J’y suis allé aujourd’hui. La fête de la musique (et le fait que j’arrive au bout d’un bon petit chantier de traduction avec le sentiment du devoir accompli) ont sans doute joué un rôle.
En fait, je ne sais rien du film, sauf que ça cause de chanson (mais moi, j’y connais rien en matière de musique), et que c’est Clint Eastwood derrière la caméra. Et ça veut dire que j’y vais presque les yeux fermés (sauf pour regarder le film).
Et je ne suis pas déçu.
Bon, déjà, moi, je suis assez client de ce genre de trucs. J’aime bien l’exercice du biopic, parce qu’il contient un premier mystère pour moi, qui est celui des rapports entre la fiction et la réalité. Alors sur un sujet dont j’ignore quasiment tout, c’est encore plus intéressant. Et aussi parce que les biopics de musiciens contiennent un autre mystère, encore plus fascinant, celui de la création (mais au final, plein de biopics tourne autour du mystère de la création, artistique, littéraire ou autre : Tucker, ça cause de ça, aussi…).
Au-delà de mon goût personnel pour l’exercice, y a Eastwood à la barre, avec sa narration classique, ses plans soignés mais pas sophistiqués, en tout cas qui ne démontrent pas ostensiblement leur sophistication. Pas d’afféteries, en gros, mais de la mécanique bien construite et bien huilée. Classique, solide. J’aime.
Les acteurs, à part Walken (épatant…) et quelques figures de seconds couteaux, j’en connais aucun. Ça joue aussi beaucoup à l’immersion, on n’est pas porté par les attentes, positives ou négatives, qu’on peut avoir. Et ils sont épatants, les acteurs, vraiment.
De même, les Four Seasons, je ne les connais pas. J’aime bien la musique de cette époque, mais à part l’hénaurme tube de la fin du film, aucun de leur morceau ne m’évoque autre chose qu’une période de la pop culture américaine. Là encore, pas d’effet nostalgie sur moi à cause de la musique.
Si j’ai accroché, c’est sans doute par la narration. Qui joue sur les codes des films affrancho-scorcésiens de biographies de voyous, en les détournant tous avec une ironie qui frise le mauvais esprit (la réunion pour régler les dettes, c’est un sacré morceau).
C’est sans doute aussi grâce à la sensibilité du scénario, parfaitement servie par une narration qui trouve un juste équilibre entre l’implication et le détachement, toujours à côté des personnages, pas à leur place. Ni empathie envahissante ni condescendance suspicieuse, ce qui permet de glisser du drame dans la drôlerie et de l’humour dans la tragédie, et de conférer aux sentiments une dimension fragile, proprement humaine. La scène de l’écharpe est un formidable moment, par exemple.
Enfin, dernier truc qui m’a bien accroché, mais qui peut désarçonner certains je le conçois, c’est une astuce de narration dont je ne dirais rien, mais qui emprunte sans doute à la forme théâtrale (si j’ai bien compris, c’est une comédie musicale, à la base ???), et qui crée une relation serrée avec le spectateur. Ça surprend. Personnellement, une fois la surprise passée, j’ai trouvé ça à la fois audacieux et assez bien vu, le procédé m’a semblé fructueux et pas envahissant.
Vraiment, super agréable, intelligent, roublard, conscient du matériel et des clichés, que la forme permet d’éviter. Plutôt agréable, très chouette moment.
Jim