Quel plaisir. C’est vraiment un régal, cet album.
Alors oui, l’histoire est simple, presque facile, et sa résolution n’apporte aucune surprise. Mais l’intérêt réside dans l’argot simoninien, ou audiardien. Les bulles sont épaisses, denses, longues, et pourtant, pas étouffantes : on se laisse bercer au rythme des métaphores, à l’élan de la gouaille, à la mélodie de la jactance d’époque. Les personnages ne s’écoutent pas parler, ils s’écoutent dialoguer les uns les autres, dans un vibrant hommage à une manière surécrite de faire vivre la faune semi-mafieuse des années 1960. Ça cause fleuri, ça évoque imagé.
Les personnages sont sympathiques, on a envie de les suivre. Faut reconnaître que c’est plutôt un monde d’hommes, mais les femmes ne sont pas en reste et le font savoir, qu’il s’agisse de Marinette, de Pauline ou de Viviane, toutes de forts caractères.
Le dessin de Fred Simon, qui navigue dans les eaux fluctuantes du semi-réalisme, et qui me semble avoir fait un bond en avant depuis Le Poisson-Clown par exemple (qui était déjà une belle démonstration de narration limpide et de trait évocateur) convient à merveille à cette reconstitution d’une autre époque. L’album joue la carte du pastiche sans jamais tomber dans la caricature. Il y a une dimension « à la manière de » qui tourne à l’hommage sans virer au plagiat.
L’album propose en guise de conclusion un texte de Matz décrivant un peu le cheminement du projet, évoquant l’influence d’Albert Simonin, ses propres premiers pas dans le roman noir et son rapport au « polar à la française », puis un lexique. Dont pour ma part je n’ai pas eu besoin tant l’argot utilisé m’a semblé naturel et compréhensible (signe que je grimpe lentement mais sûrement dans la pyramide des âges…). Matz a le bon goût de profiter du besoin de ses personnages « de faire des phrases » pour bien mettre en contexte les termes les plus exotiques de leur lexique : ça passe crème.
C’est marqué 1 sur le dos. Si le deuxième arrive, j’en serai.
Jim