LE CHARIOT DE THESPIS t.1-4 (Philippe Bonifay / Christian Rossi)

Fils d’un riche propriétaire sudiste, Drustan a seize ans. Il est persuadé que son père le protégera (quitte à payer) de la conscription, mais le sud perdant du terrain, l’armée recrute de plus en plus jeune, et le garçon est menacé d’être incorporé. Il refuse, non pas courage mais par lâcheté, et doit fuir.

ThespisPlancheOuverture

Ainsi débute le Chariot de Thespis, une série écrite par Bonifay et dessinée par Rossi. Quatre albums seront publiés de 1982 à 1988, laissant le talent de l’un comme de l’autre se développer au fil des récits.

ChariotTome1

Le premier tome rassemble trois personnages, le jeune Drustan en constante fuite, Hermès le vieil acteur halluciné qui l’accueille dans sa troupe, et Joe Adam, un baroudeur à la poursuite d’un chef de gang, lui aussi bien contraint de se prêter au jeu du dramaturge fantaisiste. C’est d’ailleurs l’explication du titre donnée par Hermès dans le premier tome : Thespis est censé être l’inventeur du théâtre grec, et notre trio compose une troupe itinérante qui s’inscrit dans ses pas, pour ainsi dire (Thespis a donné l’adjectif anglais « thespian », Alfred Pennyorth parle souvent de ses « thespian years », mais j’ai la flemme d’aller vérifier s’il existe une adjectif « thespien » dans la langue de Jean-Baptiste Poquelin…). Ces trois olibrius vont traverser la série et l’Amérique de l’immédiat post-Sécession. Ils composent un trio facilement identifiable, celui représentant les trois âges de l’homme (les lecteur de Blek le Roc ou de Photonik voient de quoi je parle). À la différence que le « héros » n’est pas l’homme d’âge moyen mais l’adolescent. Enfin, quand on parle de héros, disons plutôt qu’il est, au moins au début, le véhicule de la narration, et que la structure appelle le lecteur à s’identifier à ses émotions. Il est central. Héroïque, c’est un autre débat.

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La série se compose de quatre histoires séparées, mais qui pourraient se lire en diptyques : les deux premiers tournent autour de la fuite et du désordre régnant sur le pays enferré dans sa guerre civile. On y retrouve notamment le personnage de Matt, l’esclave noir qui s’est enfui avec Dustran. Si les sujets abordés sont plutôt sérieux (l’esclavage, les guerres indiennes), le ton reste encore souriant, jouant sur certains ressorts de la comédie (les trois personnages improvisant une troupe théâtrale dans le dénuement, ça donne plein de situations cocasses. L’ambiance changera dans le second diptyque, dont je parlerai demain.

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Question dessin, Rossi livre deux tomes entièrement sous l’influence de Giraud. C’est donc élégant et dynamique, mais sans originalité. Propre, net, un brin servile. Là aussi, ça changera au troisième tome.
Rendez-vous demain.

Jim

PS : Les exemples que je montre plus haut (les pages appartiennent à la même séquence) montrent que la réédition a renoncé au chouette lettrage manuel d’époque, plein de calages pourris mais affichant une vie et un naturel réjouissants, au profit d’un lettrage informatique aussi contestable que maladroit. Déjà, pourquoi tout lettrer en italique ???