marvel Knight (Pour en savoir +) ou Ultimate.
Le scénariste Ron Zimmerman fait partie de cette vague, il va notamment créer un duo qui me semble un peu oublié de nos jours, sinon des lecteurs au moins des editors puisque je n’ai pas souvenir de l’avoir revu récemment.


Dans un article de 1955 intitulé L’Evolution du western, André Bazin (critique de cinéma) donne la définition de ce qu’il entend par sur-western : « un western qui aurait honte de n’être que lui-même et chercherait à justifier son existence par un intérêt supplémentaire …] ».

Si la minisérie Ultimate Adventures ne ressort pas du western, en la lisant (et en la relisant pour écrire ce qui suit) elle m’apparaît ressortir d’une histoire de super-héros qui aurait honte de n’être que ça et, pour dépasser sa simple condition de récit de super-héros s’inscrirait dans ce qu’on appelle le « méta », où ce préfixe est employé pour définir toute forme de littérature réflexive.
Ultimate Adventures peut aussi être considéré comme une histoire postmoderne de super-héros.

[quote]Le terme postmoderne doit être compris ici comme une tentative de subvertir la forme traditionnelle du récit de manière ironique tout en gardant certaines structures traditionnelles (par exemple le rôle de l’animal totémique).
C’est une création qui relève du collage, de la fragmentation et de l’hybridation. La Culture (avec un C majuscule) est ainsi envisagée comme une base de données où s’entassent de multiples fragments : personnages, accessoires, situations etc., et où il est loisible de puiser selon son inspiration.[/quote]

Ainsi, Ultimate Adventures est-il un récit de bande dessinée qui prend pour objet de sa fiction le genre dont il fait partie ou, pour le dire plus simplement, c’est une histoire qui a comme objet une autre histoire (ici de super-héros).

Utimate Adventures est une réécriture (du Dynamic Duo aka Batman & Robin) qui se caractérise par un langage (la bande dessinée de super-héros) ayant pour objet son propre artifice ; autrement dit elle attire l’attention du lecteur sur le fonctionnement de la fiction en tant que telle.

Cela dit cette tendance que l’on appelle aussi réflexive, ne date pas d’hier.
Ainsi, lorsque DC Comics tente en 1956 de relancer le genre en déshérence depuis l’immédiat après-guerre avec un nouveau Flash (Showcase #4), l’alter ego du personnage s’inspirera d’un comic book qui met en vedette un personnage nommé Flash (et qui se révélera plus tard être le Flash de Terre 2 (Pour en savoir +)) pour choisir son pseudonyme de super-héros et de ce qu’il peut faire des facultés surhumaines qu’il vient d’acquérir.

Toutefois dans une approche postmoderne ou dans le cadre d’un « méta-comic », ce dernier se distingue en ce que le geste réflexif devient l’enjeu d’un pacte de lecture. Le récit devient un discours sur le genre lui-même en mettant à mal l’exemplarité du super-héros (souvent) et en démontrant l’absence d’un modèle unique et absolu (toujours).

Ainsi là où en 1940 il allait de soi que Robin le Boy Wonder devienne le faire-valoir/partenaire (sidekick) de Batman dans une logique éditoriale où il s’agissait de s’adresser à un jeune lectorat.

[quote]Je rappelle que fin 1939 l’éditeur Fawcett avait commandé un sondage dont les résultats font ressortir que les lecteurs de comic books de l’époque ont entre 10 et 12 ans. Ce sondage entraînera la création de Captain Marvel personnage dont l’alter ego est un jeune adolescent et qui deviendra plus populaire que Superman.
Et que quelques mois avant Batman (juin 1939), **Tarzan **lui-même, a hérité d’un sidekick en la personne de Boy, son fils adoptif.[/quote]

Mais sous l’égide de Ron Zimmerman, le jeune Hank Kipple dans Ultimate Adventures se montre plus réticent à endosser la tenue de Woody et dès lors questionne le statut et l’exemplarité du super-héros.
Alors que dans nombre de comic books le héros ayant subit un traumatisme (apax existentiel (Pour en savoir +)) devient une âme torturée, dans Ultimate Adventures on nous explique que « les accidents ça arrive ».


Ron Zimmerman semble également, en introduisant les Ultimates donner son sentiment sur la tendance du moment à « para-militariser » les super-héros ou à en faire une force proactive interventionniste (The Authority par exemple).
Voire aussi la tenue débraillée de Jack Danner ou sa propension à boire de la bière qui participe à la « déconstruction » du super-héros du Silver Age.
Mais le récit postmoderne c’est aussi la citation jusqu’à parfois la saturation : on reconnaîtra ici le propos d’un film, là le thème d’une série télévisée, etc.

[size=85]Quand le commentaire s’installe aussi dans le décor[/size]

Bref Ultimate Adventures s’inscrit dans une logique où à l’entertainement pur si je puis dire, destiné à un public de masse, a laissé place à un récit postmoderne dont la nature même ajoute un intérêt supplémentaire : au plaisir naïf de se laisser raconter une histoire s’ajoute le plaisir de l’analyse.

C’est peut-être là la raison qui fait de ce duo les acteurs d’une seule minisérie ; lorsqu’il s’agit de commenter de manière réflexive le genre auquel on appartient, lorsque la citation, l’ironie ou la distanciation prennent autant de place mieux vaut faire tenir le tout dans un récit auto-contenu qui se suffit à lui-même.

Alors ça : voilà un titre qui était passé TOTALEMENT sous mon radar personnel. Merci pour ce billet instructif comme à l’accoutumée…
Je connais un peu les écrits de Bazin, mais cette notion de « sur-western » m’avait échappé aussi ; elle est très éclairante.

C’est sorti en France dans le magazine Ultimate HS 3 en 2004

J’ai beaucoup aimé cette mini-série qui ne devrait peut être en être qu’une et donc ne pas forcément y survivre, parce qu’à l’origine, c’est l’histoire d’un concours avec Jemas, Quesada et David et celui qui vendait le plus avait le droit de continuer !
Le titre présenté par Artie eut les faveurs de Quesada, mais fut plomber par des retards, si je me souviens bien, donc il a perdu le concours !
Jemas a scénarisé Marville (aucune idée de ce que ça a donné, mais de mémoire, c’était une blague) et David était sur Captain Marvel (Genis à l’époque).
Vu qu’il ne resta que Captain Marvel, on peut avoir une idée du gagnant …

(bon, je dis tout ça de mémoire, donc il se peut que je me trompe sur des détails …)

[quote=« soyouz »]…]

(bon, je dis tout ça de mémoire, donc il se peut que je me trompe sur des détails …)[/quote]

C’est tout à fait ça :

J’ai lu, et beaucoup apprécié, cette forme d’OVNI dans le paysage de la BD Marvel. Une belle époque que celle où Jemas et Quesada osaient laisser toutes les clés à des auteurs originaux, en essayant simplement de faire de bonnes choses…

Oui, j’ai l’impression que ça bouillonnait de partout, la réussite inattendu du label Marvel Knight, on a l’impression qu’ils osaient ce qu’ils voulaient sans se préoccuper de quoi que ce soit … et puis la saison des crossovers est arrivée …

En fait, ce qui est rigolo, c’est que cette saison des crossovers et, globalement, la fin de cette période de liberté, d’originalité, d’autonomie (chaque franchise vit sa propre vie, la destruction de New York par Magneto sous Morrison n’a pas d’impact chez Spider-Man…), est marquée par le départ de Jemas de son poste de grand patron en 2003, et l’arrivée de Bendis sur Avengers en 2004.
Et c’est là que l’immense récit « à suivre », bien souligné par nemo tant chaque histoire/crossover n’est que la suite du précédent et le prélude au prochain, commence véritablement, avec une interdépendance des titres dès Disassembled.

Je crois que Grant Morrison et son Marvel Boy étaient aussi de la partie.

T’es sûr ?
Le Marvel Boy est un peu plus vieux, quand même !

Août 2000 pour « Marvel Boy », contre novembre 2002 pour « Ultimate Adventures ». Après, vu le temps que mettent certains projets à se concrétiser, c’est bien possible…

Je me trompe peut-être. Il me semblait que la rumeur qui voulait, à une époque, que Marvel Boy appartienne à l’univers Ultimate venait de là (avant que Bendis ne fasse pire donc). Mais je me demande maintenant si ça ne concernait pas la mise en chantier de Marvel Boy II.

J’ai un doute, je dois avouer.

[size=85]Par contre, pour la petite anecdote, on peut dire que l’artiste Duncan Fegredo déteste Ultimate Adventures qu’il considère comme l’une des pires expériences de sa carrière.[/size]

Le genre Western Spaghetti est-il considéré comme un sur-western ?

Pas de la façon dont je le comprends perso, mais je n’ai pas lu le texte d’origine. Ceci dit, Bazin n’a pu connaître le western italien de la grande époque. Ce qui n’exclurait pas forcément que le qualificatif de sur-western ne s’y applique pas… Le western italien retourne les valeurs morales et l’esthétique « de surface » du western classique mais reste fondamentalement, dans sa structure type et ses ressorts, du pur western sur le plan cinématographique, même quand il se fait très politique (je pense à Sergio Sollima).

Je pense que Bazin fait plutôt référence à certains westerns américains qui englobent d’autres genre (mélodrame, comédie ou autres), voire à certains westerns qui seraient des allégories politiques trop transparentes voire « évidentes ».

[quote=« Jack! »]…]
Le genre Western Spaghetti est-il considéré comme un sur-western ?[/quote]

Pour **Bazin **?

Non.

Et je ne crois pas qu’en 1955 il y avait déjà ce qu’on appelle des « western spaghetti ».

Le label MK c’est avant que Joe Q devienne rédac chef.

[quote=« Jack! »]

Je crois que Grant Morrison et son Marvel Boy étaient aussi de la partie.[/quote]

De mémoire c’était The Pulse Vs Ultimate Adventure Vs Captain Marvel et uniquement c’est 3 là. Pas de Momo dans la course.

[quote=« KabFC »]
De mémoire c’était The Pulse Vs Ultimate Adventure Vs Captain Marvel et uniquement c’est 3 là. Pas de Momo dans la course.[/quote]

Marville de Jemas, pas The Pulse ; c’est du moins ce qui est dit dans la page que j’ai postée et qui a été publié à l’époque dans le recueil Marvel Adventures Soldat de plomb par Panini dont je parle.

Ah oui Marville le truc sur la jeunesse de Tante May.

Non, ça c’était Trouble de Millar et Dodson.

c’était donc Marville Vs Ultimate Adventure Vs Captain Marvel

J’y repense.

On doit pouvoir trouver ce numéro pour pas trop cher chez les bouquinistes.

Merci.

Et là je n’utilise qu’une partie d’une phrase pour appuyer mon propre propos. :wink: