LEGION OF SUPER-HEROES #1-12 (Brian Michael Bendis / Ryan Sook)

J’ai lu il y a une semaine environ les six premiers épisodes, et pour faire court, disons que j’ai eu une lecture très agréable.

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Bendis débute son récit en reprenant en gros là où il s’était arrêté dans Superman, à savoir que Jon Kent proclame le « jour de l’unité », date à laquelle les représentants de ce qui deviendra les Planètes Unies ont décidé de discuter ensemble (au lieu de se mettre sur le museau comme il est d’ordinaire de rigueur dans les comics… et dans le monde réel aussi, au final…) et que les membres de la Légion des Super-Héros, qui connaissent cette fête millénaire (au sens propre), surgissent du futur afin de rendre hommage au « fondateur » en l’invitant dans leur époque.

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Bon, pour être tout à fait honnête, l’intrigue débute avec une sorte de scène prégénérique située dans la version moderne de Gotham, appelée « Planet Gotham », où Ultra Boy, soutenu par Karate Kid, Star Boy et Wildfire, affrontent les Horraz (ça ressemble à une insulte, mais on comprendra plus tard que c’est un groupe entre la race et le gang) et récupère… le trident d’Aquaman.

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Ensuite, Superboy arrive, fait la rencontre de l’équipe (dont il ne retient pas les noms), pose des tas de questions, n’écoute pas la présentation qu’ils ont préparé pour lui, bref, Bendis joue un peu la montre. Mais contre toute attente, ça fonctionne très bien. Ce que je vais dire pourrait s’étendre à l’ensemble des six épisodes : ce que Bendis raconte, il aurait pu le faire en quelques pages. Mais il s’amuse avec des idées qui retardent constamment les révélations, en jouant sur les quiproquos, les incompréhensions, les méprises. Cela permet de faire durer l’action, mais également de retarder les révélations destinées au public (celui qui connaît s’étonnera de la nouvelle version de R. J. Brande, celui qui ne connaît pas découvrira les dessous de la scène de l’attentat déjoué, et tous deux devraient en tirer un certain plaisir). Dernier point positif, ça évite les longs tunnels d’explication, et ça, c’est plutôt rusé.

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Un autre truc particulièrement rusé, c’est le « Frichtman Tag ». C’est une vieille technologie (pour les gens du XXXIe siècle), mais c’est surtout un clin d’œil méta à destination du lecteur qui est passé par quelques versions récentes (de Legion ou d’autres séries de groupe), dans lesquels les personnages, dès qu’ils apparaissent, sont accompagnés par un récitatif donnant leur nom, raison social et pouvoirs. Le « Frichtman Tag », c’est un hologramme qui apparaît au-dessus de l’épaule du protagoniste afin d’être présenté à un interlocuteur inattendu. Superboy apprécie l’attention, et le lecteur un peu paumé (genre : moi) aussi. D’autant que cette astuce narrative se couvre d’une signification méta très drôle.

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L’intrigue, en soi, est simple. Attaque des Horraz qui veulent récupérer le trident d’Aquaman, bévue diplomatique avec le père d’Ultra Boy, ce qui met à mal certaines relations politiques au sein des Planètes Unies, fâcherie de R. J. Brande qui n’est plus, au propre comme au figuré, le débonnaire vieillard joufflu qu’on connaît, etc etc. Superboy oublie constamment de regarder la présentation préparée pour lui, ce qui retarde le déroulement de l’intrigue et les révélations éditoriales et narratives. Ça tient sur six épisodes, Wolfman et Pérez en auraient fait deux, Binder et Swan auraient bouclé l’affaire en douze planches. Mais Bendis, là encore, comme dans Superman, tire une saveur évidente de ses propres tics, il est vraiment conscient de ce qu’il fait, tout cela s’apparente à des choix réfléchis et maîtrisés. Les six numéros contiennent de très bons moments (l’entrevue entre R. J. Brande et Rose Forrest, notamment), les scènes de baston sont plutôt chouettes, et l’environnement politique semble bien construit, là aussi pensé en amont. Le statut de la Légion est périlleux : considéré comme des garnements à surveiller au début, ils gagnent en crédibilité au fil des six chapitres (grâce notamment à la réapparition des océans), leurs actions ayant tout de même des conséquences inquiétantes à la fin du récit.

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Un autre aspect formidable est bien entendu le dessin. Ryan Sook livre des designs très convaincants, son trait évoque un Adam Hughes à l’ancienne, il est super dynamique mais très travaillé. Il nous présente un monde utopique dans son apparence, fidèle en cela à la vision du XXXe siècle du début de la série, mais on découvre que cette « New Earth » a également un passé, des blessures, les traces de malheurs qui, sans être contradictoires avec l’utopie, en sont plutôt la justification, le moteur. C’est visuellement très fort et assez ingénieux.

Vraiment, une belle reprise, lisible, agréable, travaillée, avec des personnages sympathiques et un fond qui ne demande qu’à être développé. Bendis, sur la longueur, ce n’est pas toujours convaincant, mais mon sentiment positif à l’égard de ses Superman nourrit ma curiosité pour cette nouvelle Légion.

Jim