INCROYABLE MAIS VRAI (Quentin Dupieux)

Alain et Marie emménagent dans un pavillon. Une trappe située dans la cave va bouleverser leur existence…

Comédie
Long métrage français
Réalisé et écrit par Quentin Dupieux
Avec Alain Chabat, Léa Drucker, Benoît Magimel…
Année de production : 2022
Sortie le 15 juin 2022

Tiens, je me rends compte que j’avais pas exprimé mon avis sur la chose…
Je suis très client du cinéma de Dupieux ; en dépit de l’antipathie naturelle que le personnage m’inspire (quelle tête de con en entretien), je dois dire que son « système » me parle beaucoup. Par système, j’entends cette productivité assez ahurissante (et assez plaisante dans un contexte comme celui du cinéma à l’heure actuelle), rendue possible par un travail axé sur des petits budgets, des petites équipes, et même (et ça me plaît pas mal, ça) des durées de métrage très réduites ; de mémoire, « Incroyable mais vrai » ne fait pas plus de 70 mn, plutôt rare par les temps qui courent…

Celui-ci marque quand même les limites du « système Dupieux »… mais pas de la façon à laquelle on s’attendrait.
Je pensais que le film marquerait peut-être le pas en termes d’originalité, et que le cinéaste se retrouverait pris en flagrant délit de redite. Pas vraiment, en fait : on reconnaît sa patte, indéniablement, mais il arrive encore à renouveler ses motifs, ce qui n’est pas un petit exploit dans le cadre de sa filmo maintenant bien fournie.

« Incroyable mais vrai » n’est probablement pas le pire Dupieux, d’ailleurs ; il est en tout cas très drôle (j’ai beaucoup ri, je le confesse). Une bonne partie de la réussite du film tient à l’emploi d’Alain Chabat, extraordinaire dans le rôle qu’il occupe ici, en donnant l’impression, et c’est ça qu’est fort, de ne même pas jouer la comédie, mais simplement d’être son personnage. On sent d’ailleurs que le perso qu’il incarne échappe complètement ou presque à la misanthropie marquée de Dupieux ; le cinéaste lui fait clairement un sort particulier…

Sur le plan des idées de mise en scène ou de réalisation au sens large, même si comme d’habitude Dupieux table sur un dispositif très simple, il y a deux trois trucs vraiment bien sentis : notamment la façon dont il raccorde entre eux des moments chronologiquement bouleversés durant l’intro, ou la façon très old-school (et assez impayable) dont il use d’accélérés sur des séquences qui font très Benny Hill du coup (et chez moi ça n’est pas péjoratif, comme parallèle, que voulez-vous on ne se refait pas…). Cette façon de faire sortir le temps cinématographique de ses gonds est évidemment très raccord avec l’argument débilo-SF du récit.

Dans sa façon de mettre en place des séquences absurdes où des personnages se racontent des trucs incroyables mais de façon très placide et en patinant bien comme il faut au passage, le film fait beaucoup penser (comme les Dupieux des 5 ou 6 dernières années en fait) aux grands films absurdes de Bertrand Blier des années 70, comme « Calmos » ou le génial et bizarre « Buffet Froid ». Même le visuel posté plus haut par le Doc renvoie furieusement à cette époque et cette veine du cinoche français. On pense aussi au Luis Bunuel de la période française, et ces films génialement autres que sont « Le charme discret de la bourgeoisie », « Le Fantôme de la Liberté », etc…

Et paf !! C’est là que le bât blesse pour moi.

Jusqu’à maintenant, Dupieux signalait à qui voulait l’entendre qu’il n’intellectualisait pas ses films, et se fiait à son inspiration du moment… et on avait plutôt tendance à le croire. Du coup, les parallèles plutôt très flatteurs et élogieux qui lui avaient été adressés avec notamment la veine surréaliste de Bunuel se justifiaient.
Mais ici, et pour la première fois peut-être, on a l’impression que Dupieux s’est assigné un sujet à traiter (la venue de la vieillesse, et la façon dont on réagit à celle-ci, sereine ou paniquée) et ça se sent assez lourdement. C’est un peu… scolaire, et ça détonne dans le corpus du cinéaste.
D’autre part, et surtout, Dupieux est devenu auto-conscient (traduction bizarre de « self-aware », désolé pour le manque d’inspiration) au point de signaler lui-même la parenté de ses travaux avec ceux de Bunuel. Et ça, ça marche pas. Il cite carrément l’un des plans les plus célèbres du corpus du cinéaste aragonais !!! (un plan dont on a a parlé sur un autre thread, celui fameux et troublant de la main dont des fourmis émergent de la paume).
Sans compter que ce plan, onirique et gratuit chez Bunel (et donc authentiquement surréaliste en un sens), est ici « justifié » narrativement, de façon un peu balourde d’ailleurs ; on a donc limite affaire à un contre-sens.

Faute de goût, selon moi.
Ce qui ne m’a pas empêché de passer un bon moment devant « Incroyable mais vrai », ses séquences débiles et son humour absurde ; Dupieux demeure un des cinéastes les plus singuliers du moment.
J’avoue attendre avec impatience (ça sort à la fin du mois) son « Fumer fait tousser », sorte de parodie improbable de tokusatsu/super sentai à la Kamen Rider/X-Or. Voilà qui promet !!

Et c’est d’Incroyable mais vrai que je parlais sans le citer, pour ne pas gâcher la surprise de quelqu’un qui aurait voulu le voir au ciné…

En sortant de ma séance, comme souvent avec Dupieux, je ne savais pas trop si j’avais aimé ou pas ce film… Mais je n’ai pas regretté de l’avoir vu, ce qui pencherait en faveur de la première option.

C’est vraiment ça. On a l’impression qu’il se contente d’être dans le film, sans jouer.
J’ai d’ailleurs apprécié le voir dans un rôle de personnage « normal » : ça lui convient parfaitement.

Tori.

Aaaah !! Oui, ça y est, je me souviens que tu avais fait référence à un autre film, en effet…