GONE GIRL (David Fincher)

Ouah…

Ben, je suis globalement d’accord avec Vik, qui retranscrit le mieux la gêne que j’ai ressentie à la fin du film.

A cela j’ajoute que, du coup, le film paraît un peu long une fois sa première partie terminée.

Pour ma part, j’ai adoré.

Pas tellement à cause du scénario signé Gillian Flynn : comme ça a été relevé, il est plein de trous et de quelques incohérences ou facilités. La fin, à ce titre, passe effectivement très vite sur les circonstances de la « libération » de la fille (alors même que le personnage interprété par Affleck souligne les faiblesses de sa version, un comble), et on pourrait relever d’autres problèmes de ce type tout au long du métrage (le sac banane…).

Mais pour ce qui est de la mise en scène, nom de dieu : Fincher est un maître. Certes, « Gone Girl » n’est pas son meilleur film (pour moi c’est « Zodiac », un authentique chef-d’oeuvre, que j’ai revu à la suite de « Gone Girl » pour la peine), mais même un Fincher mineur (genre « The Game ») reste un film intéressant.
Ce que je trouve très fort chez lui, c’est cette façon très hitchcockienne de traiter la question des apparences : on manipule le spectateur tout en lui fournissant les clefs lui permettant d’identifier la manipulation, pour lui apprendre à se départir des apparences, précisément.

Comment cela se traduit en termes cinématographiques ? Par le biais de sa mise en scène extrêmement subtile et discrète (la fameuse « mise en scène invisible » de l’âge d’or hollywoodien, dont Fincher à bien des égards perpétue la tradition), Fincher met en place, très simplement, une façon bien à lui de « contredire » les dialogues par l’image, et ce dès le début du film (un exemple : au tout début, la fille dit un truc du genre « j’ai rencontré un garçon très gentil » et on s’attend à voir Affleck en contrechamp de son regard énamouré ; que nenni, elle regarde en fait un autre homme et Affleck arrive dans son dos presque comme un voleur…). Il y a des tas de raccords affolants comme ça, Fincher est vraiment très fort à ce jeu-là.
Du coup, malgré son scénars à tiroirs et à twists (et à trous), le film vaudra quand même, en ce qui me concerne, une deuxième vision pour scruter ce genre de détails difficiles à capter la première fois.

Pour le reste, Fincher continue depuis le fabuleux « Zodiac » et le très chouette « Social Network » à travailler la veine du film de tchatche, dans la veine des screwball-comedies de la belle époque, sans jamais être chiant. Chapeau.
Le film s’inscrit de plus, avec sa scène de meurtre ultra-graphique et son scénar’ tarabiscoté, dans le créneau du film de machination à l’italienne (certains gialli, par exemple, ont flirté avec ce sous-genre qui doit beaucoup aux « Diaboliques » de Clouzot ; « Gone Girl » aussi) ou le sexy-thriller à la Paul Verhoeven (exemplairement « Basic Instinct ») : ces deux références, judicieusement soulignées par certaines critiques, me semblent bien restituer le feeling particulier du film, qui malgré sa trame et ses thèmes, restent au final un « feel-good movie » qui fout plutôt la pêche, notamment dans sa façon de ne pas trop se prendre au sérieux finalement (la critique des medias au lance-flammes, très efficace malgré ses gros sabots).
Plus le film avance et révèle sa part de glauquerie, plus il est fun et léger, en fin de compte.
Pas un chef-d’oeuvre, certes, mais un excellent titre de plus au palmarès d’un des cinéastes les plus excitants de la planète.

Sachant qu’il y avait un twist, dés les premières mise en place ce dernier m’est apparu assez clairement.

La séance fut longue du coup, une seule scène se détachant du lot lors de la séance : celle de l’itw télévisé de affleck que regarde attentive la demoiselle.

Mais laissant le temps passé, j’ai vu le film à sa sortie, il prend une véritable épaisseur, comme si cette scéne d’itw finissait par justifier à elle seule le temps du film.

[spoiler]Entre mensonge et vérité comment circule l’amour ? Bien plus qu’une analyse de la société américaine, c’est à cette question que nous convie le film. Et si la société américaine rentre en jeu, ce n’est que pour venir en support à des possibilités toute modernes d’articuler le vrai et le faux.

De la passion à la vie de couple, c’est aussi une le mirage des débuts qui s’effrite, de là à faire de la passion amoureuse un mensonge, il n’y a qu’un pas que cette femme dont la vie a été faite fiction par ses propres parents franchit allègrement ou plutôt qu’elle refuse farouchement de franchir : Elle tient à la promesse de l’amour, et notament à ce que son homme lui a promis soit d’être un homme, c’est à dire de s’elever à cette fiction de l’homme en consentant au sacrifice que cela suppose.

Mais lui préfère rejouer la partie de la séduction ailleurs, lui qui renonce également à sa vie pour venir aider une mère qui manifestement ne lui rend pas. Enfant sous domination maternelle.

Rien que de très commun dans un couple. Epure du couple.

Elle fera donc payer à son homme, qui reste un enfant, le prix du sang qu’elle est elle même, puisqu’elle prevoit bien de se suicider pour boucler la boucle du crime. Si la fiction du couple s’avère mensonge alors la vérité s’imposera dans la mort. Le sang sera ce qui fera que le mensonge de leur couple à quoi leur prèsent le reduit, n’aura pas entièrement gagné. Un mensonge, celui du meurtre pour empecher que leur couple soit totaelement un mensonge, et qu’elle soit définitivement réduit, elle, à la fiction de ses parents.

Tout change lors de cette itw : affleck ment en conscience, mais mentant il joue la partie qu’elle attend depuis dès années qu’il joue.

Il consent à donner le change et elle alors consent à lui donner un enfant.
Chacun ment mais le mensonge s’avère plus vrai que la vérité des flics qui recherchent un coupable là où les amoureux cherchent à faire tenir une fiction qui rend leur couple possible, qui rend possible au désir de circuler.

C’est la force de cette scène de l’itw que de voir le mensonge d’affleck captiver sa femme qui sait alors qu’un désir est possible entre eux, ce en quoi elle n’aura pas tort.

Ce qui est interessant, c’est que cette vérité du mensonge du couple, au final ne tient pas au mensonge de la société amèricaine que serait la télé dans laquelle chacun tient son role dans une parodie du couple parfait, non ce mentir vrai du couple tient cette fois au fait que d’autres, flic, soeur, avocat, savent que tout cela n’est que mensonge.

Tous ces autres savent que c’est un mensonge, ce qui permet au couple de faire de ce mensonge une vérité, la leurre/leur. Singulière conbinatoire.

Le poid de la fiction ronge le couple qui doit donner le change d’être couple heureux au départ, quand chacun sait pourtant que c’est plus compliqué, et la fiction menace à chaque instant de sombrer dans le mensonge. Et voilà la solution que ce couple a su trouver: des autres pour se délester du poid du mensonge, des autres pour savoir à leur place; gràce à eux, face à eux, ils n’aurons pas à faire semblant et ainsi ils pourront faire semblant le reste du temps et vivre la vérité de ce mensonge fait fiction qui vaut bien alors toute vérité.

Le poid du sang, celui necessaire pour que le mensonge soit élevé au rang de fiction vrai aura été payé par un autre également.

Tout cela fonction très bien.

Finalement, j’aime beaucoup[/spoiler]

La dualité mensonge / vérité est intéressante à plus d’un titre : outre la description des relations de couple (le mensonge n’est pas supplanté par la vérité, qui n’intéresse au fond personne, mais par un mensonge plus « confortable »), cette dualité traverse aussi le film sous deux autres angles : celui du pacte spectatoriel, et celui de l’œuvre globale de Fincher.

En effet, sur ce deuxième point, les mensonges et les postures des personnges les « dédoublent » en quelque sorte : à la fin de la première partie du film, on a vu deux Ben Affleck et deux Rosamund Pike (menteurs puis sincères). Cette thématique du dédoublement, c’est un grand thème fincherien, « Fight Club » en étant sans doute la démonstration la plus spectaculaire, mais pas la seule.

D’autre part, la question du mensonge préféré à la vérité, c’est aussi l’essence du pacte entre le cinéaste et son public : on fait semblant de croire au tableau dépeint durant les vingt premières minutes, mais on sait très bien que ça ne durera pas. On fait semblant de croire à un mensonge, et on aime ça.

Lacan disait que la vérité a structure de fiction.

C’est dire qu’il n’y pas de vérité sans construction narrative, c’est dire sans mensonge.

L’accés à la fiction est importante pour ne pas rejeter dans le faux tout ce qui est mensonge, sans la possibilité de faire avec cet entre deux, c’est le prix du sang qui est à payer. Les complotistes sont pris dans cette impasse par exemple : ils ont besoins d’un menteur en chef pour que la vérité, la leur ne puisse jamais être contaminée par le faux. Pour les complotistes, comme dans ce couple, tout ce qui est fiction, et la vérité est fiction, menace constament de sombrer dans le faux et se faire mensonge.

La solution de ce couple est plus éléguante que celle naturelle aux complotistes qui est d’élèver le bouc emissaire au rang de maitre, comme dans l’antisémitisme.

Ce jeu entre vrai et faux, mensonge et fiction, n’est pas que pacte entre auteur et public, c’est la condition même de l’amour et de la parole.

Je te suis (jusqu’à un certain point), mais encore faut-il adhérer au concept même de « vérité », fût-elle élaborée dans la fiction. Et je ne suis pas sûr que ce soit mon cas…

(mmmmm, mon nez détecteur de gros H.S. se met à remuer tout seul, là :wink: )

Ouais, dommage qu’Artemus ne passe plus (mais qu’est ce qu’il devient, nom de Zeus ?), je l’aurais bien vu rebondir là-dessus… :wink:

C’est clair. :wink:
Si quelqu’un a des nouvelles d’Artemus, d’ailleurs…

[quote=« n.nemo »]Lacan disait que la vérité a structure de fiction.
[/quote]

Nemo me fait penser à Didi à force de citer à tue-tête Lacan ! :wink:

[quote=« Photonik »]C’est clair. :wink:
Si quelqu’un a des nouvelles d’Artemus, d’ailleurs…[/quote]

il ne vient plus?

Plus depuis longtemps, non. Et son excellent blog est aussi en jachère…

ayant eu une pause forcée de plus de 2 semaines je n’en étais pas rendu compte :frowning:

Nemo me fait penser à Didi à force de citer à tue-tête Lacan ! :wink:[/quote]

là quand je cite à bon usage

Bon ben je suis un peu en retard, vos messages datent de novembre 2014, mais magie du verbe ils me vont droit au cœur :wink:

Sinon j’ai vu Gone Girl et je fait partie de ceux qui ont aimé la (grosse) première partie par contre, j’ai été déçu par la tournure des événements prise à partir de la partie de golf et de la « banane ».

Clairement le scénario prend une tournure qui ne me plaît pas. Ou disons que [SPOLIER] j’attends le « coup de théâtre » final, la chute [SPOILER].
Cela dit même si j’ai été déçu par disons la "deuxième’ partie du film, ça reste en terme de tension extrêmement réussi, c’est flippant de s’imaginer dans le cas de la victime. En tout cas cela aurait été mon cas.

Et puis, chouette interprétation et c’est joliment filmé, et la musique est magnifique rien à redire.

Sentiments mitigé, mais à cause de ce qu’il n’y a pas dans le film et que j’aurais aimé trouver, mais en ce qui concerne ce qu’il y a c’est un très bon thriller, de mon point de vue. :wink:

Vu hier soir et assez déçu, parce que je trouve que le truc est cassé à une heure de la fin du film ! Et au final, que pour ça ! Même pas un Colombo pour foutre la merdouille !

Cela dit, c’est bien joué quand même !

Dans le même style, lors du vol retour depuis la Thailande (superbe pays, superbes gens), j’ai pris le temps de mater « La Fille du train » avec Emily Blunt (surement la soeur de James) dans ce thriller.

Pas mal du tout et surtout la révélation est bien gérée, me semble-t-il.

C’est un film assez comparable.

Et pour mon ami Photonik, il y a un bon Justin Théroux dans le rôle du mari. :wink:

[quote=« Hush »]

Et pour mon ami Photonik, il y a un bon Justin Théroux dans le rôle du mari. :wink:[/quote]

Ah, j’ai une oreille qui se dresse, en effet : Theroux acteur est infiniment plus intéressant que Theroux scénariste (cf. son travail abominable, quoique collectif, sur le script indigent du pitoyable « Iron Man 2 »).
« The Leftovers » forever !!! :wink: