Long métrage Belge, Néerlandais
Titre original : D’Ardennen
Genre : Thriller
Durée: 1h33
Année de production : 2015
SYNOPSIS
Un cambriolage tourne mal. Dave arrive à s’enfuir mais laisse son frère Kenneth derrière lui. Quatre ans plus tard, à sa sortie de prison, Kenneth, au tempérament violent, souhaite reprendre sa vie là où il l’avait laissée et est plus que jamais déterminé à reconquérir sa petite amie Sylvie.Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’entre-temps, Dave et Sylvie sont tombés amoureux et mènent désormais une vie rangée ensemble.Avouer la vérité à Kenneth pourrait tourner au règlement de compte…[/quote]
Premier film du tout jeune réalisateur flamand Robin Pront, Les ardennes tire son origine d’une pièce de théâtre écrite et mise en scène par Jeroen Perceval dans sa jeunesse. Robin Pront a fait tourné Perceval dans ses courts-métrages pour ses débuts en tant que réalisateur et les deux larrons se sont rapprochés au point d’envisager de collaborer ensemble sur un long-métrage. La simple évocation du contexte de la pièce (un thriller mâtiné d’une histoire d’amour dans lequel deux hommes se rendent dans les Ardennes pour une basse besogne) a tellement emballé Robin Pront que le jeune réalisateur propose de porter à l’écran cette pièce écrite moins de deux décennies plus tôt, en effectuant quelques changements de taille en collaboration avec Jeroen Perceval, qui co-écrit le script et interprète Dave à l’écran.
La première partie du film se place sous le signe du thriller à résonance sociale, avec ces personnages qui végètent dans un environnement urbain délétère pendant que les tensions latentes grandissent, exemplairement cristallisées par le personnage d’ex-taulard interprété par Kevin Janssens qui menace d’entraîner tout le monde dans son sillage destructeur. Puis le déroulement du scénario déraille, et le film bascule dans une deuxième partie sensiblement différente dès lors que les deux frères (portés par le duo d’acteurs Jeroen Perceval/Kevin Janssens) s’embarquent pour un voyage au cœur des Ardennes glacées d’hiver, le seul endroit de la Belgique où personne ne vous entend crier dixit Robin Pront. Dans cet environnement glacial isolé où tout peut arriver, on pense immanquablement au Fargo des frères Coen, avec ces personnages sur la brèche au bord de l’implosion et ces touches d’humour noir grinçantes. Robin Pront cite aussi bien les Coen, Martin Scorcese ou Woody Allen parmi ses influences que des films comme Blue Ruin ou Calvaire. Au milieu de tout ça, le jeune metteur en scène trouve son propre ton au travers de partis pris radicaux. Ainsi, l’intense discussion à cœur ouvert entre les deux frangins promise dès le début survient dans un lieu tout sauf indiqué pour ça, qui empêche toute explosion verbale et impose la contenance aux personnages. De même, le basculement opéré dans la deuxième partie place les personnages dans une tout autre ambiance, au gré des remous du scénario qui oscille entre le drame, l’absurde (la scène avec les autruches, franchement osée) et quelques passages à la lisière de l’horreur. Tout à fait étonnant et pourtant cohérent avec ce qui est posé d’emblée par le script, jusqu’à un climax final qui voit les protagonistes sombrer définitivement dans la violence, avec une ultime surprise à la clé marquant le point de non retour dans la relation fraternelle au cœur de l’histoire.
Robin Pront se distingue aussi par des choix de mise en scène audacieux, comme en témoigne l’ouverture du film avec ce saut au ralenti dans une piscine repris tel quel dans la bande-annonce. Initialement, Pront avait tourné pendant deux jours la séquence de braquage qui précède le plongeon avant de réaliser au montage que le début serait plus percutant en coupant tout ce qui précède, au grand dam du producteur (les deux journées de tournage en question étant les plus coûteuses du film). Le film recèle de nombreuses séquences surprenantes, et si un grand nombre survient logiquement dans la deuxième partie, la première a aussi son lot de beaux moments, avec ces retrouvailles fraternelles filmées via un rétroviseur ou ce règlement de comptes qui survient au beau milieu d’une station de lavage auto.
Un premier film très réussi au final, qui me fait attendre le prochain projet de Robin Pront avec curiosité. Soit l’ascension et la chute d’une discothèque flamande dans les années 1990 que le réalisateur présente comme une version belge de Casino avec de la techno (un style de musique déjà très présent dans son premier opus).