LES DOSSIERS DU FANTASTIQUE (Florenci Clavé)

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J’ai toujours eu un rapport circonspect au travail de Florenci Clavé. Techniquement, c’est de haute volée, avec des lumières travaillés, des modelés réalistes, des drapés minutieux, ça a tout pour être virtuose… et ça n’atteint jamais le niveau. Loin d’être dans les sphères d’un Victor De La Fuente, il me semble davantage comparable à de nombreux dessinateurs officiant dans la presse anglaise, à l’instar d’un jeune David Lloyd ou d’un Arthur Ranson. Compétent, académique, séduisant, mais au final besogneux. J’ai retrouvé cette sensation en parcours Les Dossiers du fantastique, un recueil d’histoires courtes paru chez Dargaud en 1974.

J’y ai retrouvé ces ambiances oppressantes et étranges, tamisées mais contrastées, avec des personnages ridés et complexes. Mais il y a souvent un encrage lourd et épais qui gâche les détails. La colorisation de l’époque, faite d’aplats sans nuances, n’aide pas, aplatissant le dessin de manière impitoyable.

Et puis, comme beaucoup de dessinateurs de sa génération qui sont davantage intéressés par la belle image que par la narration fluide, Clavé compose des planches où les cases se chevauchent, remontent vers le haut, débordent les unes sur les autres, au point qu’il lui faille parfois recourir à des flèches en vue de guider l’œil du lecteur : c’est toujours mauvais signe. Il plie la narration à son goût de l’illustration, au lieu de soumettre son dessin aux nécessités du récit.

Au-delà de ces défauts qui empêchent Clavé de trôner au firmament des dessinateurs classiques, ce recueil est très sympathique. Le principe même de l’album, explicité dans la préface signée Guy Vidal, est de proposer des histoires à l’ambiance surnaturelle et fantastique et d’amener, en guise de chute, une « explication » qui vient retourner l’intrigue, désamorcer l’atmosphère occulte ou horrifique, dans une logique de « debunkage ». Dans la plupart des cas, ça marche assez bien, laissant parfois un petit doute qui amène le lecteur à choisir son explication. Si les lecteurs de l’époque ont pu voir, dans l’un des récits, une astuce exploitée par Verneuil dans La Bataille de San Sebastian, ceux qui découvriront l’album de nos jours ne manqueront pas de voir, dans une autre de ces histoires courtes, une pirouette finale qui n’est pas sans évoquer Le Village de Shiyamalan.

Jim

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