Bon, en dépit de mes réticences d’origine, c’est pas mal, cette petite chose. C’est très classique dans la construction (plusieurs intrigues disséminées ici et là, qui convergent, avec un premier numéro un peu nébuleux, qui lance plein de pistes sans rien expliquer clairement, travers de ce genre d’entreprises éditoriales).
Et puis les choses se mettent petit à petit en place, avec des rappels, des retours, des coups de théâtre, des ponts jetés entre les différents pans du récit. Très bien. Formellement, c’est plutôt agréable.
Le sous-texte, quant à lui, est très intéressant : les méchants sont des isolationnistes qui veulent justement refermer les passages entre les mondes. Le Multivers est présenté comme une sorte de mystère qui inquiète et fascine en même temps l’opinion publique : cette dimension de l’homme de la rue est bienvenue, ça permet de mettre en évidence un aspect assez frappant des récits modernes de super-héros, à savoir que ça se limite souvent aux bastons d’individus en costumes bariolés, et remettre monsieur tout-le-monde dans le champ de vision est une manière de pointer cette erreur. Et donc, si le Multivers est séduisant, cela fait des isolationnistes de méchants comploteurs paranos contre qui luttent les esprits ouverts et progressistes, et de la série une métaphore anti-Trump évidente. Même le Bat-Thomas s’ouvre aux possibilités de ce monde multiple, et c’est en constatant de quelle manière son fils s’est développé sur tous les univers qu’il accède à la rédemption. Le discours méta s’accorde au discours politique.
Et puis, c’est un récit positif, lumineux. Par le biais de Machinehead, il y a une critique des comics devenus trop sombres et trop durs, mais les péripéties s’alignent sur cette déclaration d’intention : Flash est à nouveau au centre des bouleversements, Roy Harper revient (et de quelle manière), les personnages sourient. C’est optimiste. Et purée, ça fait du bien.
Ah, et puis Darkseid semble retrouver de sa prestance légendaire. Ça aussi, c’est cool.
Bref, pas mal : Infinite Frontier parvient à tirer son épingle du jeu, sans trahir la tradition des grands bouleversements cosmico-éditoriaux qui font la signature de DC.
Jim