Darkthrone - « Astral Fortress »
Bigre !!! Quelle splendide brochette d’albums pour les norvégiens de Darkthrone depuis 2016 et le certes bancal « Arctic Thunder » : « Old Star », « Eternal Hails » et aujourd’hui (littéralement aujourd’hui) « Astral Fortress » représentent un visage du groupe tout particulièrement passionnant.
Nocturno Culto et Fenriz (respectivement chanteur/guitariste/bassiste et batteur, les deux loustics se partageant la composition à parts égales) présentent eux-mêmes la musique qu’ils pratiquent aujourd’hui comme du « old metal ». Pas « old school », attention, mais « old » tout court ; et il y a effectivement quelque chose qui semble surgir du fond des âges à l’écoute de ce « Astral Fortress ». Leur proto-heavy metal mâtiné de thrash, de doom et de black se pare depuis l’album précédent de quelques touches de synthé (ou de Mellotron) particulièrement bienvenues, et se joue toujours live en studio, sans métronome (comme ils le clament fièrement : « no metronome since 1987 »). La vibe très particulière du tandem doit évidemment beaucoup à cette façon de faire : « une grosse caisse doit sonner comme un battement de coeur, pas comme une mitraillette », disait déjà Fenriz dans les années 90… le pauvre ne doit guère goûter à l’évolution des techniques de studio qui ont le vent en poupe dans le milieu du métal extrême ces vingt dernières années, c’est rien de le dire.
Ceux qui ne jurent que par leur Darkthrone « canal historique » circa 92/94, en mode pur black metal, seraient peut-être bien inspirés de jeter une oreille à ces derniers disques extraordinaires, rejetons du méconnu et pourtant sublime « Ravishing Grimness » (1999) dans la discographie du projet. Fenriz et Nocturno Culto le confessent volontiers : la plus grande influence du groupe aujourd’hui, c’est son propre back-catalogue. Et pourtant : le duo engendre systématiquement des albums uniques, sans véritable équivalent dans leur propre corpus, riche désormais de 20 (!!!) albums…
On saura également gré à l’impayable Fenriz d’avoir su éviter le piège de la « starification » qui le guettait au tournant, du fait de sa personnalité singulière et de ses « écarts » médiatiques étonnants (cf. à ce titre sa rocambolesque carrière politique) ; aujourd’hui, entre auto-dérision et conscience de sa propre aura (et de celle de son groupe principal, il a su se positionner à la bonne distance de son propre culte si l’on peut dire, sans se vautrer dans les pitreries un brin pathétiques/éthyliques d’un Abbath (ex-Immortal). Il peut donc se permettre de tourner une courte vidéo con comme la Lune mais hilarante pour annoncer la sortie de cet « Astral Fortress » (déclamant avec emphase dans la forêt, il se prend un ballon de foot dans la tête, prend une posture de kung-fu fighter et menace : « faites gaffe, je connais le Feng Shui !! ») sans altérer d’une once le magnétisme intense de sa musique.
Car il ne faut pas s’y tromper : ce qui compte encore le plus aujourd’hui et à tout jamais concernant Darkthrone, c’est sa musique. Tragique, somptueuse, rugueuse, épique… en un mot : sublime.
