LOLA BOGOTA t.1-3 (Frédéric Brrémaud, Philippe Chanoinat / Mathieu Reynès)

Discutez de Lola Bogota

Lola Bogota trafique. Un peu de tout, pour des tarifs élevés. Et notamment, l’un de ses clients, le Chanoine, lui commande une drogue qui fait apparaître la Vierge aux consommateurs. Et l’un de ses consommateurs n’est autre que Georges Abadi, parrain de la pègre bordelaise, dont la foi toute récente remet en cause les petites affaires de son entreprise, ce qui éveille les fâcheries de ses lieutenants, peu satisfaits de découvrir qu’une partie des bénéfices est absorbées par les bondieuseries de leur patron.

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S’ensuit une avalanche de péripéties diverses, entre bons mots et duels au bazooka, dans une ambiance directement branchée sur celle des Tontons Flingueurs ou des Barbouzes. Les personnages, qui empruntent leurs faciès renfrognés à Lino Ventura, Jean Lefebvre ou Bernard Blier, appuient sur la parenté, totalement assumée puisque le cinéaste Georges Lautner est cité dans les remerciements.

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L’exploration de l’univers lautnerien et de la gouaille audiardienne, c’est un peu le fond de commerce de Philippe Chanoinat, l’un des deux scénaristes. Il est ici en terrain connu, et pour l’essentiel, les dialogues demeurent aussi fluides que fleuris, sans avoir bien entendu l’élégance d’Audiard : qui pourrait égaler le maître ?

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Ce premier tome, s’il est très agréable (tout se lit bien, les séquences d’action sont faciles à suivre et bien spatialisées, le dessin de Mathieu Reynès est déjà souple et parfaitement inscrit dans cette tradition semi-réaliste qui a laissé des merveilles dans le franco-belge), a peut-être effectivement du mal à se détacher de sa source d’influence, malgré la présence du trio composé par Lola, son assistante Jane et son homme à tout faire Z.

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S’éloignant de l’ambiance lautnerienne, le deuxième tome entraîne Lola Bogota, son assistante Jane et Z, l’homme préhistorique qui lui sert de force de frappe, à la recherche de clichés compromettant pour le Président des États-Unis (l’action se déroulant au début des années 1960, je vous laisse deviner de qui il s’agit).

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Explorer de nouvelles voies redonne du souffle aux personnages. On s’éloigne des films ayant servi de repère au premier tome. Les références sont toujours là, mais plus variées (des acteurs, certes, mais aussi des personnages d’autres bandes dessinées connues).

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L’exercice montre cependant quelques limites. Notamment, les dialogues témoignent d’un plaisir coupable, au point que ça donne l’impression que le signataire s’écoute écrire, et ne fait pas dans la sobriété. Si bien qu’à l’étape du lettrage, il faut réduire le corps afin de tout faire rentrer, dommage. Et de même, si l’intrigue sort du moule, on sent bien également qu’elle trouve tout son sel grâce au jeu des références et des clins d’œil, et qu’elle demeure assez plate sans cette dimension.

Jim

Pour le troisième et dernier tome, l’équipe artistique trouve un bel équilibre entre l’hommage et l’invention.

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L’action se passe en Sicile. Lola se retrouve embrigadée dans un plan ambitieux, celui de braquer un train convoyant des fonds importants. Elle trouve sur son chemin différents flingueurs au pédigree varié ainsi que le frère jumeau de Georges Abadi, immigré en Argentine. L’affaire tourne rapidement au massacre, l’album accumulant un nombre conséquent de cadavres et une longue enfilade de trahisons et autres traîtrises.

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L’ensemble est plutôt bien troussé, avec une belle évolution du style de Reynès, de plus en plus souple et énergique. Même les adresses au lecteur, dont les implications méta étaient un peu lourdement amenées dans le tome précédent, sont assez agréables. Restent quelques petits défauts (des textes encore trop longs qui obligent à réduire la police, un usage un peu incertain de la virgule…), mais l’album a trouvé son équilibre, et la série son rythme de croisière : dommage qu’elle s’arrête à ce troisième volet.

Jim

Ouais, je suis assez d’accord avec ton analyse. C’est très rocambolesque. J’ajouterais que ça fait quand même un drôle de mélange, presque bizarre. Et j’ai eu du mal à placer ça dans les années 60. Ce qui m’a donner l’impression que les dialogues étaient forcés, pas naturels. Peut être l’ambiance. Ou alors que les « héros » ne faisaient pas trop années 60.

Oui, je te rejoins sur l’ensemble (sauf que quand tu lis les dialogues de la petite blonde, ça rappelle un peu quand même les dialogues du premier tome).
Et le truc, c’est qu’on ne connait pas grand chose des perso principaux. Z semble être une sorte de Zombie à la Solomon Grundy, Lolita passe de trafiquante à nettoyeuse … ça ressemble à l’époque de Marvel où les grands savants étaient savants pour toutes les spécialités.
Alors, ouais, c’est facile à lire … comme un film du dimanche soir.
Heureusement que le dessin est sympathique.

C’est elle qui a les dialogues les plus pénibles. Parce qu’ils sont trop longs et donnent l’impression que les scénaristes tentent d’y tasser toutes les tournures auxquelles ils tiennent, sans trier, sans raffiner.

Jim

Et de lui donner de la contenance … parce que sa fonction reste assez maigre, quand même.

Ouais, l’histoire de ce troisième tome est pas mal du tout. ça reste très rocambolesque, mais ça a le mérite d’être original et de jouer avec une certaine continuité. Le dessin est plein d’énergie et de mouvement. Reste les dialogues que je n’ai pas spécialement appréciés, que j’ai trouvé inutilement vulgaires par moment.