LA LAME D'AZRAEL (Dennis O'Neil / Joe Quesada)

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[quote]LA LAME D’AZRAEL

Scénario : Dennis O’Neil
Dessins : Joe Quesada
Date de sortie: 24 janvier 2014
Pagination: 144 pages
ISBN: 9782365773492
Prix: 15.00 €

Jean-Paul Valley, étudiant de Gotham City, découvre que son père n’est autre qu’un exécuteur à la solde d’un culte mystérieux : L’Ordre de St Dumas. Appelé Azrael, Jean-Paul revêt une armure de combat et s’oppose bien vite au Chevalier Noir, Batman. Ils vont pourtant mettre de côté leurs différends pour affronter le terrifiant LeHah.

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Le site de l’éditeur : urban-comics.com/la-lame-d-azrael/

C’est une réédition ?

Je crois que j’ai lu ça chez les éditions USA, non ?

C’est bien ça, oui.

Arf, donc on parle bien de ça que j’ai déjà… dommage

Ça te fera des économies pour découvrir autre chose.
:wink:
Et cette réédition tape sur un truc déjà bien ancien en VF, et qui méritait une réédition. C’est, en termes de réédition, plus intéressant que pas mal de rééditions genre Kingdom Come ou Dark Knight Returns ou autres qui ont déjà été souvent exploités.
Après, quand je vois ce que les éditeurs proposent en rééditions, et quand je lis les forums, où ces rééditions, portées par leur réputation, entraînent de longues discussions et des réactions fortes, j’ai vraiment l’impression qu’il y a une grosse demande pour ça : les gens ont entendu parler de trucs, qu’ils ont peut-être lus en bibliothèque ou chez les copains, et ils ont conscience d’avoir raté une première édition, et ne veulent pas rater la nouvelle.
Ce qui fait qu’il y a un vrai marché, dynamique, pour des histoires dites « classiques », et donc par définition pas inédites. Ça me surprend (ça ne me gêne pas, je suis content de voir que certains trucs cools sont dispos), mais ça dresse un portrait du lectorat un peu différent de ce à quoi je m’attendais.
C’est peut-être le signe que ces produits, qui ont touché plusieurs générations de lecteurs, sortent de la sphère du public cible, pour toucher d’autres types de lecteurs.
Mais bon, des trucs comme ça ou comme L’Étoffe des héros, qui n’étaient plus dispo en VF depuis longtemps, c’est cool de les voir revenir.

Jim

Oui, je suis d’accord avec toi. Même si j’ai déjà, c’est le genre de rééditions qu’on pouvait attendre, qui n’avait pas encore été faite par l’éditeur précédent.

tout à fait. Moi j’ai pas et je vais prendre. Du bon Quesada ça se refuse pas.

C’est vrai, mais dans mon souvenir (je n’ai pas relu cette histoire depuis sa parution) ça casse pas des briques niveau scénario, si ?

J’ai choper la version comics USA y’a 2-3 ans et effectivement je me souviens avoir eu du mal à finir, c’était pas folichon

Souvenir mitigé de mon côté aussi (en fait, cette collection m’avait laissé un peu sur ma faim : j’étais ravi de voir du DC, mais à chaque fois, j’espérais des trucs moins anecdotiques et plus costauds, et je trouvais les histoires un peu bof bof : c’est le souvenir que j’ai de Batman : Proie, par exemple).
Du coup, j’ai ressorti quelques albums, ce matin, et j’ai relu Batman : Azrael en fin de matinée. Hé bien, c’est nettement meilleur que dans mon souvenir.

Déjà, j’avais oublié que c’était Kevin Nowlan qui encrait. Alors certes, son style est envahissant, et sur certains visages, on sent davantage Nowlan que Quesada. Mais la rencontre des deux styles donne un résultat formidable.
Ensuite, la narration de Dennis O’Neil (d’ordinaire plus linéaire, plus lourde et moins littéraire), est assez astucieuse. Par exemple, à plusieurs reprises, il joue sur le code de la narration en voix off de personnages : des récitatifs au passé, narrés par un personnage qui a vécu ce qui est montré, se concluent par un retour au présent, et on découvre qu’il s’agit d’un personnage en train de raconter à un autre (Batman à Alfred devant son écran, DeHah à son pilote d’hélicoptère après le crash…). Ça désamorce astucieusement la voix off millerienne qui était le must absolu de l’époque. Cet aspect technique m’avait échappé lors de ma première lecture.

Au-delà de cette dimension formelle, ce qui m’a frappé, c’est comment la création d’Azrael répond à d’autres épisodes marquants de la carrière de Batman.
Par exemple, la mort du père, l’entraînement et la mission, tout cela fait d’Azrael un double de Batman, un peu comme le Wrath de Mike Barr et Mike Golden.
Mais, dans le même ordre d’idée, le côté héritage ancestral d’un vengeur dominé par une cause qui le dépasse, dans une histoire qui franchit les siècles, ça évoque également Ras al Ghul, autre création d’O’Neil.
Déclinaison de Ras et de Wrath, Azrael est également un décalque psychotique et schizophrène de Batman, et pose déjà la question métalinguistique de l’évolution du genre. Un peu comme le Superman Cyborg ou l’Eradicator sont des copies dégénérées de Superman, dans le cadre des comic books des années 1990. D’une certaine manière, Azrael, c’est une sorte de réponse chez DC au glissement vers des héros interventionnistes et radicaux qui feront les beaux jours d’Image Comics.
Face à ce héros vengeur et violent, dominé par ses pulsions incontrôlables et comme possédé, on a un héros presque jamesbondien (il voyage, il a des gadgets, il fait de l’humour), assisté de son majordome persifleur. Deux bastions de la « vieille école » qui assiste impuissant (l’un enchaîné, l’autre caché dans la voiture) aux déchaînements de violence gratuite du nouveau héros.
Nouveau justicier qui, pourtant, n’est pas jugé ni condamné par la plume du scénariste. Au contraire, le récit se conclut par l’instant où Azrael retrouve son identité : alors, Jean-Paul contrôle-t-il ses démons intérieurs, ou bien a-t-il renoncé à lutter ?

Non, vraiment, beaucoup plus intéressant que dans mon souvenir.

Jim

Ta capacité d’analyse est-elle différente aujourd’hui qu’à l’époque de ton souvenir ? Surtout que tu du recul sur l’histoire et son contenu ?
Et si oui, cela pourrait-il changer ton jugement ?
Et involontairement, ne ferais-tu pas un comparatif intérieur avec les productions d’aujourd’hui qui affecterait ton jugement ?

Assurément.
J’ai lu plus de choses, j’ai écrit moi-même pas mal de choses (je n’avais rien écrit de publié, à part l’histoire avec Lauffray dans Scarce, qui est très mal écrite), j’ai réfléchi sur la narration, bref, je suis sensible à des choses différentes, si bien que mon œil et mon cerveau s’intéressent à d’autres choses, ou tout simple, s’intéressent différemment. Ma culture est un peu plus grande qu’avant, si bien ma vision des récits est (je l’espère) plus perspicace.
Et peut-être aussi que je l’avais lu trop vite, à l’époque.
:wink:

[quote=« soyouz »] Surtout que tu du recul sur l’histoire et son contenu ?
Et si oui, cela pourrait-il changer ton jugement ?[/quote]

C’est pas impossible : je vois bien qu’O’Neil avait des plans pour le personnage, qui ont trouvé une concrétisation avec Knightfall, ce que je ne savais pas à l’époque.

En soi, non.
Je crois (et c’est ce que j’ai dit) que les comparaisons se font davantage avec ce qui a précédé (Ras al Ghul, Wrath) et avec ce qui était contemporain (Azrael comme clone violent de Batman, c’est un peu la réponse au durcissement général des super-héros à l’époque, incarné par Wolverine ou par le Punisher, voire de Venom, j’y songe à l’instant).
Tout cela, je crois que j’en avais conscience à l’époque, mais forcément, avec le recul, ça gagne en pertinence.
Non, en fait, ce qui m’a étonné, ravi et éclairé à cette relecture, c’est les procédés littéraires, notamment cette gestion de la voix off (qui me semble naître de la longue fréquentation qu’O’Neil a entretenue avec Frank Miller, dont il a été l’editor et plus ou moins le mentor…). Je trouve ça vachement intéressant, parce que ça rend floue la focalisation sur l’un ou l’autre des personnages, et comme le récit utilise des jeux d’échos de l’un à l’autre (Azrael est une évocation de Batman, mais c’est aussi un être possédé, comme Biis son ennemi), ça renforce le trouble sur l’identité qui est en partie le sujet du récit.

Jim

Globalement apprécié, même si ça reste un peu daté dans l’écriture.
Sinon, il faudrait qu’Urban se décide un peu : ici, on nous parle de Gothamiens, dans Des ombres dans la nuit (partie Catwoman à Rome ), on nous parle de Gothamites.
Perso, je préfère Gothamites, c’est l’expression de base (déja du temps où New-York a chopé le surnom de Gotham sous la plume de Irving et sans doute aussi , mais je n’ai pas vérifié, le nom des habitants du Gotham en Angleterre) et elle a un cachet différent des noms en -ien, -ois, -ais, que l’on retrouve un peu partout en français.

La critique par Benoît est disponible sur le site!

Lire la critique sur Comics Sanctuary

Je ne connais pas cette traduction (je ne sais même pas qui traduit), mais ce que j’avais bien aimé, comme dit plus haut, c’est le détournement de la voix off, j’ai trouvé le système très astucieux.

Après, ce qui me frappe (surtout pour avoir relu pas mal de Denny O’Neil récemment), c’est qu’on retrouve certaines de ses fixettes : un Batman très branché gadget, des voyages à l’étranger (et notamment à la montagne, O’Neil semble beaucoup aimer la montagne)…

Jim

[quote=« Jim Lainé »]

Je ne connais pas cette traduction (je ne sais même pas qui traduit), mais ce que j’avais bien aimé, comme dit plus haut, c’est le détournement de la voix off, j’ai trouvé le système très astucieux.

Après, ce qui me frappe (surtout pour avoir relu pas mal de Denny O’Neil récemment), c’est qu’on retrouve certaines de ses fixettes : un Batman très branché gadget, des voyages à l’étranger (et notamment à la montagne, O’Neil semble beaucoup aimer la montagne)…

Jim[/quote]

Rien à redire sur les voix-offs, c’est plutôt un certain manque de profondeur qui m’a peu enthousiasmé sur certaines parties (le conditionnent de Valley est expédié en deux temps trois mouvements, on pige moins comment le système peut autant le servir dans Knightfall du coup; le nain difforme sorti d’un mauvais trip,etc…).

Oui, l’histoire est un peu expédiée. Mais ça reste assez sympa comme bouquin.
Pour revenir sur la voix off, si par moment j’ai trouvé l’effet bien foutu, le reste du temps, je trouvais ça un peu lourd et maladroit. Il y a quelques situations (faudrait que je replonge dans le bouquin) ou ça tombe à plat et ça marche moyen.