LOCKE & KEY t. 1-6 (Joe Hill / Gabriel Rodriguez) + INTÉGRALE

[quote=« Jim Lainé »]
C’est très sympa, ça se lit tout seul, mais bon, c’est pas non plus le choc de rencontre de personnages que j’ai ressenti pour un Y the Last Man, par exemple.

Jim[/quote]

Pour faire un parallèle avec un autre scénariste encore, je dirais bien que si dans cette série le traitement de la faute est éminemment conservatrice, celle du père, puis celle de chaque enfant à sa suite qui trébuche avant de se relever plus sage, plus fort etc, en ayant effacé jusqu’à la dernière trace de la faute initiale, remender lui dans uncanny x force puis dans uncanny avenger ne tombe jamais dans ce travers.

J’en avais parlé mais c’est un des aspects de son travail qui me plait le plus que cette impossibilité à en avoir fini une fois pour toute avec les conséquences de ses actes, forçant du coup les personnage non à changer « intérieurement » mais à faire avec, parfois en renouvellent l’acte initial, qui aura lui même de nouvelles conséquences parfois en cherchant à en poser un autre.

Je sais pas où tu en es de la lecture de x force, je spoile pas donc, mais le finale de la série qui vient faire echo à son début dont les conséquences n’auront cessé de faire retour dans la vie des persos est assez fort à ce niveau

J’en reparle puisque j’ai pu lire que tu n’accrochais pas à son travail.

Remender a en plus un vrai talent pour meler les questions politiques telle qu’elles sont dans l’air du temps aux personnages de fictions que sont les super heros tout en intégrant cela de manière fluide au passé des personnages (même si forcément, continuité oblige on trouvera toujours dans le passé des persos des comportements qui ne s’y intègrent pas).

Je me demande d’ailleurs si cet aspect de son travail ne serait pas en rapport aux polémique plus ou moins violente qui l’ont visé dernièrement. Remender sait en cela utiliser l’un des possibles du super héros qui fait echo dans la culture.

La question par exemple des mutants comme représentant des minorités et les tensions que cela peut engendrer entre une vision d’affirmation ou une vision d’intégration est vraiment bien faite, chaque point de vue trouvant son personnage havok, malicia, wanda qui éclaire en après coup son passé et le réactualise.

Même Logan bénéficie de cette approche. Depuis que aaron et remender préside à la vie du griffu, on a bien perçu que les deux compères font de la question du renoncement à la violence l’enjeu de l’évolution du personnage, le premier en lui offrant le statut de professeur pour se confronter à autre chose quand le second ne cesse de renvoyer logan à des impasses.

Mais c’est chez remender, je trouve, que cela est le mieux traité. Quand dans uncanny avenger logan craque, j’y ai vraiment cru.

Et ca fait vraiment longtemps que je n’avais pas cru à quelques émotions que ce soit chez le griffu.

Pour en revenir à Hill, c’est en effet la mécanique de précision qui me semble être le cœur du plaisir de lecture. Excellent rythme, tout ce recoupe, il sait bien doser chaque mystère, pas de réponse trop rapide pour laisser la frustration faire son effet, mais pas d’attente trop longue non plus pour pas qu’on s’en désintéresse. Au début les clefs apparaissent une à une et lorsqu’on pourrait se lasser du gimmick il accélère la cadence. Bien.

C’est très bien fait. Mais faut pas chercher ailleurs ce qu’il n’y a pas.

Comme dit Soyouz, c’est à cause de l’article de Zoo, qui soulève la question.
Kinsey n’est pas rebelle, elle est assez conformiste. Mais bon, c’est une ado : c’est ça, les ados, c’est des boules de protestation qui ne veulent qu’une chose, rentrer dans le moule. En cela, d’ailleurs, la série est bien écrite et rend bien la tension de cet âge-là.

C’est un des reproches que je fais aux « films spielbergiens » dont nous parlions précédemment : les adultes sont des boulets, des obstacles, ou des éléments du décor.

Même Bode est un peu absent : il est remis sur le devant de la scène quand on a besoin de proposer de nouveaux rouages narratifs, de nouvelles clés.

Surtout, ils sont très « modèle américain ».
La remise en cause du modèle américain ne passe pas par eux, mais passe plutôt par des personnages de victimes et par la dénonciation, au cœur du récit, de fait de société comme le racisme ou l’homophobie.
La famille, le corps enseignant, la police, sont présentés sous un jour soit positif soit neutre. Bon, pourquoi pas, cela permet parfois de beaux portraits, mais dans l’ensemble, ce n’est pas très subversif, encore moins à charge.

[quote=« KabFC »]
Je pense que Joe Hill perd de vue en chemin ses personnages aux profit de son histoire. Par contre comme tu dis elle est bien huilé et du coup certains détails comme ceux que tu as mentionné peuvent passer à l’as pour un lecteur plus lambda que certains ici.[/quote]

C’est l’un des trucs qui m’ont charmé : j’aime pas trop le trait de Gabriel Rodriguez, mais malgré cela, il m’a intéressé à cause de ses constructions de planches. Là encore, c’est de la mécanique bien huilée. Mais inventive.

Jim

C’est dans le début de l’article de Zoo que c’est évoqué ![/quote]

Ah ok. Merci.

[quote=« n.nemo »]
Pour en revenir à Hill, c’est en effet la mécanique de précision qui me semble être le cœur du plaisir de lecture. Excellent rythme, tout ce recoupe, il sait bien doser chaque mystère, pas de réponse trop rapide pour laisser la frustration faire son effet, mais pas d’attente trop longue non plus pour pas qu’on s’en désintéresse. Au début les clefs apparaissent une à une et lorsqu’on pourrait se lasser du gimmick il accélère la cadence. Bien.

C’est très bien fait. Mais faut pas chercher ailleurs ce qu’il n’y a pas.[/quote]

Je reviens sur ta dernière phrase et aussi sur le commentaire du type de zoo qui disait que ce n’était pas anti conformiste.

Je ne vois pas en quoi une bd devrait être anti-conformiste ? Et en quoi est-ce un défaut que ça ne le soit pas ?

Je suis entièrement d’accord. En quoi une BD, ou un media quelconque, devrait être anti-conformiste ? Et c’est quoui le conformisme ? Ca me fait penser à un épisode de South Park, dans lequel Stan cherche des équipiers pour un concours de danse. Il va voir les emos. Tous disent qu’un concours de danse est trop conformiste pour qu’ils y aillent, sauf un, qui dit être tellement anti-conformiste qu’il va y aller par esprit de contradiction…

Pour en revenir à Locke and Key, ça suit l’histoire d’une famille américaine qui veut se reconstruire après la mort du père, d’accord. Et après ? C’est grave ? L’histoire est chouette, bien amenée, les personnages vraiment attachants, j’ai eu le coeur serré à la disaprition de certains… après, je suis peut-être un garçon très conformiste, ça expliquerait que j’ai adoré la série.

Et je préfère infiniment un contexte « conformiste » mais bien exécuté, avec une bonne histoire, qu’un énième truc dark, ou d’une bonne idée de départ très mal exploitée, comme on en voit bien trop souvent.

[quote=« KabFC »]

[quote=« n.nemo »]
Pour en revenir à Hill, c’est en effet la mécanique de précision qui me semble être le cœur du plaisir de lecture. Excellent rythme, tout ce recoupe, il sait bien doser chaque mystère, pas de réponse trop rapide pour laisser la frustration faire son effet, mais pas d’attente trop longue non plus pour pas qu’on s’en désintéresse. Au début les clefs apparaissent une à une et lorsqu’on pourrait se lasser du gimmick il accélère la cadence. Bien.

C’est très bien fait. Mais faut pas chercher ailleurs ce qu’il n’y a pas.[/quote]

Je reviens sur ta dernière phrase et aussi sur le commentaire du type de zoo qui disait que ce n’était pas anti conformiste.

Je ne vois pas en quoi une bd devrait être anti-conformiste ? Et en quoi est-ce un défaut que ça ne le soit pas ?[/quote]

J’ai la flemme de reprendre l’article, mais je crois surtout que son auteur insistait sur le fait que les personnages sont présentés comme anti-conformistes et finalement ne le sont pas en vrai.
Ce qui est vrai, mais c’est lié au fait que ce sont des ados : les ados sont en révolte face à un monde dans lequel ils veulent s’inscrire.
Donc en soi, chercher à ce qu’ils soient définitivement anti-conformistes est une impasse, puisqu’il s’agit de la tension inhérente à l’adolescence, et à ce titre, Joe Hill restitue bien l’ambivalence de l’adolescence.
Cela dit, le récit en lui-même est très conservateur. La situation de crise initiale crée un manque, que les héros cherchent à combler. L’élément perturbateur et l’ensemble du processus narratif pourrait être l’occasion d’une construction de structure sociale nouvelle, d’une remise en cause de la structure passée, mais en fait, non : tous les efforts des héros et donc tout l’enjeu du récit consiste à protéger la structure passée, à entériner la famille protectrice.
Personnellement, j’ai rien contre. Mais c’est une dimension qui aurait pu m’apporter un peu de sympathie pour le récit en général. Parce que je reste un peu sur ma faim en termes d’empathie avec les personnages (j’ai peu souvent senti quelque chose pour eux, à part l’épisode du tunnel noyé déjà évoqué), et je reste un peu sur ma faim en termes de coups de théâtre (tout est quand même bien huilé, on voit tel élément nouveau dans le décor, on sait déjà par avance qu’il sera utilisé plus tard). Donc bon, des personnages pas mal mais qui ne me font pas frémir, dans des récits qui ne me surprennent pas vraiment, j’étais en droit d’attendre un discours politique un peu nerveux. Même pas. C’est très dans les clous, à ce niveau-là.
Reste donc un truc carré, compétent, très agréable à lire pour la qualité de ses dialogues et le soin de ses planches, mais qui n’a pas le swingue.
C’est très bien, très sympa, très bien fait, je le conseillerais si je le devais, mais ça risque pas (à moins d’une grosse surprise dans les deux dernières mini-séries) de s’installer dans mon panthéon personnel.

Jim

[quote=« KabFC »]

[quote=« n.nemo »]
Pour en revenir à Hill, c’est en effet la mécanique de précision qui me semble être le cœur du plaisir de lecture. Excellent rythme, tout ce recoupe, il sait bien doser chaque mystère, pas de réponse trop rapide pour laisser la frustration faire son effet, mais pas d’attente trop longue non plus pour pas qu’on s’en désintéresse. Au début les clefs apparaissent une à une et lorsqu’on pourrait se lasser du gimmick il accélère la cadence. Bien.

C’est très bien fait. Mais faut pas chercher ailleurs ce qu’il n’y a pas.[/quote]

Je reviens sur ta dernière phrase et aussi sur le commentaire du type de zoo qui disait que ce n’était pas anti conformiste.

Je ne vois pas en quoi une bd devrait être anti-conformiste ? Et en quoi est-ce un défaut que ça ne le soit pas ?[/quote]

jim a répondu avant moi.

il n’y a aucun problème au coté morale conservatrice, je disais d’ailleurs au départ que le critique de zoo se réveillait un peu tard puisque c’est là des le départ, des le départ on a droit à tous les poncifs, faut vraiment être de mauvaise foi pour pas s’en rendre compte je trouve ( je parle toujours du critique de zoo)

Aucun problème, si ce n’est que du coup quand on fait ce choix narratif on ne raconte rien vraiment, à mon sens. Rien dans la vie ne correspond à cette mécanique bien huilée, la mécanique dans la vie c’est ce qui fait dérailler pour poursuivre l’image, c’est le déraillage lui même et pas ce qui vient le résoudre.

Dans la tragédie grecque, la mécanique implacable du destin, celle de la faute du père, y a pas moyen d’y échapper, pas de possibilité d’effacer la trace qu’on a reçu en héritage. Là ca parle, ça dit quelque chose.

Locke and key à ce niveau là ne parle pas, se tait, efface. Mais bon comme je l’ai dit, c’est la donnée de base, on s’en rend vite compte, donc si on poursuit c’est pour autre chose, pour le plaisir de voir le mécanisme de l’horloge, de voir les rouages s’activer les uns les autres, et à ce niveau j’ai trouvé ça très bien maitrisé.

Je continue à avancer (j’en suis à la fin de Clockworks, et j’aime bien l’évolution graphique de Rodriguez, qui reluque un peu du côté d’Art Adams, avec un dessin souple et cartoony, faisant le même chemin que Nick Bradshaw, d’une certaine manière), et y a deux trucs que je trouve intéressants dans la série :

  • déjà, j’étais moyennement convaincu par l’explication du mal, une explication extérieure à l’homme. Je ne détaillerai pas pour ceux qui n’ont pas encore lu, mais il arrive un moment où l’on nous explique que le mal qui règne à Lovecraft vient d’ailleurs. Moi, ça m’enquiquine, cette idée, en général, parce que ça exempte en partie les personnages humains de toute responsabilité. Mais justement, le scénario redonne aux personnages une part de responsabilité dans la naissance du mal en montrant les manipulations ratées qu’ils exercent sur l’un d’entre eux. Ça suffit à rendre ambivalente cette présence du mal.

  • d’autre part, le long flash-back que contient Clockworks montre qu’une partie de la responsabilité provient de l’enfant, dans une logique « personne n’est innocent ». L’enfant coupable, c’est quelque chose que la fiction américaine gère très bien depuis longtemps (notamment dans les séries genre Law & Order, ils n’hésitent pas à tabasser, sur ce sujet précis). Ici, c’est assez frappant, l’enfant s’avérant parfois aussi inconséquent et égoïste que l’adolescent, voire plus.

Les deux points pondèrent pas mal le schéma « péchés du père » qui couve sur l’ensemble de la série (et qui est assez lourdement détaillé dans Clockworks, par ailleurs, qui arrive dans la série comme un rouleau-compresseur). Ça rend le truc un peu plus subtil.

Jim

Milady va rééditer le premier tome de Locke and Key dans une édition collector à 29,90 euros.
Sortie prévue le 21 novembre.

http://www.cine-sanctuary.com/public/sanctuary/img/comics_3/91IX-X0hNzL.jpg

C’est repoussé au 5 décembre !

Je crois qu’on va finir par annoncer les sorties Milady et Akileos au tout dernier moment ! :wink:

Sauf que dans ce cas, la trad est déjà faite ! Y a donc une étape en moins.
Faut croire que les fabricants ne respectent pas leurs délais ou que les éditeurs sont trop optimistes !

Voici les couvertures de l’Intégrale en 3 volumes de Locke & Key, dont la sortie est prévue pour le 18 novembre :

Très belle couverture cette intégrale.

J’étais passé totalement à côté de Locke & Key, avant de me pencher sur ces intégrales.
Bien m’en a pris.
Si la série n’a rien de révolutionnaire, elle est très dynamique et très agréable à lire, pleine de rebondissements qui donnent constamment envie de lire la suite. C’est un très bon page-turner, qui n’a pas forcément grand-chose d’original mais joue très, très bien avec ses personnages et ses principes généraux ; Joe Hill n’est certainement pas le meilleur dialoguiste du monde, ses personnages ne sont pas énormément creusés non plus, mais il tient très bien le bateau de son récit et le tout rend très, très bien.
Le format des intégrales est très bon, aussi, et donne une cohérence générale aux intrigues, tout comme le trait constant et appliqué de Rodriguez.

Une très bonne surprise.

Locke & Key revient chez Hi Comics à partir du 23 mai. Les six premiers tomes seront réédités au rythme d’un album par mois jusqu’à octobre (prix : 17,90 EUR)…et il y aura un 7ème tome inédit en 2019.

Et là je me moque de tous mes amis et collègues qui m’ont dit qu’une intégrale en 3 tomes c’est plus joli qu’est-ce que je fous avec mes 6 tomes ? Et Bien simplement le 7 inédit sera raccord avec mes 6 tomes pas les 3 intégrales.

Ahahahahahah. Vengeance.

Je suppose qu’en plus, il ne faut pas que les livres soient dépareillés ?:wink:

tout à fait.

Ahahahaha, oui, c’est encore plus drôle !
(bon, moi, faut déjà que je finisse d’acheter les tomes manquants …)