GIL JOURDAN (Tillieux)

Discutez de Gil Jourdan

Il n’y a pas que des choses récentes dans le dernier Méga Spirou (bon, c’est peut-être le cas dans chaque numéro mais comme c’est le premier que j’achète), le sommaire permet aussi aux lecteurs de (re)découvrir le troisième album de Gil Jourdan, La Voiture Immergée (qui date de 1960).

Gil Jourdan, c’est un vieux souvenir de jeunesse…je suis certain d’en avoir déjà lu à l’époque mais sans pouvoir mettre un titre dessus. Replonger dans cette ambiance m’a beaucoup plu…les personnages sont bien campés; la dynamique d’équipe fonctionne très bien; l’humour, s’il est parfois un brin vieillot, est assez savoureux et les dessins de Tillieux sont riches, expressifs et énergiques. Le travail sur l’atmosphère du récit est réussi : il y a des passages lumineux et amusants…et il savait aussi jouer avec les ombres, comme le montre la brillante scène de la montée de la marée, avec un suspense bien ficelé.

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J’adore Gil Jourdan. Le dessin de Tillieux est magnifique, élégant, raffiné, très design l’air de rien, et les dialogues sont savoureux (Libellule est un personnage épatant). C’est quand même dans cette série qu’on trouve des répliques du genre « Sauf votre respect, chef, je suis d’accord avec vous ».

Jim

Le truc dommage avec Gil Jourdan, c’est que la qualité de la série se dégrade au fur et à mesure. Heureusement que ça part de très haut.

Ce n’est pas entièrement la faute de Tillieux d’ailleurs, qui, comme Macherot ou Jacobs, s’est retrouvé aux prises avec la censure française — protection de la jeunesse, toussa toussa. Par exemple il suffit de regarder le traitement de Queue-de-Cerise, qui passe d’un personnage capable de mener elle-même une enquête au statut de secrétaire-potiche, c’est tout de même un crève-cœur.

Ceci posé, même si les trois premiers albums — Libellule s’évade, Popaïne et vieux tableaux et La voiture immergée mentionnée ci-dessus par le Doc — restent les meilleurs, il reste bien des parties de plaisir à prendre dans les suivants au moins jusqu’au T.10 au moins. On voit que Tillieux s’est fait casser ses plans, qu’il essaye d’autres trucs, des directions différentes, l’humour pur, l’action / aventure, le fantastique, avec des résultats inégaux. Sur Les cargos du crépuscule par exemple, tenir une vraie ambiance façon polar noir, sur un prétexte qui paraîtrait farfelu dans un Spirou ou un Tif et Tondu, c’est pas évident. Mais quand même, avec des albums comme L’enfer de Xique-Xique, Le gant à trois doigts ou Le Chinois à deux roues, même si la série y évolue sur des intrigues a priori à mille lieues de ce qu’on pouvait en attendre initialement, on reste sur de sacrément bons titres, dans des genres assez différents les uns des autres.

Bon, ensuite, à partir du 11e, je soupçonne que le fait que Tillieux passe progressivement la main côté dessins indique qu’il n’y croit plus trop, et les tout derniers albums de la série sont au mieux anecdotiques et vite oubliables. Dommage, vraiment.

Oui, c’est ce que j’allais dire : la baisse de qualité est connectée au lent éloignement du créateur (Gos n’est pas Tillieux, par exemple).
Mais ça reste quand même une belle série. J’en avais quelques-uns, mais j’ai profité de l’intégrale récente pour tout me refaire (je les aime bien, les intégrales Dupuis).

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Jim

J’avoue que pour ma part c’était par l’intégrale que j’ai découvert la série — ainsi que quelques autres de la même époque. Cette intégrale-là reste un modèle de qualité dans le genre.

Et une bonne occasion pour les retardataires dans mon genre de se refaire une petite culture franco-belge…

Jim

Il y a bien longtemps que je connais Gil Jourdan, mais je n’avais pas tout lu… J’ai acheté chaque tome de l’intégrale à sa sortie, mais je ne les ai pas gardés : je les achetais pour les offrir à mon frère… Ça m’a permis, cela dit, de les lire tous et dans l’ordre (et le matos éditorial, aussi : comme Jim, j’aime bien les intégrales Dupuis).
Un incontournable de la Franco-Belge (et pour qui aime les bagnoles (comme c’est le cas de mon frère), c’est vraiment du bonheur) !

Tori.

Libéllule s’évade / Edition spéciale, Prestige

Avec Gil Jourdan, Maurice Tillieux a été, dans les années 50 à 70, le grand maître de la ligne claire au sein du journal Spirou. Pour la première fois, les planches originales du mythique premier album sont reproduites en fac-similés, au format original ! « Libellule s’évade » a été prépublié dans Spirou de septembre 1956 à mars 1957 et est paru en album en 1959. Gil Jourdan y est confronté à un trafic de drogue orchestré par Malabarte, un gangster rusé, et Palankine, propriétaire d’un château près de Rambouillet et grand amateur d’art.

  • ASIN ‏ : ‎ B094T2Z34D
  • Éditeur ‏ : ‎ DUPUIS; Illustrated - Special édition (12 novembre 2021)
  • Langue ‏ : ‎ Français
  • Broché ‏ : ‎ 108 pages
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 979-1034761029
  • Poids de l’article ‏ : ‎ 505 g

Né à Huy le 7 août 1921, Maurice Tillieux se destine à une carrière dans la marine marchande, lorsque l’invasion allemande le prive de toute possibilité d’exercer ce métier. Il écrit trois romans policiers pour les éditions Maréchal, mais n’en verra qu’un seul publié (« Le navire qui tue ses capitaines ») et entre à la Libération au studio Depière comme assistant de rédaction pour les hebdomadaires BIMBO, JEEP et BLONDINE où il effectue ses premiers essais dans la BD : « Bricole », « Les Débrouillards », « Jonas et Zénobie », etc. Parallèlement, grâce à l’appui de Jean Doisy, le ère de son meilleur ami, il place des cartoons aux éditions Dupuis, illustre la rubrique du Fureteur et cherche à séduire l’éditeur. Pourtant Tillieux est déjà repéré : Willy Vandersteen lui confiera un jour qu’il s’est basé sur son éphémère Zénobie pour créer sa célèbre « Bobette » ! C’est dans l’hebdomadaire de récits complets HEROïc-ALBUMS, de 1947 à 1956, que Tillieux va développer son talent et se révéler un maître du récit policier d’humour et d’atmosphère. Nostalgie maritime oblige, il commence par les croisières périlleuses du radiotélégraphiste « Bob Bang ». A la demande de Fernand Cheneval, son rédacteur en chef et ancien collaborateur du studio Depière, il compose une dizaine de récits réalistes, souvent très inspirés par des dessinateurs américains tels que Fred Harman et Milton Caniff, mais c’est avec le développement du trio « Félix, Allume-Gaz et Cabarez » qu’il découvre sa voie en réalisant plus de 60 épisodes où humour, mystère et action sont finement dosés. Au moment de la disparition d’HEROÏC-ALBUMS, il fait enfin partie des vedettes de Dupuis avec « Marc Jaguar » pour l’éphémère hebdomadaire RISQUE-TOUT, les enquêtes de « Gil Jourdan » pour SPIROU et les gags de « César » pour LE MOUSTIQUE. Vers la fin des années 60, le dessin commence à lui peser et le conteur s’est éveillé en lui. Il confie la partie graphique de « Gil Jourdan » à Gos et se tourne essentiellement vers le scénario pour Francis (« La Ford T »), René Follet (« S.O.S. Bagarreur »), Arthur Piroton (« Jess Long »), Will (« Tif et Tondu »),Roba (« La Ribambelle »), Leonardo Vittorio (« Hultrasson »), Walthéry (« Natacha »), etc… Lui qui avait imaginé et dessiné tant de destructions de véhicules décédera des suites d’un accident de la route en France, le 2 février 1978.