L’ANNÉE DU DRAGON (Michael Cimino)

Le film marque le retour inespéré du réalisateur après le bide retentissant de La Porte du paradis, et constitue un prolongement de ses thèmes de prédilection, que l’on peut considérer comme étant le troisième volet de sa trilogie sur l’Amérique, et plus largement son dernier grand film.

Malgré sa sortie au milieu des années 80, il est logiquement beaucoup plus ancré dans l’héritage du Nouvel Hollywood des 70’s (à l’image du magistral Prince of the City de Lumet).
Se focalisant comme souvent sur la société dans son ensemble et sur le fossé qui se creuse au sein du melting pot américain, Cimino s’intéresse cette fois-çi à la pègre de Chinatown, avec comme personnage principal/rookie de ce quartier le flic Stanley White (sorte de prolongement du personnage joué par De Niro dans Voyage au bout de l’enfer).

Tourmenté par son expérience de militaire/vétéran devenu aigri, obsédé par le Vietnam et se débattant avec un mariage qui bat de l’aile, il envisage les nouveaux combats à mener comme de nouvelles croisades, sorte de revanches sur l’ennemi de jadis (d’origine asiatique dans les deux cas, ce qui explique la façon dont il aborde sa mission avec autant d’acharnement et son comportement déplorable par moments).

Ce personnage est assez anachronique, en décalage (avec sa tenue vestimentaire digne d’un privé des années 50, et ses méthodes pour le moins brutales) à l’image de son caractère égoïste, excessif, entêté, voire raciste envers les chinois (qu’il assimile dans son esprit malade aux vietnamiens) ce qui le pousse à dépasser les limites et à être prêt à aller jusqu’au bout, même si cela lui coûtera très cher.
Il n’hésite pas à ruer dans les brancards, ni à bouleverser le statu quo, qui arrange aussi bien les policiers que les criminels, voulant mettre fin à tout prix au conflit qui s’avérera destructeur pour les deux camps.

Le film ne souffre pas de baisses de rythme, la mise en scène est très efficace, à la fois ample et puissante (la scène de la rupture suivie du meurtre :open_mouth: mazette) et il bénéficie du style sec et brutal du scénariste Oliver Stone (dont je suis pourtant pas fan en général que ce soit sur Scarface ou ses propres films, mais là ça passe, malgré un certain manque de subtilité et une tendance aux dialogues assez surlignés).

Mickey Rourke trouvait là son meilleur rôle, et John Lone est impeccable dans le rôle de son adversaire impitoyable.
Quelques bémols s’avèrent toutefois assez gênants, l’actrice qui interprète la journaliste est vraiment peu convaincante, et la fin qui divise arrive un peu trop abruptement, certains y voient un happy end malvenu, et d’autres une conclusion logique digne d’un western d’antan, concernant un homme au bout du rouleau, ayant mené jusqu’au bout sa mission, désormais prêt à tourner la page.

Jean-Baptiste Thoret revient sur le film de Cimino à l’occasion du cycle sur John Ford, en attendant le blu-ray à venir en mars.