Tiens, tiens : le voilà donc (il est sorti en VOD la semaine dernière), le film qui a fait trembler l’industrie cinématographique hollywoodienne, voire le « monde libre », sur ses bases. Il aurait été formidable que le film soit une perle, un petit bijou, un travail qui donne envie de se battre pour… Soyons clair, il n’en est rien. Ce qui ne change rien à la lâcheté et la veulerie des producteurs de la chose, hein : que le film soit inepte ne change rien au débat, dans le fond.
C’est juste dommage qu’un bon potentiel se trouve ainsi gâché : le film est très fainéant, en plus d’être idéologiquement confus (à dessein, pour ménager la chèvre et le choux…).
Et pourtant ça partait pas si mal : Rogen et Franco (excellent dans le registre comique, celui-là) jouent deux journaleux de caniveau qui veulent se refaire une réputation avec un vrai « coup », à savoir l’interview que l’on sait. Comme souvent quand ces deux acteurs sont réunis, et de manière un peu contre-intuitive, c’est Franco qui joue le benêt et qui porte les gags les plus crétins, et il s’en sort parfaitement le bougre. Il y a quelques scènes vraiment marrantes durant l’exposition du film, comme ces vraies / fausses interviews d’Eminem et Rob Lowe (ils ne semblent pas manquer d’auto-dérision, ces deux-là…).
Puis ça se gâte, même si on rigole bien pendant presque tout le film. Le film se repose un peu trop sur son dispositif, et n’en tire guère de surprises passé un certain point.
Quant à la fin, elle est carrément laborieuse : se prenant presque pour un authentique thriller politique à la « Argo », et oubliant d’être drôle au passage, le film, à l’exclusion de quelques gags assez gores et plutôt marrants (les doigts bouffés…), se ramasse complètement dans sa dernière ligne droite.
Et le fameux Kim Jong-Un, alors ? Incarné par un acteur pas très ressemblant au final (mais bon, tous ces asiatiques se ressemblent un peu, non ? On a l’impression que c’est ce que la production s’est dit, en étant méchant…), le perso pose un vrai problème de positionnement. Au début, on se dit que les auteurs tiennent potentiellement une grande idée absurde : faire de Kim Jong-Un un benêt dépassé par les évènements mais plutôt sympa au fond (sans aucun rapport avec sa contrepartie « réelle », donc) qui aurait pu servir de véhicule à la dénonciation des systèmes de propagande et de désinformation mis en place des deux côtés.
Mais le jeune dictateur redevient vite une sorte de Docteur Fatalis diabolique, contrecarré par le courage sans limites de ces sacrés journaleux américains (de vrais héros, ceux-là). En fait, le film essaie de jouer sur plusieurs tableaux et n’y parvient pas, ne parvenant qu’à une pénible confusion des genres et des discours (mine de rien, essayer de rendre le dictateur nord-coréen flippant ne fait que ruiner la dimension comique du film). Et on a pas bien compris ce que les auteurs pensaient de ces tentatives de « mise hors d’état de nuire » (des assassinats politiques, pour le dire autrement) devenues une spécialité américaine très assumée depuis quelques années (drones et compagnie) sans que ça n’émeuve grand monde en Occident…
Si on rajoute à cette mesclaille des placements de produits d’un genre nouveau (une chanson de Katy Perry joue un rôle important dans l’intrigue : c’est une artiste Sony, qui produit le film…), voilà un projet au « capital antipathie » certain, malgré les talents impliqués (le film a une photo qui claque comme c’est pas possible, grâce au chef-op’ surdoué Brandon Trost) et un James Franco vraiment, vraiment marrant.