HIGH-RISE (Ben Wheatley)

C’est marrant, mais je ne m’attendais pas à ce que l’influence du Orange Mécanique de Stanley Kubrick soit autant assumée dans High Rise. Pourtant, les deux films partagent de nombreux points communs, non seulement dans leur approche esthétique d’un « faux futur » marqué par les 70’s que dans leur déroulement purement « nihiliste » dirons-nous.

Ce qui est surprenant, c’est que là où Kubrick parlait clairement de l’environnement actuel, Wheatley a tendance à dater son film, annihilant tout semblant de réflexion sur l’avenir (puisque tout est déjà arrivé, en somme).
En conséquence, on ne saisit pas bien la finalité du film (comme souvent chez Wheatley, il me semble), qu’il s’agisse d’une critique envers l’hyper-urbanisation du monde ou sur l’échec de la civilisation (il y a presque une forme d’ironie amère lorsque certains personnages comme l’architecte décident de sombrer dans la « folie » avec le reste du navire), si ce n’est que le réalisateur délivre un récit qui vise à amuser voire surprendre le spectateur, rien de plus.

Loin (très loin) d’être le premier film « grand public » de Ben Wheatley comme le supposent certains, High Rise reste une sacrée expérience esthétisante.

[quote=« Jack! »]
Et comme souvent, on ne saisit pas bien la finalité, qu’il s’agisse d’une critique envers l’hyper-urbanisation du monde ou sur l’échec de la civilisation.[/quote]

Je ne saurais dire pour Wheatley vu que j’ai pas encore vu le film, mais pour Ballard, que ce soit dans ce récit en particulier ou dans son œuvre en général, les deux sont clairement liés, justement.

Je le comprends bien. Mais c’était une peur légitime de la part de Ballard qui a clairement été consommée depuis lors. En ce sens, je ne crois pas que le film de Wheatley « pointe du doigt » le problème comme le voulait l’auteur. Les gens vivent dedans, point.

[size=85]Je me rends compte que c’est affreusement pessimiste, dit ainsi.[/size]

Première véritable déception en ce qui me concerne dans la filmo de Ben Wheatley. Le film n’est ni nul, ni même véritablement médiocre, mais il rate quand même le coche.

Et ce coche, c’était la volonté affichée (en interview comme en intention manifeste au vu du traitement choisi) de coller de près à l’oeuvre-source, le roman (très réussi) de JG Ballard. C’est là que Wheatley se plante ; en soi, c’est pas grave, on peut très bien avoir vu le film sans lire le roman, et s’en foutre. Il me semble que même dans ce cas-là, les défauts de conception du film se voient.
Si ce n’est pas vraiment un film « grand public » comme le précise Jack!, c’est quand même un changement de braquet conséquent dans le travail du réal’ anglais. Plus gros budget, plus gros casting (on peut d’ailleurs dire que Wheatley a toujours le nez creux dans ce domaine, comme sur ses premiers films) et, surtout, « story-telling » altéré, impliquant des méthodes de tournage différentes.

On l’a signalé sur les films précédents du bonhomme, la méthode Wheatley, c’est de laisser improviser longuement et très librement ses acteurs, de capter le tout et de construire des scènes (souvent longues à très longues) au montage, une étape dévolue à Wheatley lui-même. Cette méthode induisait un type de narration particulier, à la fois elliptique et très puissant dans la restitution d’un « certain feeling du temps » (une image-temps ?) qui semble parfois absente du cinéma contemporain. Et ça marchait bien, que ce soit dans le cadre d’une love-story détraquée, d’un huis-clos psychédélique en plein air, d’un crescendo horrifique tendu ou d’une chronique familiale et polardeuse fauchée mais crédible.
Le projet « High-Rise » implique une tout autre orientation, du moins à l’aune des choix de Ben Wheatley. Il voulait être fidèle au roman, c’est à la fois la caractéristique du film (intrigue, personnages, temporalité : le cinéaste et son épouse scénariste, Amy Jump, choisissent de coller de très près au matériau de base) et la marque de son échec.
D’une manière générale, le couple semble avoir eu une main-mise totale sur le projet, qu’il gère de bout en bout ; pas d’ingérences des studios à la « comic-book movie » ici semble-t-il. D’ailleurs, les choix de réalisation parfois couillus (et teintés de « kubrickisme » en effet, surtout au début du film), ou ceux qui concernent la BO (magnifique reprise du « SOS » d’Abba par Portishead à signaler), tout ça est assez payant : en purs termes de réalisation, le film est abouti. Et pour mesurer du degré de maîtrise du cinéaste sur le projet, il est à noter qu’il a exactement réalisé, de son aveu, le film qu’il avait planifié : j’ai été surpris d’apprendre que les nombreuses scènes de « montage alterné/accéléré/musical » ont toutes été méticuleusement pré-pensées, et pas construites en salle de montage comme on pourrait le penser, ce qui dénote quand même d’un solide niveau de préparation.
Sans compter que le casting est globalement excellent (à de petites exceptions près quand même : James Purefoy est mauvais comme un cochon, par exemple), avec des mentions spéciales au toujours impeccable Tim Hiddleston, à Sienna Miller, craquant et touchante, et à Luke Evans, intense…

Le problème ? Il réside dans les choix narratifs « globaux » de Jump et Wheatley. Parfois, se décoller un peu du matériau de base est un impératif. Dans le cas des romans, sauf cas particuliers, il faut souvent dégraisser un minimum. Ce que ne fait pas Wheatley : son film est trop dense.
Ce ne serait pas un problème si Wheatley maniait aussi bien que Ballard (c’est flagrant dans ce roman en particulier) l’art de l’ellipse élégante, pourtant éprouvée dans ses films précédents, et cet espèce de climat de « constat » clinique (quand il est déjà trop tard, effectivement). Mais ce n’est pas le cas ici, son film présentant certaines des péripéties importantes dans des espèces de montage accélérés évoqués plus haut (souvent propices à de chouettes moments musicaux, ceci dit), qui se substituent peu avantageusement aux allusions et à la concision ironique de Ballard.
Le film en éprouve de gros problèmes de dynamique (ça manque d’alternance temps forts/temps faibles ; il semble n’y avoir que des temps « moyens » tout le temps…), que Wheatley tente de camoufler derrière un ton distancié et ironique aussi, mais ça passe beaucoup moins bien qu’à l’écrit, quand c’est porté à l’écran (l’incarnation des personnages propre au cinéma supporte difficilement ce procédé, à mon sens).
Il y a par exemple une sorte de climax vers la toute fin du film, mais il se déroule dans une sorte d’apathie, qui contamine jusqu’au spectateur. Et ça n’est l’objectif du récit, à mon sens.

Du point de vue du sous-texte, il me semble également que Wheatley insiste trop sur l’idée de la lutte des classes qui se reconstitue chez les nantis, avec la désormais classique représentation verticale des couches sociales chère au Fritz Lang de « Metropolis ». Mais ce point, qui intéressait finalement assez peu Ballard (qui en fait presque le simple point de départ de l’intrigue), est assez lourdement traité dans le fond, avec quelques outrances malvenues (tant chez les riches que chez les pauvres). La très froide description d’un retour à la sauvagerie dans le cadre le plus domestiqué et sécurisé qui soit est presque reléguée au second plan (malgré quelques bonnes idées en la matière, comme l’évocation des peintures tribales en passant), alors qu’elle est au coeur du sous-texte du livre auquel Wheatley souhaitait tant rester fidèle…

En résulte une sensation de gâchis, tant le film est en plus intéressant sur le plan visuel. Non seulement il est beau et bien foutu (même les tentatives de ralentis un peu extrêmes, procédé un brin casse-gueule, le font bien, tout comme le travail global sur le son), mais en plus il présente de vrais idées de cinéma, purement visuelles, à l’occasion (même si ce n’est pas l’idée la plus subtile du siècle, l’arrivée d’Hiddleston en smoking au milieu d’une fête costumée résume les rapports de force « de classes » très efficacement). Il est d’autant plus dommage que le cinéaste n’ait pas réussi à trouver le bon rythme pour narrer son histoire, donnant la sensation de passer à côté des enjeux, illustrant platement la trame d’une histoire qui appelait pourtant une tout autre dynamique. Il me semble que le fait de prendre le film indépendamment du bouquin ne permet pas plus d’échapper à cet écueil narratif, mais d’autres le préciseront peut-être.
C’est d’autant plus râlant que les films précédents de Wheatley étaient précisément la démonstration de son aptitude à trouver une équivalence filmique au feeling et à la temporalité particuliers du travail de Ballard. Mais pour réussir son coup ici, Ben Wheatley aurait dû choisir de « trahir » un peu plus l’oeuvre originale pour paradoxalement en reconstituer le parfum avec plus de fidélité, en lui donnant du corps. Ce que le film en l’état ne fait pas.
Dommage.

ça fait un moment que j’ai vu le film mais c’est quelque chose que j’avais plus ou moins ressenti. Peut-être à l’image du personnage de Tom Hiddleston dont le nouveau rôle au sein de l’immeuble à l’issue de l’histoire n’est pas vraiment préparé en amont mais résulte plutôt d’un basculement abrupt. Me reste quelques belles images en tête (le meurtre filmé au travers du kaléidoscope, le pourrissement de la nourriture) mais surtout le sentiment diffus d’un chaos ambiant pas toujours maîtrisé ni crédible aux entournures.

[quote=« Photonik »]Très alléchant aussi.
Je remarque néanmoins que l’un de ses projets, l’actioner SF « Freakshift », semble être passé à la trappe, alors qui semblait pourtant bien avancé après « A Field in England ».[/quote]

Le projet Freakshift semble finalement prendre forme. Le site Deadline annonce un début de tournage pour cet été et Alicia Vikander, la nouvelle Lara Croft, serait en négociations pour le premier rôle féminin.

deadline.com/2017/03/alicia-vikander-in-talks-for-ben-wheatley-freakshift-tomb-raider-1202044761/