Bon, hé bien ça tient ses promesses, cette affaire-là.
Le premier épisode passe par plusieurs époques, des années 1940 (ici, le retour des soldats, parmi lesquels deux dessinateurs qui se remettent à chercher un boulot) aux années 2000 (période où les vieux dessinateurs ne se retrouvent que pour les enterrements), alignant des moments de colère, de frustration, de jalousie.
C’est effectivement un roman à clé, dans le sens où, si l’on connaît le sujet évoqué, on identifie facilement les protagonistes, malgré les noms différents, les dates décalées et les situations altérées. Kirby est reconnaissable de manière transparente, Stan Lee presque autant, et l’on devine derrière certains personnages le sort d’auteurs connus (Matt Baker, notamment…). On retrouve des situations que les amateurs connaissent, qu’il s’agisse de la quête d’un genre porteur après-guerre, de la création des Fantastic Four, de la pauvreté dans laquelle les fondateurs du genre finissent par tomber.
C’st redoutable, assez méchant, d’une ironie acide (ah, la scène de la montre…). Chaykin déploie une narration au cordeau, parvenant à faire des scènes à dialogues multiples où, avec une caméra fixe, il trouve le moyen de faire avancer trois conversations dans la même planche (une sorte d’équivalent des dialogues “overlapped” qu’on entend dans les films de Scorcese, par exemple).
Là, il faut aussi souligner le saisissant travail de lettrage de son vieux complice Ken Bruzenak, qui est à la fois inventif, généreux et discret. Quand aux couleurs de Wil Quintana, je trouve qu’elles conviennent mieux à Chaykin que celles de Jesus Arbutov, sans doute est-ce là aussi affaire de discrétion.
Jim