LA MACHINE À EXPLORER LE TEMPS (Dobbs / Mathieu Moreau, d'après Herbert George Wells)

J’ai récemment trouvé cet album, qui fait partie d’une collection orchestrée par le scénariste Dobbs et adaptant différents romans de Herbert Georges Wells, appartenant au genre de la science-fiction.

La collection d’origine est parue chez Glénat, mais j’ai l’édition publiée en co-édition avec Le Monde, sous le titre générique des « Grands classiques de la littérature en bande dessinée » (la série avec les couvertures à fond noir, mais j’ai L’Île du Docteur Moreau dans la série avec les couvertures à fond blanc). Techniquement, j’apprécie beaucoup le papier mat, qui fait bien respirer le dessin sans l’éclairer de brillances encombrantes.

L’adaptation est franchement sympa, collant au déroulé du roman, mais aussi, fatalement, du film de George Pal, lui-même assez fidèle au texte. On retrouve l’ouverture classique, avec l’arrivée des invités du héros, la courte absence de ce dernier, qui revient bientôt avec une barbe fournie et un estomac vide avant de raconter son lointain périple dans l’avenir à la fois idyllique et terrifiant des Eloïs et des Morlocks.

Le récit va vite mais sans jamais donner l’impression de se précipiter. Dobbs prend le temps de montrer l’arrivée du héros chez les Éloïs, le sauvetage de la noyade, la découverte de la bibliothèque (dont la version filmée m’avait impressionné, enfant). Le scénario trouve même le temps de raconter, brièvement, les derniers bonds temporels dans un futur encore plus lointain, qui réserve son lot de visions horrifiques.

Graphiquement, Mathieu Moreau (dont le nom semblait le prédestiner à l’adaptation d’un Wells) assure bellement. Il affiche un style réaliste mais pas trop, avec de très belles ombres. Sa vision des forêts et des rivages du futur est très belle. Parfois, sur certains décors colossaux (la bibliothèque interminable, par exemple), il place sa caméra un peu trop loin des personnages qui s’agitent alors comme des lilliputiens, mais dans l’ensemble, il réalise de belles planches. Ses Morlocks sont davantage des créatures squameuses aux dents proéminentes que la version filmée, mais ils demeurent sacrément effrayants. Je note que Mathieu Moreau semble ne avoir fait qu’un autre album après celui-ci, Le Renard de Morlange, et c’est bien dommage : ses progrès, depuis Le Cycle de Nibiru, sont prometteurs.

La production de cette réédition est chouette, avec le beau papier que j’ai souligné, mais une page, appartenant à une très belle double, a été gâchée par un fichier de lettrage décalé. Le dossier pédagogique, en revanche, quoique court, est très sympathique et met l’accent sur la parabole politique du roman.

Jim