KENYA t.1-5 (Rodolphe / Leo)

Discutez de Kenya

Que 4 ?

Je suis récemment tombé sur un lot de version américaine de Kenya, et autres séries de Leo. Ne connaissant que de nom, et vu le prix des bouquins, je me suis précipité. D’autant que j’adore le format : taille comics, couverture souple, c’est du prestige format comme au milieu des années 1980. Moi, ça m’irait très bien si toutes mes BD franco-belges étaient comme ça. Toute la place bouffée par du carton serait consacrée à de la lecture, et j’aurais beaucoup plus de bouquins.
Bref.

Et donc, Kenya.
Le premier album s’ouvre sur une scène de safari en Afrique, sans date ni lieu. Les personnages qui y participent ne s’entendent guère. Et après quelques tensions, la séquence se conclut sur l’apparition de ce qui semble être des dinosaures. Cut sur un hydravion qui arrive à Mombasa, au Kenya, en 1947, débarquant Katherine Austin, qui se fait passer pour une enseignante mais en réalité travaille pour les services secrets britanniques. Elle rencontre des collègues (un Allemand et un Français qui cachent eux aussi leur jeu), puis le comte Valentino di Broglie, un excentrique qui s’est fait bâtir un palais en plein désert. En chemin, découverte d’un cadavre calciné d’animal improbable, triangle amoureux et apparition d’ovni, à la dernière page.

C’est plutôt bien rythmé, avec des dialogues sympathiques, vivants, un brin bavard, mais ça enrichit les personnages qui gagnent en épaisseur. Les gens s’observent, et si l’intrigue manque sans doute un peu de palpitant, d’un sentiment de danger, il y a une atmosphère d’étrangeté qui fonctionne bien, justement par contraste avec l’univers crédible et réaliste mis en scène.

Car, graphiquement, Leo s’inscrit dans une logique graphique propre à la ligne claire, même s’il use d’ombres travaillées et de modelés assez contrastés. C’est joli, mais relativement raide. L’avantage en revanche, c’est que son trait appliqué permet de caractériser très fortement les personnages, qu’il tient très bien d’une case à l’autre.

De la BD un peu plan plan dans la forme, mais qui offre une lecture agréable.

Jim

Kenya tome 2 a la bonne idée de s’ouvrir sur un nouveau flash-back, reprenant la description du safari fatidique là où le tome précédent l’avait abandonné. Une quinzaine de planches qui permet de faire la jonction pour le lecteur, mais également pour Katherine et ses acolytes.

Les personnages sont plutôt interloqués par ce qu’on leur raconte. Un événement plus horrifique finira de les convaincre, puisque Katherine est agressée par un chien. En réalité, il s’avère que l’animal est possédé par un être parasite qui s’est installé dans sa carcasse et s’est connecté au système nerveux du chien. La séquence reluque du côté de The Thing ou Hidden et permet de varier les dangers. D’autant que le nobliau italien a trouvé des choses étranges dans une mine. Toutes ces informations remontent aux services britanniques.

Le récit est toujours fluide, avec des personnages sympathiques, quelques séquences d’humour (le vieux rital s’entiche de la survivante du safari dans une idylle improvisée et souriante), et le dessin de Leo a toujours les défauts de ses qualités : une application soigneuse, un sens du détail évident mais une certaine raideur dans les attitudes.

Jim

Après un séjour rapide à Londres afin de rendre compte, Katherine est de retour à Mombasa au début de Kenya tome 3. L’enquête reprend, avec de nouveaux personnages, un jeu d’alliance ou de trahison (la mission de l’héroïne étant le paravent de manœuvres géopolitiques plus vastes), et quelques précisions sur les enjeux de l’intrigue.

Entre les séquences d’hallucinations collectives (ou pas ?) chez Valentino et les débriefs successifs parmi les espions, l’intrigue commence à poser plus précisément les tenants et les aboutissants du récit, à savoir une affaire d’extraterrestres : des soucoupes volantes (le choix de 1947 n’est sans doute pas innocent, à ce stade).

L’album se conclut sur l’apparition d’une sorte de monstre du Loch Ness et d’une énième soucoupe volante qui attire la bestiole dans les airs. Suspense suspense…

Jim

Dans le quatrième tome (qui est le dernier parmi ceux que j’ai trouvé en version anglophone : fichtre !), Katherine et ses alliés ont affaire à une tierce partie à laquelle ils sont obligés de s’allier afin d’explorer le fond du lac où est apparu le monstre.

L’album s’ouvre sur une scène située en Russie, et laissant indiquer que l’affaire a des ramifications dans le monde entier tout en renforçant l’atmosphère d’espionnage qui court sur l’ensemble du récit.

Le mystère s’épaissit : les héros trouvent des sortes de caisses métalliques contenant des animaux préhistoriques, mais les objets volants qu’ils ont déjà aperçus détruisent ces bêtes, comme s’il ne fallait pas laisser de traces. Quel suspense. Va falloir que je trouve le cinquième et dernier tome, quand même.

Bref, pour l’heure, une série qui offre son lot de surprise, qui surfe sur l’imaginaire ufologique tout en respectant une narration franco-belge classique, et qui enrichit les personnages avec suffisamment de talent pour qu’on ait envie de suivre leurs aventures, malgré la raideur du trait. Je pense que le travail de Rodolphe, qui signe le découpage ainsi que les dialogues, est pour beaucoup dans cette fluidité.

Jim

Ah mais dis donc, c’est meilleur à l’intérieur que sur les couv’.

C’est exactement l’idée que je me fais de cette série. Un vrai délit de sale gueule de ma part, je l’avoue.

J’ai saisi l’occasion de découvrir le travail de Leo. Parce que je voulais comprendre comment et pourquoi il avait un tel succès, alors que, d’extérieur, ça me laissait complètement froid.

Jim

Oui, le style de Leo est assez particulier, quand même : c’est très proche de la ligne claire, mais il y a plus de détails sur les visages. Et encore, ici, il a une co-coloriste.

Ou les qualités de ses défauts : ça dépend de quel côté on se met.

Les séries de Leo (bon, ici, il a un co-scénariste… Je le connais surtout sur ses Mondes d’Aldebaran) sont souvent dans une veine hybride : d’un côté de la FB classique, de l’autre des récits souvent teintés de SF (et d’écologie, aussi) et remplis de créatures étranges (j’ai l’impression qu’il aime ça, imaginer des créatures).

Tori.

La SF et le franco-belge sont pas du tout incompatibles, Francis et Phillip pourraient en témoigner.
Mais c’est vrai que chez Leo, il y a les ingrédients pour un truc spectaculaire. Et en fait, c’est très calme, ce qui renforce le contraste quand l’étrange survient. Mais ça reste déroutant.

Jim

Oui, voilà qui résume bien ce que je voulais dire.

Il y a un décalage entre le fond (qui pourrait donner lieu à du grand spectacle) et la forme (qui est, comme tu l’as dit, calme).
Il fait des séries d’action en mode contemplatif, en quelque sorte.

Tori.

Et je trouve que le résultat passe à côté de ce qui pourrait correspondre à un émerveillement, tout en ne parvenant pas à faire monter la tension. Enfin, je trouve ça surtout dans ses séries solo.

Jim

Oui, ça n’a pas fonctionné sur moi.
J’ai lu quelques albums, mais j’ai laissé tombé.

Et, comme tu le soulignes dans ton billet sur Survivants, ses personnages sont raides, en plus.

Tori.