LA REINE DES NEIGES 2 (Chris Buck et Jennifer Lee)

Pas facile pourtant, parce qu’il y en a beaucoup.

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Va falloir que je cache les 4 part 3 aux yeux de ma fille, en novembre !

Vu hier soir avec madame — on a attrapé la dernière des quelques séances en VOST sur Marseille. Je le précise compte tenu des dialogues de sourd plus haut dans le topic (à un moment où on ne commentait pas l’effet sonore, en matière de chanson, de la même version :crazy_face:), et compte tenu aussi du fait que les sous-titres m’ont plus d’une fois fait tiquer. Pris d’un sinistre pressentiment, je suis donc allé comparer au moins avec la « VF complète » sur certaines chansons et… il y aura des pleurs et des grincements de dents sur la question, désolé. Le terme qui me vient à l’esprit est « carnage », et on va devoir parler de « choix de traduction » ™ qui ne font rien moins que changer carrément le sens du film.

Mais n’anticipons pas.

Pour situer, je commencerai par rappeler que, comme argué avec force détails dans la discussion de février dernier sur ce même topic, j’aime beaucoup le premier opus — même si je suis tout prêt à lui reconnaître un certain nombre de défauts.

Je trouve ce deuxième film très nettement supérieur. :smiley:

Mettons tout de suite des bémols pour les esprits grincheux. Oui c’est un film « pour enfants » de 1h40, pas une série où l’hiver annoncé a cinquante heures pour arriver : il y a des choses qui s’enchaînent un peu (trop) rapidement et des facilités. Oh, et, avertissement pour les allergiques, des chansons à plusieurs voix, aussi.

Ceci posé, si tout, comme il se doit dans le genre, y finit bien, le chemin pour en arriver là est assez épique et étonnamment sombre.

Elsa règne sur Arendelle. Sa sœur Anna, Kristoff, qui s’apprête à demander cette dernière en mariage, Sven et Olaf ne sont pas loin, et tout semble aller pour le mieux. Mais une voix séductrice résonne dans sa tête, et une nouvelle catastrophe frappe la cité. Pour tenter d’y remédier, le groupe va devoir s’enfoncer dans une forêt hantée par les esprits, et dévoiler quelques douloureux secrets du passé.

Sorti aux U.S. juste avant Thanksgiving, ce qui n’est sans doute pas une coïncidence, le film traite notamment de la réécriture de l’Histoire en matière de « rencontres interculturelles ». Sans trop divulgacher — on sent bien dès le début qu’il y a anguille sous roche —, la version officielle des échanges entre les gens d’Arendelle (habillés « à l’occidentale moderne ») et les habitants de la forêt (directement inspirés de la culture Sámi) a laissé quelques détails désagréables dans l’ombre.

Sur un plan plus intime, il est aussi question des grandes étapes de la vie (passage à l’âge adulte via Olaf, relation de couple et engagement via Anna et Kristoff, deuil), d’acceptation du changement, et peut-être, allégoriquement… de sortie de la dépression (j’ai songé à Kiki la petite sorcière).

Et là, il va falloir commencer à parler de la VF. :roll_eyes:

Certains choix peuvent relever de détail que j’admets volontiers insignifiant : l’esprit de l’air « Gale » (c.à.d. « rafale », voire « tempête ») rebaptisé « Courant d’air », c’est… un peu bizarre, mais ça ne porte guère à conséquence. En revanche, que ce qui est clairement l’une des formules-clés du film, « do the next right thing », certes sans doute « intraduisible » mot à mot, soit traduite… eh ben, déjà, d’une manière complètement différente à chaque fois qu’elle est utilisée, ce qui en ruine l’effet, on rentre tout de même dans des eaux plus dommageables. Et surtout dans le cas de la chanson qui porte ce titre.

Alors j’ai bien conscience qu’adapter des paroles chantées est un exercice particulièrement difficile. Il faut placer des rimes, tenir compte du rythme, respecter peu ou prou le nombre de syllabes, et on ne peut pas chanter n’importe laquelle sur n’importe quelle note, soit. Il n’empêche que c’est un exercice que certains réussissent… et d’autres non. Dans le cadre d’une superproduction avec les moyens et les ambitions dont il est question ici, je trouve donc dommage de confier ce genre de traductions à David Goodenough. Ou, en l’occurrence, à Houria Belhadji, déjà responsable entre autres de la VF de l’épisode précédent ---- avec notamment son « Libérée, délivrée » passant déjà fameusement à l’ouest de toutes les connotations de la chanson originale concernant la psychologie du perso. (Je découvre au passage, benoîtement, qu’il y a une seule personne aux commandes de la traduction sur ce genre d’énormes projets comme sur un vulgaire comic Panini. J’aurais naïvement imaginé une petite équipe.)

La chanson « The Next Right Thing », devenue en VF « Tout réparer », intervient au point le plus sombre de l’histoire. Elsa a disparu. Olaf est mort. Kristoff et Sven ont été laissés en arrière. Les deux sœurs ont découvert des vérités inattendues sur la mort de leurs parents (et ont été magiquement témoins de leurs derniers instants), ainsi que sur le rôle criminel de leur royal grand-père dans le conflit entre les deux peuples. Anna est en deuil, isolée, sans pouvoirs, et doit prendre la responsabilité d’une décision qui, pour être « juste », pourrait signer la destruction de sa propre cité. Je rappelle qu’on est dans un film supposément adressé à un public « à partir de 3 ans ». Sussurés d’un ton brisé par une Kristen Bell en mode parlé-chanté, les mots sont froids, courts, concrets. « I’ve seen dark before, but not like this. This is cold, this is empty, this is numb. The life I knew is over, the lights are out. Hello, darkness. I’m ready to succumb. » Même quand le refrain s’élève, les ambitions qu’il exprime, renouant avec la formule introduite plus tôt, sont… mesurées : « But a tiny voice whispers in my mind: / You are lost / Hope is gone / But you must / Go on / And do the next right thing. » « Take a step / Step again / It is all that I can to do / The next right thing. » Petit pas par petit pas, étape par étape, il s’agit de persévérer en se donnant à chaque fois pour objectif de faire « au mieux », dans la mesure du possible, encore et encore… à défaut d’être en mesure de dire « Je peux tout réparer »… comme le fait justement la VF de la chanson. :scream:

Je ne suis pas traducteur. Je ne sais pas comment j’aurais traduit élégamment « the next right thing ». A fortiori dans le cadre d’une chanson. Mais s’agissant d’une formule centrale pour le propos d’un film, dont la production est estimée à 150 millions de dollars, destiné à être vu par plusieurs millions de personnes, et potentiellement à toucher notamment un nombre important de « jeune public », je me permets de penser que ça aurait valu le coup de prendre le temps d’y réfléchir un peu plus, plutôt que de sortir un refrain qui porte exactement le message contraire.

Quant aux possibles « sous-textes » gay du premier Frozen, à défaut de mention explicite ou de petite amie pour Elsa, ils sont toujours là (dans deux autres chansons) et ont pris encore de l’ampleur… mais là encore : en VO seulement. Si Let It Go a pu être interprété comme une chanson de « coming out », je peux facilement imaginer Into the unknown ou à plus forte raison Show yourself joué à un mariage (pour tous). Même si la révélation quant à l’identité de la personne qui attend au bout du chemin peut rendre la chose un peu gênante… Qui a dit queerbaiting ? Peut-être — encore une fois je ne suis pas le mieux placé pour porter un jugement. Mais à choisir, ça me semble toujours mieux que le résultat en VF, où (déjà que la voix de Charlotte Hervieux n’a pas vraiment l’expressivité frémissante de celle d’Idina Menzel…) la suppression de tout possible soupçon de début d’innuendo en ce sens est systématique, à un point tel qu’il est difficile de ne pas s’interroger sur la possibilité d’un choix très délibéré sur la question.

Morceaux choisis
  • « I’m sorry, secret siren, / But I’m blocking out your calls » => « Tu peux hurler dans la nuit mais / Jamais je ne répondrai » (avec une opposition à la rime avec « ceux qui comptent pour de vrai », pour faire bonne mesure, et après avoir bien dépersonnalisé la « sirène » de la V.O. quelques vers plus tôt : « You’re not a voice, you’re just a ringing in my ear » devenant « Tu n’es personne »…)

  • « I’m afraid of what I am risking if I follow you » => « Je ne veux plus partir et m’élancer vers l’inconnu » (ah bah vous voyez madame que vous arrivez à traduire le titre de la chanson… c’était juste pas le bon vers pour ça…)

  • « Or are you someone out there / who’s a little bit like me? / who knows, deep down, / I’m not where I meant to be? » => « Vient-elle de quelqu’un au loin / qui me ressemble en tout point ? / qui, mieux que moi, / pourrait savoir d’où je viens ? » (passage à la trappe du très possible double sens sur out, qui revient deux fois dans la chanson, et glissement de la question du comportement présent, des fréquentations, en question sur le « mystère » des origines… question qui accessoirement ne se pose pas à ce moment-là du film)

  • « Don’t you know there’s a part of me that longs to go… into the unknown? » => « Une partie de moi s’en va sans le vouloir… dans un autre monde » (c’est juste l’inverse)

  • « Are you out there? Do you know me? Can you feel me? Can you show me? » => Si tu es là? Prouve-le-moi? Rassure-moi? Emmène-moi?" (b$£¤!# mais le résultat n’est même pas français !)

  • « Something is familiar / Like a dream I can reach but not quite hold » => "Tout semble familier / Comme un chant, un poème appris par cœur " (il dit qu’il voit pas le rapport)

  • « I have always been a fortress, / Cold secrets deep inside. / You have secrets too, / But you don’t have to hide… / Show yourself, / I’m dying to meet you / Show yourself, / It’s your turn, / Are you the one I’ve been looking for all of my life? » => « Tu protèges dans ta forteresse / Des secrets par milliers » (c’est juste l’inverse, bis) / « Les rêves les plus fous » (il dit qu’il voit pas le rapport, bis) / « Mais pourquoi te cacher ?.. / Je te cherche / Pour toi j’irai partout / Je te cherche / Montre-toi / Toi qui hantes mes jours et mes nuits depuis longtemps » (alors oui au niveau de l’idée de base il y a des choses en commun… mais les sentiments véhiculés et la dynamique générale sont complètement différents)

  • « I’ve never felt so certain, / All my life I’ve been torn; / But I’m here for a reason: / Could it be the reason I was born? / I have always been so different, / Normal rules did not apply. / Is this the day, / Are you the way, / I finally find out why? » => « Je suis pleine de certitudes / Je comprendrai bientôt / Et dans cette solitude / Je suis prête à faire le grand saut / J’étais sur une autre planète / Étrangère même chez moi / Mais aujourd’hui / Je change de vie / Je sais enfin pourquoi » (gné ? je renonce)

Abstraction faite de ces errements pour le public francophone (soupir), le film en lui-même est très bon : animation top notch, décors automnaux magnifiques, intrigue efficace et serrée (sans le sentiment de construction un peu bancale dont souffrait le volet précédent), qui voit le groupe initialement soudé éclater et se dissoudre au fur et à mesure des épreuves, chansons extras (je reste un peu perplexe face à la power ballad complètement typée années 80, dans la musique comme dans la mise en scène, dont hérite Kristoff, mais soit :sweat_smile:) dont plusieurs sont bien parties pour rester dans l’oreille quelques années, propos pertinents, humour, action, émotion, des choses différentes à apprécier pour petits et grands. C’est peu dire que Disney ne s’est pas contenté de servir une suite au rabais.

Je ne peux que conseiller à ceux qui ont apprécié le premier volet, et même à ceux qui ne l’ont pas apprécié, d’aller voir celui-ci s’ils ne l’ont pas déjà fait au cours de la quinzaine écoulée.

En V.O, par contre, de préférence.

J’aurais dû lire ça avant de me faire embarquer par les enfants pour aller voir « La Famille Addams ». :grin::grin::grin:

Il n’arrivera pas à m’embarquer !
Ma fille de 4 ans est déjà contaminée (j’aurais jamais dû l’inscrire à l’école), donc même pas la peine que je lui dise qu’un film existe !

O___o
Là, c’est juste énorme de traduire ce passage ainsi !

Comme toi, je suis surpris que Disney, sur un tel film, n’engage qu’un seul traducteur plutôt qu’une équipe, et que les choix ne soient pas plus réfléchis que ça…

Ils ressemblent à la piste audio française, ou sont très différents ?

Ah, j’ai entendu parler de ce passage : une amie a apparemment explosé de rire à ce moment du film.

Tori.

Je ne peux juger que sur les chansons (les seuls passages pour lesquels j’ai accès à la version française), et à partir de mes souvenirs de la projection. Mais globalement, mon impression sur ce point est que les sous-titres « reprennent » quelques éléments-clés de la version doublée (typiquement les formules qui donnent leurs titres à la VF, comme « dans un autre monde » pour traduire « into the unknown »), mais que le reste des paroles est traduit plus près du texte original que dans les chansons en VF.

Ce qui n’est pas illogique, dans la mesure, encore une fois, où la version chantée doit jongler avec plus d’impératifs. Mais ça n’excuse pas tout.

Ça le vaut. :stuck_out_tongue:

Vu au Grand Rex le 1er janvier (1ère séance dans ce cinéma, vu que je suis provincial : il est superbe !).

C’est très bon.
Je ne jugerai pas les chansons (ça chante beaucoup) mais ce qui m’a marqué moi, c’est l’autodérision de Disney.

Je trouvais que les mondes de Ralph 2 avait déjà mis la barre haute avec le pavillon des Princesses, les 2 meilleures scènes du film. Et là c’est exactement pareil.
On a quand même 3-4 passages où les personnages se moquent d’eux -mêmes et c’est hilarant : la chanson de Kristoff est incroyable mais le résumé du 1 par Olaf c’est à pleurer façon Shrek.
Et on sourit quand Elsa se moque d’elle-même quand elle chantait Libérée Délivrée.

Je trouve cela sain (ou cela montre que Disney sait que quoiqu’il fait ça engrangera des maxi-brouzoufs).

Au-delà de cela, c’est très très beau graphiquement. L’histoire reste convenu mais ça rempli les cases, et c’est émouvant, j’ai failli verser ma larme.

Par contre, j’avais vu les 2 Tours quelques jours avant et Elsa c’est clairement Gandalf le Blanc.

Ma fille veut qu’on l’achète à sa sortie en BR donc on dira que c’est un bon film ^^!

Faut pas aller à l’école. On n’y apprend rien de bon.

Jim