J’ai vraiment l’impression qu’il s’est déroulé, quelque part au centre de l’univers, une « Crisis » spatio-temporelle ayant réécrit sans qu’on s’en aperçoive clairement les fondements de l’univers tel que nous en faisons l’expérience sur ce forum, et que les choses ne seront plus jamais comme avant.
Je le sais à des détails infimes.
Deux en particulier.
Brian Bendis refait des comics intéressants.
Je me plais à lire les comics de Brian Bendis.
Bref, je ne reconnais plus l’univers dans lequel je vis !
Trêve de plaisanterie, ces deux numéros de Millenium sont plutôt pas mal. Ben nous les a commentés avec force détails, je ne reviendrai pas sur les astuces sympathiques (l’influence de Rose sur le futur Booster Gold, la construction d’un sceptre qui me semble un clin d’œil à Starman), ni sur la volonté affichée de donner une cohérence au futur disparate de l’univers DC (bâti sur différentes séries de SF des annés 1950, que Chaykin et Garcia-Lopez avaient déjà tenté d’ordonner à l’occasion de l’excellente mini-série Twilight), dont l’éditeur semble vouloir faire une trame glissante mais stable. Tout ceci est très agréable.
L’utilisation de Rose Forrest (qui n’est pas, je crois, la même « Thorn » que la mère de Jade et Obsidian, Rose Canton) est inattendue (en tout cas pour moi), mais permet à Bendis deux choses : d’une part il tient ici son personnage de Candide (plus intéressant que Superboy, d’autant qu’elle semble avoir une certaine « expérience » que Jon Kent n’a pas), mais aussi son Forrest Gump à lui, un personnage en perte de contrôle, dont la seule présence influe sur les autres (au point de se demander à quel point ce millénaire doit à l’ancienne vilaine schizophrène).
Alors oui, ça n’apporte pas grand-chose (le vague portrait par touches décousues d’un personnage secondaire dont le long parcours justifie les éventuels changements que le scénariste peut lui imposer, la description d’une histoire officielle qui flatte aussi le fanboy qui sommeille en nous…), mais c’est plutôt bien troussé. L’ensemble est bellement illustré, avec une mention spéciale pour la partie consacrée au Space Museum et illustrée par Nicola Scott, qui lorgne un brin vers le style d’Ivan Reis.
Vraiment, une agréable surprise, qui me rend impatient de lire la série régulière (je viens de commencer : le premier épisode ne fait que poser les choses, j’attends de voir).
Comme dit plus haut, l’univers vient d’être réécrit, et j’aime à nouveau Bendis.
Plus sérieusement, je continue à me méfier, mais le contact récent avec ses Superman, que je trouve d’excellente facture, m’a un peu réconcilié avec le scénariste. Il écrit avec les mêmes habitudes (dialogues superposés, répétition, grandes doubles pages peu narratives, voix off désincarnées…), mais je trouve l’ensemble nettement plus maîtrisé. Comme s’il n’était plus en automatique, comme s’il avait analysé son propre travail afin d’en tirer le meilleur. Les pages spatiales du voyage de Rose, traitées comme des illustrations ont les voix de Rose et de Thorn se gravent dans l’espace, ça fonctionne très bien, ça tombe juste.
J’avais beaucoup apprécié la manière dont il avait connecté la Légion et le projet des Planètes Unies dans Superman. J’y voyais un grand respect de la tradition et la continuité, allié à une modernisation du concept politique, qui fait écho aux tendances utopiques du héros. En gros, il prenait la dimension boyscout du protecteur de Metropolis et la mettait au service de la paix galactique. Le rôle de J’Onn J’onzz là-dedans n’est pas con, d’ailleurs (ce qui fait que les Planètes Unies naissent d’un projet imaginé par deux orphelins planétaires : astucieux, logique, finaud).
De Bendis chez DC, je n’ai lu que ça pour l’instant. Mais dans l’ensemble, je trouve ça très agréable. Rien de génial, rien de sobre, les tics sont toujours les mêmes, le rythme est ce qu’il est, mais il y a une volonté de tenir un projet au long cours, et c’est agréable.
Jim