LES DIEUX DE KIRBY (Alex Nikolavitch)

Sinon, dédicace Les Dieux de Kirby vendredi 6 novembre à 17 heures chez Pulp’s comics, rue Dante à Paris !

[quote=« Nikolavitch »]

En voilà un qui aura au moins lu la page « du même auteur ».

E.D., c’est un roman qui creuse un peu certaines de mes obsessions (Jim parlerait de fixettes) sur l’Apocalypse, les rapports entre foi et raison, les systèmes coercitifs, etc.

Les « serviteurs des fins du monde » du titre sont des soldats au service d’une religion cosmique engagés dans une guerre contre des créatures lovecraftiennes. Le récit commence quand leurs pouvoirs psychiques/mystiques leur font inexplicablement défaut alors qu’ils sont engagés dans une opération sur une planète marécageuse…[/quote]

Et sa sortie est prévu pour quand ? (c’est bien le roman dont tu nous parles depuis au moins le dernier Angoul’ ?)

Bientôt. Je suis en train de le boucler. il sera dans les bacs début 2016, je pense. probablement pas en janvier, mais assez vite.

Et chez les Moutons ?

Yep. comme ça, en plus, l’objet sera beau.

Tenez, un extrait :

[quote]Goran se pourlécha les lèvres, tendu. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas commandé la troupe, beaucoup trop longtemps. Des assistants vinrent lui présenter les éléments de la grande tenue cérémonielle, avec l’étole noire du maître de guerre et la couronne à pointes permettant d’amplifier sa volonté au travers des grands cantres des nefs et par delà eux, aux légions de diacres à visière opaque. La dilution du moi entraînée par cette extension le terrifiait toujours autant, et même d’autant plus qu’il avait pendant tant d’années réussi à y échapper.
Une fois enfilée la robe noire, puis la cotte d’orichalque, les épaulettes du même métal et l’étole, un cantre vint lui poser sa couronne sur le front.
Qu’elle était lourde, cette couronne… Par elle, il sentait tout le poids des légions lui descendre sur les épaules. Il les sentait palpiter entre ses tempes comme un esprit collectif qui grandissait un peu plus à chaque diacre succombant à l’effet de l’encens narcotique. Et chacun d’eux, en mourant, lui renverrait la prise de conscience de cette mort, de cette absence soudaine dans la tapisserie humaine qu’il déployait face aux ennemis de la Foi. Il avait appris à balayer de son esprit ces sensations désagréables comme l’on chasse un moustique, mais appréhendait par avance le moment où elles viendraient l’assaillir comme une nuée de reproches. Pourtant, il n’était pas arrivé à son éminente position en se laissant retenir par la mort des autres ou les reproches muets adressés par leurs âmes quand elles quittaient leur corps pour se dissoudre dans l’immensité du Mental. Ces choses n’étaient que des échelons, des barreaux, des marchepieds qu’il avait escaladés un à un pour revêtir l’écarlate et siéger au Collège de son district.[/quote]

Bon je l’ai finalement commandé, parce que pas moyen de le trouver dans les rayons des libraires, non plus sur Amazon d’ailleurs (hormis en occasion !?), j’attends avec une certaine impatience de le recevoir. :wink:

Bizarre, ici, il semble disponible en neuf.

Jim

[quote=« Jim Lainé »]

d’ailleurs (hormis en occasion !?)

Bizarre, ici, il semble disponible en neuf.

Jim[/quote]

Oui, tu as raison, je me suis trompé, j’aurais dû marquer vendu par un autre « vendeur » qu’Amazon (je n’avais pas regardé s’il s’agissait de neuf ou pas d’ailleurs) c’est-à-dire à 2,99 l’envoi au lieu de 0,01 €.

[quote=« Nikolavitch »]

En voilà un qui aura au moins lu la page « du même auteur ».

E.D., c’est un roman qui creuse un peu certaines de mes obsessions (Jim parlerait de fixettes) sur l’Apocalypse, les rapports entre foi et raison, les systèmes coercitifs, etc.

Les « serviteurs des fins du monde » du titre sont des soldats au service d’une religion cosmique engagés dans une guerre contre des créatures lovecraftiennes. Le récit commence quand leurs pouvoirs psychiques/mystiques leur font inexplicablement défaut alors qu’ils sont engagés dans une opération sur une planète marécageuse…[/quote]

Très intéressant, ça s’annonce passionnant. Les moutons électriques ont accepté le titre tel quel sans broncher? C’est pas forcément un choix de mots très intuitifs pour le lectorat potentiel, non?

Je reviendrai dire un mot sur le bouquin de Kirby quand je l’aurai attaqué, ce qui ne devrait pas tarder.

Les modalités de la dédicace sont accessibles sur la page facebook de la librairie.

Je suis en train de lire l’excellent essai dont il est question dans ce fil de discussion qui lui est (justement) dédié, et dans la deuxième partie (page 110) Alex Nikolavitch, s’attarde sur les noms du panthéon que Jack Kirby invente en arrivant chez DC Comics, celui des New Gods.

Il pointe notamment leur nom et la fonction (c’est le mot que Niko utilise) qu’auront ces personnages, et qui transparaît justement au travers de leur patronyme : **Highfather ** renvoie dit-il à Alfadir = All father, père de toute chose, Darkseid signifie celui qui engendre et sème les ténèbres, et bien évidemment Scott Free : expression courante signifiant « libre comme l’air ».

Il apparaît dès lors que traduire autant que faire se peut les noms des dieux, ou des extraterrestres par exemple, ainsi que les noms de code des super-héros est souvent pour ne pas dire toujours, une obligation lorsque l’on s’adresse à des individus dont la langue maternelle n’est pas celle du pays où est reproduit l’artefact dans lequel ils apparaissent.

Si on en reste aux noms des Néo-dieux de Kirby on constate que ceux-ci sont des métaphores réifiées, chosifiées pourrait-on dire, qui décrivent des « objets » concrets ; ce qu’**Alex ** appelle des « fonctions ».

Jack Kirby, mais il n’est pas le seul dans le paysage de la bande dessinée américaine (ni dans d’autres domaines comme nous le verrons), à l’instar de ce qui c’est passé pour des mythes beaucoup plus anciens, construit les siens (de mythes) non pas tant avec des idées qu’à partir de mots ou de noms qui forment la condition préalable à leur élaboration et produisent des rebondissements de sens entraînant une mise en récit (storytelling).

C’est ce qu’ont montré John Scheid & Jesper Svenbro en particulier lorsqu’ils rappellent que l’opération mythique ne se fait pas en dépit des mots (ce que disait par exemple le structuralisme), mais avec les mots.
Qui plus est, ces mots sont le matériau polysémique qui construit le sens du récit.
Autrement dit, dans le cas qui m’occupe ici, les Néo-dieux kirbyens en l’occurrence, ce sont les noms des personnages qui motivent l’histoire et la manière de l’écrire.

On pourrait d’ailleurs tout aussi bien appliquer cette grille de lecture à Spider-Man, l’Homme-Araignée figure totémique animal autour de laquelle gravitent d’autres totems de la même catégorie : le Vautour, la Chatte Noire, le Rhino, ou encore la Veuve Noire qui je crois a connu une « seconde naissance » dans les pages de la série du Tisseur.
En parlant de « tisseur », on a pu voir récemment ce que ce mot pris au pied de la lettre pouvait donner pour un scénariste tel que Dan Slott.
dans la liste des animaux totems, Kraven n’est pas en reste, lui qui s’il n’est pas à proprement parlé un « homme-animal» en a les attributs vestimentaires et qu’il est la représentation du chasseur par excellence.
ne dit-on pas d’ailleurs : Kaven le chasseur !?

Bel exemple au demeurant d’épithète homérique qui dit la nature du personnage qui, quoi qu’il fasse ne changera pas.
J’en profite pour préciser ma pensée autour des épithètes.
Les aventures des personnages sont souvent le résultat visible du déploiement de leur épithète homérique respective.
En outre, les univers dits partagés de la bande dessinée de super-héros en tant qu’ils sont un éloge de la suite, s’inscrivent forcément dans un monde immobile où les personnages quoi qu’ils fassent restent identiques à ce qu’ils sont : « bon », « méchant », « perdant », « gagnant », etc.

Ceci étant, les noms des personnages peuvent ainsi être crédités du terme d’atome formulaire à partir duquel (ou desquels) l’auteur invente tout un monde, le déploiement dont je parlais.

Parfois, dans un premier temps ou pour toujours, l’atome formulaire qu’est le nom, ou plus précisément ce qu’il signifie reste dissimulé aux lecteurs.
Un exemple type est peut-être celui de l’Arabe fou imaginé par Lovecraft (HPL) et que l’on connait en tant qu’Abdul Alhazred, nom inventé nous dit-on par HPL alors qu’il avait 6 ans et qui serait la forme orientalisée de has all read dont la traduction en français donnerait quelque chose comme « a tout lu ».
Un nom programmatique s’il en est.

Certains noms que l’on ne soupçonnerait pas à l’exemple de Natty Bumppo le héros de la Frontière de James Fenimore Cooper sont pourtant tout aussi programmatique.
Ce nom indique au travers de sa dualité onomastique : Natty = coquet/chic et Bumppo : to bump/heurter, to bump off/liquider ; la dualité qui animera ce personnage tout au long de ses aventures, tiraillé qu’il sera par une attirance romantique pour les grands espaces (la Wilderness) et sa mission civilisatrice.

Dès lors le nom d’un personnage peut apparaître comme une métaphore réifiée, un objet concret qu’il faudrait prendre au pied de la lettre et dont la compréhension serait sinon impérieuse au moins souhaitable.

Vous l’avez compris Les dieux de Kirby, l’essai d’Alex Nikolavitche fait partie de ces livres qui non seulement nous divertissent grâce au style, nous informe grâce au fond mais également nous permettent de penser à partir de ce qu’il propose ; ce sont, c’est, un véritable exhausteur d’imagination.

Dans tous les sens du terme.

Un essai qui transforme en quelque sorte. :wink:

Et je n’ai pas terminé ma lecture. :slight_smile:

[quote=« artemus dada »]mais également nous permettent de penser à partir de ce qu’il propose ; ce sont, c’est, un véritable exhausteur d’imagination.
[/quote]

Tu ne pouvais pas me faire plus beau compliment que celui-ci, l’ami. J’en suis profondément ému, parce que c’est toujours ce que j’ai visé dans mon travail : à ouvrir des portes dans la tête des gens.

Tu ne pouvais pas me faire plus beau compliment que celui-ci, l’ami. J’en suis profondément ému, parce que c’est toujours ce que j’ai visé dans mon travail : à ouvrir des portes dans la tête des gens.[/quote]

Ouais, mais gare au courants d’air ! :slight_smile:

Bon j’ai terminé, et c’est un essai hautement recommandable. :wink:

Accessible et très intéressant. Bonne pioche.

Le ouiquende prochain a lieu le Salon des Ouvrages sur la BD, Halle des Blancs Manteaux à Paris.

Je viendrai y dédicacer Les dieux de Kirby vendredi après-midi, samedi soir et dimanche toute la journée
Et Dimanche après-midi, j’y participerai à une table ronde autour de la traduction de bande dessinée animée par Thierry Lemaire, avec Harry Morgan, Jean-Paul Jennequin.

Hmmm, une table ronde qui devrait s’avérer intéressante (dommage que j’habite aux antipodes…) : Harry Morgan, lui-même co-auteur d’un livre d’analyse kirbyenne, campe sur des positions que tu ne partages pas complètement, si je ne m’abuse, non ?
Je me souviens d’un vieil échange ici où tu te montrais très dubitatif quant à son rapprochement des travaux de Kirby avec le gnosticisme, pour citer un exemple…

[quote=« Photonik »]Hmmm, une table ronde qui devrait s’avérer intéressante (dommage que j’habite aux antipodes…) : Harry Morgan, lui-même co-auteur d’un livre d’analyse kirbyenne, campe sur des positions que tu ne partages pas complètement, si je ne m’abuse, non ?
Je me souviens d’un vieil échange ici où tu te montrais très dubitatif quant à son rapprochement des travaux de Kirby avec le gnosticisme, pour citer un exemple…[/quote]

Plus sur des problèmes de méthode. Il a des outils d’analyses puissants et précis, mais d’une précision qui empêche parfois d’avoir une vision d’ensemble, je crois.

Sur le gnosticisme (tout comme sur la kabbale, d’ailleurs, je l’évoque à la fin des Dieux de K.), je suis toujours méfiant. Ce sont des constructions ésotériques et mystiques passionnantes, mais dont on a vite fait de voir des traces partout. faut donc vite préciser de quoi l’on parle, dans ces cas-là.

Après, une analyse gnostique approfondie de Kirby, ça m’intéresserait. Quitte à ce que je sois critique dessus.

[quote=« Nikolavitch »]…] faut donc vite préciser de quoi l’on parle, dans ces cas-là.

…][/quote]

Si je peux me permettre, il faut toujours préciser de quoi on parle.

Dans n’importe quel cas.

:wink:

Certes. mais d’autant plus dans des cas où les notions sont entachées de fantasmes et de couches d’interprétations divergentes et polémiques.

[quote=« Nikolavitch »]
Sur le gnosticisme (tout comme sur la kabbale, d’ailleurs, je l’évoque à la fin des Dieux de K.), je suis toujours méfiant. Ce sont des constructions ésotériques et mystiques passionnantes, mais dont on a vite fait de voir des traces partout. [/quote]

J’abonde dans ce sens.
Je suis très intéressé par la grille de lecture gnostique, que je trouve à la fois très belle et inépuisablement riche, mais un type comme Pacôme Thiellement, pour citer l’exemple d’un essayiste pertinent et pas nul, finit par voir du gnosticisme dans n’importe quel morceau de pop-music ou dans l’intégralité des films produits dans les années 70. Au prix d’une sorte de dilution / appauvrissement de l’idée de base, fatalement…

Surtout que dans les seventies, ce qu’on peut lire comme gnostique vient généralement plutôt d’un occultisme à la Crowley, redécouvert par des mecs comme Jimmy Page. Et si Crowley connaissait le gnosticisme, il en donne une lecture bien à lui, qui n’a au final plus grand-chose à voir, et qui est de toute façon noyée dans son néo-paganisme.

Tu trouves ça aussi dans les critiques de la Franc Maçonneries qui y voient un gnosticisme uniquement parce que leur grille de lecture du gnosticisme leur vient des hérésiologues du début de notre ère.

Alors qu’à l’inverse, on parle beaucoup des Yézidis, et l’image d’adorateurs du diable qu’ils se trainent a complètement masqué le fond gnostique et manichéen de leur doctrine.

(mais l’assimilation satanisme/gnosticisme est une paresse habituelle des pourfendeurs d’hérésies)