Ah quand même.
Dès le 29 septembre 2023, et uniquement à parution de l’album, les librairies CANAL BD proposent cette affiche limitée à 2000 exemplaires, lors de l’achat de l’album « La Fortune des Winczlav » T3. Elle reprend la couverture en recto et l’arbre généalogique des Winczlav en verso.
ouais ouais, dire que ça devait être autre chose au départ.
Ça devait être quoi ?
Jim
l’idée du départ était une gazette qui retrace la vie de la famille avec un arbre généalogique, mais ça n’a pas été approuvé, et du coup on a pu garder une affiche avec l’arbre.
Ah oui, d’accord, pour le bonus (j’ai cru comprendre que tu parlais de la série).
Ah ouais, ça aurait été une chouette idée, dommage.
Jim
Non bonus uniquement.
Troisième tome vraiment réussi, dense, cynique, triste, équilibré, avec plein de qualités qu’on devine facilement quand on connaît des séries comme Les Maîtres de l’orge, saga familiale avec des personnages retors, complexes, humains.
Cette fois, nous approchons des origines de Largo puisque l’un des personnages principaux de ce volet est Nerio, son père adoptif. On découvre les ramifications familiales, les raisons pour lesquelles Nerio s’est intéressé à la branche de la famille encore vivante dans la Yougoslavie de Tito (bientôt morcelée) puis s’est rapproché de Danitza, qui donne son nom au récit, et du jeune fils qu’elle tente d’élever. Fatalement, le scénario est adapté, un peu dans la logique des réécritures d’origines de super-héros nécessaires à mesure que le temps passe et que les premières versions deviennent datées, voire obsolètes. Ici, rappelons que la série Largo Winch paraît fin 1990, alors que la guerre en Yougoslavie éclate au printemps 1991. Le siège de Sarajevo, qui occupe les dernières planches de ce troisième Fortune de Winczlav, débute en avril 1992, et offre à Van Hamme un décor éminemment dramatique où situer l’extrême jeunesse de son milliardaire en baskets. Des aménagements qui, sans réellement contredire ce qui est raconté dans Largo Winch (pour autant que je me souvienne, cela dit…), modernisent le récit et changent la tonalité. Cela dit, en décalant le héros de trois décennies, Dupuis ouvre une boîte de Pandore à laquelle les lecteurs franco-belge ne sont pas réellement habitués (et gageons que si, dans trente ans, d’autres scénaristes reviennent sur l’enfance du héros, ils placeront le récit aujourd’hui, perpétuant le glissement temporel propre à certains héros de fiction).
Le récit est articulé, sur plusieurs décennies, autour de deux lignes narratives : d’un côté Nerio, qui construit les bases de son immense fortune à grands renforts de ruses éhontées, de manipulations vicelardes et d’une rouerie qui choque même ses plus proches amis. Le personnage fait montre d’un intelligence retorse et pragmatique, et les auteurs ont la bonne idée de le montrer affichant parfois une attitude glaciale et parfois un optimisme narquois, ce qui le rend plus insaisissable que le vieillard qu’on a vu dans la série centrale ; de l’autre, la famille de Danitza, dans une Yougoslavie de Tito croulant sous la propagande du Maréchal et fonctionnant à coup de paranoïa et de délation. Ça meurt, ça trahit, ça tue, ça vole… Dans cette république du « communisme social », la situation de la femme est catastrophique et c’est le parcours de Danitza et de sa mère, un véritable enfer, qu’on est invité à suivre. Van Hamme alterne avec efficacité les scènes propres à chaque intrigue, où émerge des personnages forts et touchants (Pare-Chocs a droit à de nombreuses scènes où l’on retrouve le savoir-faire du scénariste).
Les passages d’une scène à l’autre sont plus souples que dans le tome précédent, et s’opère parfois entre deux planches, et parfois au milieu d’une page. Ça reste encore assez fluide, même si de temps en temps des ambiances colorées différentes auraient permis de mieux suivre les articulations. Graphiquement, Berthet est efficace et lisible, mais il a définitivement perdu le panache d’avant. L’encrage est sec, les décors minimalistes, les visages sans relief. La comparaison avec ce qu’il faisait il y a quinze ou vingt ans n’est pas favorable à cette récente trilogie. De plus, parfois, les personnages donnent l’impression de flotter dans les décors, comme s’ils avaient été dessinés à part et assemblés ensuite. Berthet recourt-il à la palette numérique ? L’assistance visuelle de Dominique David s’exerce-t-elle sur les décors ? Dans tous les cas, il y a parfois des ratés : un verre qui semble ne pas tenir dans la main du personnage (ou dont le pied n’est pas de la bonne longueur) et même un personnage qui semble dans une case être devenu mystérieusement manchot, comme si un copier-coller avait raté.
Bref, un chouette album, une évocation historique intéressante, une saga familiale qui se conclut de belle manière et rejoint la série mère, le tout dans une réécriture discrète mais palpable, tout ceci servi hélas par un dessin largement en dessous de ce qu’on aurait pu rêver pour une trilogie où les femmes et le passé tiennent une place si importante.
Jim