LA LIGUE DES GENTLEMEN EXTRAORDINAIRES - CENTURY t.2-3

J’avais bien aimé le premier volet, j’attends d’avoir ce dernier tome pour lire la trilogie d’un coup et avoir le schéma global en tête.

Si le premier volume de la série est à la fois original, utiliser des héros littéraires pour en faire une sorte super-groupe de justiciers ; et conventionnel - on reste dans le domaine de l’aventure avec l’utilisation des codes inhérents à celle-ci. En outre le lecteur de BD de super-héros se trouve en terrain connu, d’autant plus que les références particulièrement nombreuses sont inscrites sur le disque dur de l’imaginaire collectif depuis belle lurette. (Mais pas forcément sous leur forme littéraire première pour la plupart des lecteurs de la Ligue)

Le second volume - La Guerre des Mondes - prépare en quelque sorte à la lecture de « Century » avec sa fin particulièrement déroutante en rupture avec les récits d’aventures d’où viennent la plupart des membres de la Ligue, et surtout avec les histoires de super-héros où semblait s’ancrer la création d’Alan Moore.

Le lecteur francophone va passer brutalement de ces deux premiers volumes à Century, sans que ne lui soit accessible le Black Dossier, pièce essentielle - me semble-t-il à la compréhension globale du projet de Moore.
Essentiel pourquoi ?

Tout d’abord avec cet album on comprend que le projet de **Moore ** est d’explorer tout un pan, voire la totalité de la culture populaire et que son véhicule pour faire ce voyage est la Ligue des Gentlemen Extraordinaires. Une culture populaire devenue par la force des choses « classique ». Qui plus est **Moore ** pousse l’expérimentation et l’exploration assez loin avec cet opus ; et embrasse un grand nombre d’époque en utilisant les « techniques » qu’elles ont produites.

C’est encore le cas avec le premier CenturyMoore utilise L’Opéra de Quat’sous pour rythmer son récit. Je serai tenté de dire qu’avec cet album Moore réalise son « épisode chanté » à l’instar de Buffy (S06 E07). Néanmoins il est clair que L’Opéra de Quat’sous parle moins que les comédies musicales hollywoodiennes.

Century 1969, se déroule dans une époque beaucoup plus proche de nous et la difficulté que cet album apporte c’est que contrairement au deux premiers volumes la culture populaire de cette époque s’inscrit dans une nébuleuse faite de contre-culture et d’underground loin, très loin de faire partie des Classiques. Or donc, contrairement à ce que l’on serait en droit d’attendre une partie des années 60/70 est restée dans l’ombre. Notamment tout le côté magic de la musique rock, pièce essentielle de cet album. Même si les lecteurs de G. R. R. Martin avait eu un aperçu de la chose. Sans compter des concepts telle que l’immortalité quantique ; une expérience qu’Alan Moore a vécu de très prés.

Alors même si je n’ai pas était enthousiasmé par Century 1910, la lecture de Century 1969 m’a cependant conforté dans la confiance que j’ai mise dans le talent du mage de **Northampton **; et qu’il serait de bon aloi que j’attende ce nouvel album pour me faire une idée de ce que Moore veut raconter. Même si déjà je peux présumer que la **LGoE ** est aussi (surtout ?) la cartographie cognitive de l’auteur dissimulé sous les atours de l’aventure d’abord romanesque et trépidante puis un peu plus conceptuelle.

Bel avis.
Personnellement, j’ai du mal avec les oeuvres actuelles de Moore, et la Ligue sur Century en particulier, parce que j’ai l’impression que Moore tient plus à rendre hommage/utiliser de multiples références culturelles et populaires partout qu’à raconter une histoire. Et vu que je n’ai pas forcément toutes les clés pour saisir toutes ces références, je m’ennuie un peu, car l’histoire me semble être clairement devenue un intérêt secondaire pour lui.

Au sujet d’une VF du Black Dossier Delcourt dit:

Disons que nous sommes en cours de discussion = :slight_smile:

J’ai du mal à comprendre les réserves sur les deux premiers volumes de « Century », même si j’ai moi aussi préféré « 1969 » à « 1910 ».

Je ne trouve pas la démarche de Moore sur ce volume 3 de la League très différente de celle qu’il a entreprise sur « From Hell » (ce que je préfère de Moore, et pourtant la concurrence est rude), où les références, plutôt que d’enrichir la narration, en sont plutôt le moteur MAIS, miracle, le fait de ne pas toutes les intégrer ne gêne pas la compréhension globale de la chose.

Ben niveau scenar, From hell est quand même pas mal de crans au dessus que ce Century, dans lequel du coup les références sont plus « visibles » si je puis dire.

Mais en quoi est-ce gênant que les références soient « visibles » ? Si le projet est de bâtir une sorte de « voyage dans la culture poupulaire », il vaut mieux qu’elles le soient…

Surtout que pour un connaisseur de Jack L’E, les références sont sûrement visibles.

Comme elles le sont dans Century pour un connaisseur de culture pop !

Les références, dans From Hell, ne sont pas forcément que ripperologiques. Quand on croise Aleister Crowley enfant, Oscar Wilde, Elephant Man… c’est blindé de références ! (et je ne parle même pas de la visite de Londres par William Gull)

Ah bah oui, c’est vrai que la visite de Londres m’avait bien plu. Et j’avais oublié Elephant Man ! (Crowley, j’ai mieux connu plus tard)

la visite de Londres a été l’un de mes plus grands moments de lecteur de bd.

J’étais même revenu en arrière totalement éberlué d’avoir vu Londres dans les moindres détails alors que Campbell ne fait que la suggérer bien souvent.

Totalement bluffé.

edit : ca me fait penser dans les grandes réussites de la bd au monologue de la vieille dame dans cages, durant lequel on s’ennuie pas un instant alors qu’il s étend sur près d’une quarantaine de pages.

Ou encore, toujours dans cages, la scène de la boite de Jazz, où plongé dans la lecture on en vient à entendre la musique.

Quand je lis des bd de ce niveau je me dis que rien ne peut ne serait ce que rivaliser avec cet art narratif.

J AIME LA BD.

Moi aussi.
Cependant, dans From Hell, Moore s’attardait aussi sur ses références que sur son histoire. Ce qui n’est pas le cas dans Century, où l’équilibre ne tient plus autant.

Oui, je suis d’accord avec toi, et en effet, dans pas mal de cas ça fonctionne même très bien. Ce que je reproche à Moore sur ce run de la Ligue c’est justement la « minceur » du scénar’, qui fait qu’on a l’impression de se retrouver devant un catalogue de références gratuites. Là où, comme tu le souligne ou en parle Alex, From Hell proposait des références qui enrichissaient l’histoire, ce Century se contente de les aligner.
Je trouve qu’on est à des lieues de ce à quoi il nous a habitué, mais cela étant, si on lit par exemple son récent Néonomicon, c’est aussi très très moyen (pour ne pas dire mauvais), je crains que le vieux sorcier de Northampton ait du mal à se renouveler à l’avenir.

mais néonomicon ce n’est pas lui qui l’a écrit, si je me trompe pas.

Je n’ai pas lu « Neonomicon », mais je crois bien que c’est lui qui l’a écrit…y’a son nom sur la couv’ en tout cas.

Je comprends qu’on puisse rester sur sa faim avec l’intrigue proposée par Moore, que je qualifierais plutôt que de maigre, assez simple (mais pas simpliste) et linéaire. C’est d’ailleurs de ce point de vue-là que je ne comprends pas les critiques d’hermétisme. En quelque sorte, Moore trouve un point d’équilibre entre le foisonnement des références et la simplicité de l’intrigue : y’en a pour tous les publics en fait.

Je me demande dans quelle mesure ce n’est pas le changement de « casting » qui constitue la principale déception du gros des lecteurs vis-à-vis de ce « Century ». C’est rien de dire qu’il est beaucoup moins charismatique…
Mais j’essaie pour ma part de ne pas mesurer les qualités intrinsèques d’une oeuvre à l’aune de mes attentes vis-à-vis d’elle : Moore souhaitait avancer dans le temps et visiter d’autres pans de l’imaginaire poupulaire, il fallait donc oublier les Hyde, Nemo et consorts.

Après, je ne vais pas essayer de vous convaincre que « Century » (et tous les volumes de la « League » d’ailleurs) est supérieur à « From Hell » puisque je pense le contraire. Mais Moore continue pour moi à être cet auteur fascinant et je ne décèle pas cette perte de vitesse qui semble faire consensus le concernant (pas qu’ici, j’entends).

Oui, un boulot alimentaire à un moment où il avait besoin d’argent rapidement:

L’interview complète est disponible sur le site wired

Les fameux impôts et autres factures à payer : ça a le mérite de la franchise…

Ouais…mais autant pour la soi disante intégrité légendaire du bonhomme! :unamused:

sauf que quand les impôts tombent, ils ne font pas le détail. je comprends qu’il accepte n’importe quel boulot rapide pour se tirer de la merde. (je peux t’assurer qu’il y a quelques traductions où ça a été exactement ça, des adaptations de jeux vidéo, notamment). le problème, sur Neonomicon, c’est qu’il a dû livrer le boulot très vite aussi, sans le peaufiner (et après, les dessinateurs de chez Avatar sont souvent doués pour écrabouiller toutes les nuances qu’il pouvait y avoir dedans)

Le scénario lui-même n’est certes pas terrible, mais il contient de très bonnes idées relativement bienvenues sur le sujet (plus que la somme de tous les machins lovecraftiens sortis depuis longtemps). Je crois qu’une suite, « HPL », est prévue.