Épatante adaptation d’un roman coup de poing de Joe Haldeman, vétéran du Viet-Nam reconverti dans l’écriture de science-fiction, ce cycle de trois albums chez Aire Libre est à la fois brillant dans le fond et dans la forme.
Dans le fond, Marvano a travaillé à partir du texte de base, mais aussi des échanges qu’il a eus avec le romancier, depuis lors devenu son ami. De plus, avec trois albums, il a la place pour développer son propos.
Dans la forme aussi : fortement influencé par la narration de Frank Miller, notamment celle déployée dans le Dark Knight, Marvano utilise souvent des gaufriers afin de composer ses planches. Il recourt également à l’astuce de l’écran télé afin de faire passer de l’information. Et ses cases noires évoquent bien sûr Miller, mais aussi, parfois, le Steranko d’Outland.
Le récit parle d’une guerre contre une civilisation extraterrestre, un conflit qui s’enlise et qui s’éternise, par le truchement de sauts dans l’espace qui décalent les soldats dans le temps, puisqu’ils vieillissent moins vite que leur propre civilisation. De sorte que, quand ils reviennent sur Terre, tout a changé. Le conflit est d’autant plus absurde qu’il finit par se résoudre avec un véritable contact, les deux races comprenant… qu’elles ne se comprenaient pas. Haldeman (et donc Marvano) met en parallèle la rencontre de l’autre à la construction mentale et sociale de notre monde bâti sur la reproduction sexuée et la division de la race entre deux sexes. D’ailleurs, l’évolution de la sexualité dans le temps fait écho avec la découverte des ennemis, dans une sorte de jeu de miroir.
Une saga magnifique, à lire et à le relire, à la fois pour ses idées et pour sa mise en œuvre.
Jim